Décisions
Cass. crim., 6 février 1969, n° 67-93.492
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Comte
Rapporteur :
M. Escolier
Avocat général :
M. Barc
Avocats :
Me Boré, Me Sourdillat
REJET DU POURVOI FORME PAR X... (RAYMOND), CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, EN DATE DU 27 OCTOBRE 1967, QUI A CONDAMNE LE DEMANDEUR A UN AN D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, 5000 FRANCS D'AMENDE ET A DES DOMMAGES-INTERETS POUR CORRUPTION DE FONCTIONNAIRE LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS, TANT EN DEMANDE QU'EN DEFENSE;
SUR LES DEUX MOYENS DE CASSATION REUNIS, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 6, 8 ET 382 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, 177 DU CODE PENAL, 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, INCOMPETENCE, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE, D'UNE PART, LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE, SAISIE D'UNE POURSUITE POUR CORRUPTION PASSIVE PAR DONS ET PRESENTS RECUS PAR UN FONCTIONNAIRE PUBLIC POUR S'ABSTENIR DE FAIRE UN ACTE DE SA FONCTION, A DISQUALIFIE ET PRONONCE CONDAMNATION POUR CORRUPTION PASSIVE PAR DONS OU PRESENTS TENDANT A L'ABSTENTION D'UN ACTE QUI, BIEN QU'EN DEHORS DES ATTRIBUTIONS PERSONNELLES DE LA PERSONNE CORROMPUE, ETAIT FACILITEE PAR SA FONCTION;
"ALORS QUE LES JUGES NE PEUVENT DISQUALIFIER QU'A LA CONDITION DE NE RIEN CHANGER AUX FAITS DONT ILS SONT SAISIS, A MOINS DE CONSTATER EXPRESSEMENT UNE ACCEPTATION DU PREVENU, QUI FAIT DEFAUT EN L'ESPECE;
"EN CE QUE, D'AUTRE PART, L'ARRET ATTAQUE S'EST REFUSE A DECLARER ETEINTE PAR LA PRESCRIPTION TRIENNALE L'ACTION PUBLIQUE INTENTEE PLUS DE TROIS ANS APRES LA DATE A LAQUELLE A ETE ACCOMPLI L'ACTE INCRIMINE;
"AUX MOTIFS QUE, S'IL EST EXACT QUE LE SEUL FAIT POUR LES PERSONNES ENUMEREES PAR L'ARTICLE 177 DU CODE PENAL DE CONCLURE, DANS UNE INTENTION COUPABLE, UN PACTE ENTACHE DE CORRUPTION SUFFIT A CARACTERISER LE DELIT, IL EST AUSSI CERTAIN QUE LES ACTES PAR LESQUELS IL EST MIS A EXECUTION CONSTITUENT DES FAITS PUNISSABLES SOUS CETTE QUALIFICATION JUSQU'AU JOUR OU CE PACTE A PRIS FIN ET QUE C'EST CETTE DERNIERE DATE QUI MARQUE LE POINT DE DEPART DE LA PRESCRIPTION DE L'ACTION PUBLIQUE;
"ALORS QU'IL EST DE PRINCIPE QUE LA PRESCRIPTION TRIENNALE COURT DU JOUR OU LE DELIT A ETE CONSOMME;
QU'EN OUTRE, AUX TERMES D'UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE, LE DELIT DE CORRUPTION EST UN DELIT INSTANTANE QUI SE TROUVE CONSOMME PAR LA CONCLUSION DU PACTE INCRIMINE ENTRE LE CORRUPTEUR ET LE CORROMPU, SANS QU'IL Y AIT LIEU DE TENIR COMPTE DES ACTES D'EXECUTION ;
QU'EN L'ESPECE, ETANT SAISI DE CONCLUSIONS DANS LESQUELLES LE DEMANDEUR RAPPELAIT QUE L'ACTION PUBLIQUE AVAIT ETE INTRODUITE PLUS DE TROIS ANS APRES LA CONCLUSION DU PRETENDU PACTE ENTACHE DE CORRUPTION, L'ARRET ATTAQUE, QUI NE CONTESTE POINT CES CONCLUSIONS, N'A PU DES LORS SE REFUSER A APPLIQUER LA PRESCRIPTION QU'EN ATTRIBUANT INDUMENT AU DELIT DE CORRUPTION LE CARACTERE D'UNE INFRACTION CONTINUE, AU PRIX D'UNE VIOLATION DES TEXTES VISES AU MOYEN";
ATTENDU QU'IL APPERT DU JUGEMENT CONFIRME PAR L'ARRET ATTAQUE QUE Y... A CREE, AVEC L'AIDE DU DEMANDEUR, UN "BUREAU DE DEFENSE DES FONCTIONNAIRES" QUI RENSEIGNAIT CES DERNIERS SUR LES PROCEDURES ENGAGEES PAR L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR POUR LE RECOUVREMENT, PAR L'ETAT, DES PRESTATIONS SERVIES A L'OCCASION DES ACCIDENTS DONT CES FONCTIONNAIRES AVAIENT ETE VICTIMES;
QUE LE "BUREAU DE DEFENSE" OFFRAIT A CEUX-CI D'INTERVENIR, EN LEUR NOM, DEVANT LES TRIBUNAUX POUR OBTENIR DES TIERS RESPONSABLES LES INDEMNITES COMPLEMENTAIRES QUI POUVAIENT ETRE DUES APRES EVALUATION DES REMBOURSEMENTS EFFECTUES AU PROFIT DE L'ETAT;
QUE Y..., DIRECTEUR DU "BUREAU", SE FAISAIT ENSUITE VERSER PAR LES BENEFICIAIRES DE CES INDEMNITES, SUR LE MONTANT DES SOMMES AINSI RECOUVREES, UN POURCENTAGE EQUIVALENT A CELUI QUE PERCOIVENT LES CABINETS D'AFFAIRES;
QUE, DE 1962 A 1965, X..., ADMINISTRATEUR CIVIL A L'AGENCE JUDICIAIRE DU TRESOR, A PRELEVE UN MILLIER DE DOSSIERS DANS LES ARCHIVES DE CETTE ADMINISTRATION AFIN DE RENSEIGNER Y... SUR LES PROCEDURES ENGAGEES PAR L'ETAT DANS LES CONDITIONS QUI VIENNENT D'ETRE INDIQUEES;
QU'EN OUTRE, LE DEMANDEUR REDIGEAIT DES LETTRES PORTANT L'EN-TETE "MINISTERE DES FINANCES, SERVICE DU CONTENTIEUX, AGENCE JUDICIAIRE DU TRESOR PUBLIC";
QU'AUX TERMES DE CES LETTRES, DES FONCTIONNAIRES DONT LES NOMS ET LA SITUATION AVAIENT ETE REVELES PAR LES DOSSIERS ADMINISTRATIFS ETAIENT EN DROIT D'OBTENIR DES INDEMNITES COMPLEMENTAIRES QUE X... APPOSAIT, AU-DESSUS DE SA SIGNATURE, LA MENTION SUIVANTE, "POUR LE CHEF DE SERVICE DU CONTENTIEUX, AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR, L'ADMINISTRATEUR CIVIL";
QUE CES LETTRES AVAIENT POUR OBJET DE DETERMINER DES FONCTIONNAIRES A INTERVENIR DANS LES PROCEDURES LES CONCERNANT;
QUE Y... A REMIS AU DEMANDEUR DES SOMMES D'ARGENT QUI CONSTITUAIENT, UNE REMUNERATION POUR LES DOSSIERS COMMUNIQUES ET LES AVIS TRANSMIS;
QUE SELON LES PREVENUS LE MONTANT TOTAL DE CES SOMMES S'EST ELEVE A 10000 FRANCS ENVIRON;
ATTENDU QUE LES PREMIERS JUGES ONT RETENU A LA CHARGE DE X... LE DELIT DE CORRUPTION DE FONCTIONNAIRE PREVU PAR L'ARTICLE 177, PARAGRAPHE 1ER, DU CODE PENAL, AU MOTIF QUE CE PREVENU AVAIT RECU DES DONS POUR S'ABSTENIR D'OBSERVER "LA DISCRETION" IMPOSEE AUX AGENTS DE L'ETAT;
QU'A BON DROIT L'ARRET ATTAQUE, INFIRMANT DE CE CHEF LE JUGEMENT, A FAIT APPLICATION AU DEMANDEUR DES DISPOSITIONS DU DERNIER ALINEA DE L'ARTICLE 177 SUSVISE INTERDISANT DE RECEVOIR DES DONS POUR L'ACCOMPLISSEMENT D'UN ACTE QUI, BIEN QUE SE TROUVANT EN DEHORS DES ATTRIBUTIONS DE LA PERSONNE CORROMPUE, A ETE FACILITE PAR LA FONCTION QU'EXERCE CETTE DERNIERE;
QU'EN EFFET, IL RESSORT DES CONSTATATIONS PRECITEES QUE LE DEMANDEUR A RECU DES SOMMES D'ARGENT POUR COMMUNIQUER DES DOSSIERS ET DES RENSEIGNEMENTS QU'IL N'A PU OBTENIR QU'EN SA QUALITE D'ADMINISTRATEUR CIVIL;
QU'AINSI, LOIN D'AJOUTER UN ELEMENT NOUVEAU AUX FAITS QUI SERVENT DE BASE AUX POURSUITES, LA COUR D'APPEL A RESTITUE A L'INFRACTION COMMISE SA VERITABLE QUALIFICATION;
ATTENDU, D'AUTRE PART, QU'A JUSTE TITRE EGALEMENT L'ARRET A DECLARE QUE LES DELITS REPROCHES AU DEMANDEUR N'ETAIENT PAS ATTEINTS PAR LA PRESCRIPTION TRIENNALE;
QU'EN EFFET, IL RESULTE DU JUGEMENT QUE X... A RECU, DE 1962 A 1965, SOIT MOINS DE TROIS ANS AVANT LA DATE DU REQUISITOIRE INTRODUCTIF, DES SOMMES D'ARGENT POUR ACCOMPLIR, DURANT CETTE PERIODE, LES ACTES QUI LUI SONT REPROCHES;
QU'AINSI ONT ETE COMMIS DES DELITS SUCCESSIFS QUI SE SONT RENOUVELES AUSSI LONGTEMPS QU'A EXISTE LE CONCERT FRAUDULEUX LIANT Y... AU DEMANDEUR, QU'IL S'ENSUIT QUE LA CONDAMNATION PRONONCEE ENTRE CE DERNIER DU CHEF DE CORRUPTION DE FONCTIONNAIRE ETANT LEGALEMENT JUSTIFIEE, LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI;
ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME;
REJETTE LE POURVOI.