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Décisions

Cass. com., 11 mars 2003, n° 00-20.737

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Truchot

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

SCP Lesourd, Me Foussard

Versailles, du 22 juin 2000

22 juin 2000

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 18 septembre 1997, le receveur divisionnaire des Impôts des Yvelines a fait délivrer un avis à tiers détenteur sur le compte bancaire de la société allemande Leuchtturm Albenverlag GMBH & Co (la société) pour obtenir paiement d'une somme due par celle-ci au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ;

que cet avis à tiers détenteur a été notifié le même jour au représentant fiscal en France de la société pour compte de celle-ci ; que la société, après avoir vainement contesté l'avis à tiers détenteur auprès de l'Administration, a assigné le receveur devant le juge de l'exécution pour voir annuler cet avis en faisant valoir que son représentant fiscal en France, auquel elle avait fourni les documents et moyens de procéder aux déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et au paiement de celle-ci, était seul redevable légal de l'impôt correspondant ; que sa demande ayant été rejetée par jugement du 28 mai 1998, la société a fait appel de cette décision ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable le moyen tiré de la caducité de l'avis à tiers détenteur, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte de l'article R. 281-5 du Livre des procédures fiscales que "le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service ; les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leur mémoire, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires", qu'il résulte clairement de ce texte qu'il interdit uniquement de se prévaloir devant le juge de "pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leur mémoire" devant le chef de service, et des "faits autres que ceux exposés" dans leur recours préalable à l'administration fiscale, que, dans ces conditions, le pouvoir réglementaire n'a pas inclus les moyens de droit dans la prohibition susmentionnée, ceux-ci n'étant ni des pièces justificatives ni des faits, et pouvant donc être présentés pour la première fois devant le juge, alors même qu'ils n'auraient pas été invoqués devant le chef de service ; qu'en déclarant irrecevable le moyen tiré de ce que l'avis à tiers détenteur était caduc au motif d'une demande de sursis à paiement présentée les 17 et 20 octobre 1997 en application de l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales, la Cour a, dès lors, violé les dispositions de l'article R. 281-5 du même Livre ;

2 / que le moyen tiré de la caducité de l'avis à tiers détenteur au motif d'une demande de sursis à paiement est un moyen d'ordre public qui doit être au besoin relevé d'office par le juge, puisque l'effet d'attribution immédiate de l'avis à tiers détenteur notifié avant la réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement conditionne le caractère exécutoire de l'avis à tiers détenteur et est susceptible d'entraîner son oblitération rétroactive, qu'il incombe alors au juge de l'exécution de s'assurer de la caducité éventuelle de l'avis à tiers détenteur, cette caducité rendant inexistante rétroactivement ledit avis, que cette question est d'ordre public par l'effet de l'application de l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales, qu'il échet ainsi au juge de l'exécution de la relever au besoin d'office, et qu'en tout état de cause, les dispositions de l'article R. 281-5 du même Livre, ne peuvent empêcher le débiteur prétendu de la dette d'impôt de soulever le moyen tiré de la caducité de l'avis à tiers détenteur au motif d'une demande de sursis de paiement présentée par ledit supposé débiteur, qu'en refusant de connaître du moyen tiré de la caducité de l'avis à tiers détenteur au motif d'une demande de sursis de paiement, le juge du fond a donc violé les dispositions de l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales ;

3 / qu'il ressort de la jurisprudence du Conseil d'Etat, conforme à la lettre de l'article 281-5 du Livre des procédures fiscales que, lorsque le contentieux du recouvrement est porté devant le juge administratif, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que les requérants présentent au tribunal administratif des moyens de droit nouveaux ; que si l'on admet que lorsque la contestation est portée devant le juge judiciaire, la même disposition ferait pourtant obstacle à ce que les requérants présentent à ce juge des moyens de droit nouveaux, il faudrait alors en déduire que l'article R. 281-5 a introduit une discrimination pour l'accès au juge au détriment du contribuable, selon que celui-ci formule une contestation contre l'avis à tiers détenteur portant sur la régularité en la forme de l'acte, ce qui a été le cas du présent dossier, contestation qu'il a alors portée devant le juge de l'exécution, ou qu'il conteste l'existence de l'obligation de payer le montant de la dette ou son exigibilité, auquel cas la contestation devrait être formée devant le juge de l'impôt, en l'espèce, compte tenu de la nature de cet impôt, le juge administratif ; qu'ainsi le justiciable verrait la possibilité de présenter des nouveaux moyens de droit devant le juge compétent varier suivant la nature de ce juge, qu'aucune raison objective ne justifie cette différence dans le contrôle des avis à tiers détenteur et, plus généralement, des actes de recouvrement, nonobstant la répartition des compétences opérée par le législateur entre le juge de l'exécution et le juge de l'impôt, qu'une telle discrimination est donc contraire aux stipulations combinées des articles 6 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que le premier de ces articles garantit l'accès à un juge adéquat, et que le second interdit toute discrimination non justifiée objectivement et dans un intérêt public, pour l'exercice des droits garantis par

ladite convention ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les stipulations des articles 6 et 14 de cette même convention ;

Mais attendu que le moyen ne concerne aucune partie du dispositif de l'arrêt confirmatif du jugement du 28 mai 1998, mais en critique seulement les motifs ; que le moyen, pris en ses trois branches, est par conséquent irrecevable ;

Mais, sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties :

Vu l'article 92, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article L. 281 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu que si l'affaire relève de la compétence du juge administratif, la Cour de Cassation peut relever d'office le moyen pris de l'incompétence du juge judiciaire ;

Attendu que pour confirmer le jugement qui lui était déféré, la cour d'appel a retenu que la société était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte du second des textes susvisés que les recours sur les contestations relatives à l'existence de l'obligation de payer relèvent de la compétence du juge de l'impôt, qui, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, est le juge administratif, la cour d'appel a excédé sa compétence ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation peut, en cassant l'arrêt sans renvoi, mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.