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Décisions

Cass. 3e civ., 10 décembre 2003, n° 02-12.215

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Rouen, du 13 déc. 2001

13 décembre 2001

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 13 décembre 2001), que la société Renault, maître de l'ouvrage, a chargé la Société d'équipements techniques de bâtiments (société SETEB), assurée pour sa responsabilité civile par la compagnie Assurances générales de France (AGF), et, pour sa responsabilité obligatoire par la compagnie Groupama du Nord, des fournitures et travaux nécessaires à la climatisation du laboratoire de métrologie d'une usine ; qu'après réception de l'installation le 12 janvier 1995, l'incendie du climatiseur survenu le 21 octobre 1995 ayant produit des suies corrosives ayant pollué ce laboratoire, le laboratoire de spectrographie voisin et les matériels qui s'y trouvaient, le maître de l'ouvrage a assigné en réparation de son préjudice la compagnie Groupama du Nord et la société SETEB, qui a appelé en garantie la compagnie AGF ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et sur le moyen unique du pourvoi provoqué, pris en sa première branche, réunis :

Attendu que la société SETEB et la compagnie AGF font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Renault une certaine somme sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, et la compagnie AGF de la condamner à garantir la société SETEB du paiement de cette somme, alors, selon le moyen :

1 / qu'un système de climatisation, destiné par nature à modifier la température au sein d'un bâtiment et qui relève de la construction immobilière dont il emprunte des éléments, constitue un ouvrage ou un élément d'équipement au sens des articles 1792 à 1792-3 du Code civil ; qu'en décidant, pour écarter la responsabilité décennale, qu'une telle installation ne relève pas de travaux du bâtiment ou de génie civil et ne constitue pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil, la cour d'appel a violé les textes précités ;

2 / que tout constructeur ou locateur d'ouvrage est responsable des dommages qui affectent l'un des éléments d'équipement et rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; que l'installateur d'un système de climatisation équipant un immeuble, destiné à permettre l'utilisation de celui-ci comme laboratoire de recherche, est responsable du dysfonctionnement de ce système lorsque l'immeuble est ainsi rendu impropre à sa destination ; que la cour d'appel a, pour écarter la garantie décennale de la société SETEB, qui avait installé un climatiseur destiné à permettre l'utilisation d'un immeuble de la société Renault comme laboratoire de métrologie, retenu que l'installation de ce climatiseur ne relevait pas des travaux de bâtiment ou de génie civil et ne constituait pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil ; qu'en refusant néanmoins de rechercher, comme elle y était invitée, si le climatiseur rendait, par son dysfonctionnement, l'immeuble impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la "centrale autonome de climatisation" installée par la société SETEB était composée d'un climatiseur livré dans une boîte en carton se présentant sous la forme d'une armoire verticale raccordée à des conduits et des réseaux d'air en tôle galvanisée placés entre deux sous-plafonds suspendus, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que sa décision rendait inopérante, qu'une telle installation, qui ne relevait pas des travaux de bâtiment ou de génie civil, ne constituait pas la construction d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, et sur le moyen unique du pourvoi provoqué, pris en sa seconde branche, réunis :

Attendu que la société SETEB et la compagnie AGF font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Renault une certaine somme sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, et la compagnie AGF de la condamner à garantir la société SETEB du paiement de cette somme, alors, selon le moyen :

1 / que tous les équipements du bâtiment relevant des travaux de construction et ne faisant pas indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, de clos ou de couvert, relèvent de la garantie biennale, sans qu'il y ait lieu d'établir de distinction supplémentaire ; qu'en énonçant que la garantie biennale concerne les seuls éléments d'équipements dissociables installés dans le cadre plus général de la construction et non adjoints à l'ouvrage pré-existant, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comprend pas et violé l'article 1792-3 du Code civil ;

2 / que les éléments d'équipements dissociables de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de la réception ; que l'installateur d'un élément d'équipement est tenu de garantir le bon fonctionnement de celui-ci sans qu'il faille distinguer selon que cet élément a été installé dans le cadre de la construction d'un ouvrage ou a été adjoint à un ouvrage existant ; que l'installateur d'un système de climatisation adjoint à un immeuble est donc tenu de garantir le bon fonctionnement de ce système pendant deux ans à compter de sa réception ; qu'en écartant néanmoins la garantie biennale de la société SETEB, parce que le système de climatisation avait été adjoint à un ouvrage existant, la cour d'appel a violé l'article 1792-3 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que, facilement démontable, sans détérioration ou enlèvement de matière, l'installation de climatisation constituait un élément d'équipement dissociable du local dans lequel elle était posée et justement relevé que la garantie de bon fonctionnement d'une durée de deux ans à compter de la réception de l'ouvrage ne concernait pas les éléments d'équipement dissociables seulement adjoints à un ouvrage existant, la cour d'appel en a exactement déduit que l'installation de climatisation ne faisait pas l'objet de cette garantie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Seteb à payer à la société Renault la somme de 1 900 euros et à la compagnie Groupama du Nord la somme de 1 900 euros ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Seteb et la demande de la compagnie AGF ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille trois.