CA Pau, 2e ch. sect. 1, 7 juillet 2014, n° 13/03416
PAU
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defix
Conseillers :
M. Le Monnyer, Mme Morillon
Avocats :
Me Gallardo, Me Lauriol
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS DES PARTIES:
Par jugement du 30 juin 2009, le tribunal de commerce de PAU a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL ATELIER GELOSIEN DE MECANIQUE. Par jugement du 11 janvier 2011, un plan de redressement a été adopté pour cette société.
Par jugement du 6 novembre 2012, le tribunal de commerce de Pau a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la SARL ATELIER GELOSIEN DE MECANIQUE. Il a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 6 novembre 2012 et a autorisé la poursuite de l'activité pour une durée de deux mois pour les besoins de la procédure, soit jusqu'au 6 janvier 2013, puis par un jugement du 18 décembre 2012 une nouvelle poursuite d'activité pour un mois supplémentaire a été décidée à compter du 6 janvier 2013.
Par ordonnance du 10 avril 2013, le juge commissaire a fixé une allocation de subsides pour Monsieur X, le gérant de cette société, à la somme de 12.000 €.
Le liquidateur, La SELARL BRENAC, a formé opposition à cette ordonnance du juge commissaire.
Par jugement du 10 septembre 2013, le tribunal de commerce a débouté le liquidateur de son opposition et confirmé l'ordonnance.
La SELARL BRENAC a formé appel le 23 septembre 2013.
Dans ses conclusions du 1er octobre 2013, la SELARL BRENAC demande à la cour de :
- réformer le jugement,
- dire que le montant mensuel de l'allocation allouée à Monsieur X s'élèvera à la somme de 1.000 €,
- condamner Monsieur X au paiement d'une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Il rappelle les dispositions de l'article L. 631-11 du code de commerce qui prévoit que "le juge commissaire fixe la rémunération afférente aux fonctions exercées par le débiteur s'il est une personne physique ou les dirigeants de la personne morale. En l'absence de rémunération, les personnes mentionnées à l'alinéa précédent peuvent obtenir sur l'actif, pour eux et leur famille, des subsides fixés par le juge commissaire. Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, le juge commissaire tient compte des revenus éventuellement perçus au titre des patrimoines non visés par la procédure."
Le liquidateur estime qu'il est contraire à ce texte de fixer des subsides alors que l'actif de l'entreprise ne le permet pas. C'est pourquoi il émet un avis favorable à une rémunération limitée à 1.000 € par mois. Il souligne qu'au moment de la présentation de la requête par le gérant, la société n'avait plus d'activité.
Dans des conclusions du 18 mars 2014, Monsieur X demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré,
- de débouter la SELARL BRENAC de ses demandes,
- de la condamner à lui payer une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur X souligne qu'il a présenté sa demande de subsides dans le cadre de la période de liquidation judiciaire avec poursuite d'activité, ainsi que le permettent les dispositions de l'article L. 641-11 qui renvoient aux dispositions de l'article L. 631-11 du code de commerce.
Il fait valoir que le juge-commissaire fixe les subsides y compris pendant la période de liquidation judiciaire en fonction des besoins du gérant et de sa famille et des capacités de l'entreprise. Il rappelle que l'article L 643-8 du code de commerce permet au liquidateur de régler les subsides prioritairement, aussitôt après les frais et dépens de la liquidation judiciaire. Il précise qu'il devait faire face au paiement mensuel de son prêt immobilier pour un montant de 2.600 € outre 300 € de taxes foncières, qu'il a trois enfants à charge, sachant que son épouse perçoit un salaire mensuel de 1.100 €.
SUR CE :
Il résulte de la combinaison des articles L. 641-11 et L. 631-11 du code de commerce que le juge-commissaire fixe la rémunération afférentes aux fonctions exercées par le débiteur s'il est une personne physique ou les dirigeants de la personne morale. En l'absence de rémunération, ces personnes peuvent obtenir sur l'actif pour eux et leur famille, des subsides fixés par le juge commissaire.
La Cour remarque que dans le plan de redressement qui a été homologué le 11 janvier 2011 par le tribunal de commerce il était prévu au titre des charges de personnel, en ce qui concerne le gérant, un salaire mensuel de 3.500 €.
Or, durant les derniers mois d'activité avant la résolution du plan, le gérant, Monsieur X, compte-tenu des difficultés de l'entreprise, n'a prélevé aucune rémunération et a en outre injecté en compte courant au mois d'août 2012 de nouvelles liquidités grâce à un prêt accordé par un proche d'un montant de 25.000 € pour tenter de redresser la situation, ces fonds étant destinés au règlement des salaires et d'une partie des retards de son propre salaire.
Il est exact que la veille de la liquidation, Monsieur X a effectué quatre virements de 3.500 € chacun correspondant à ses salaires de mai à août 2012, soit un total de 14.000 €, du compte de la société au profit de son compte personnel.
Il est également acquis et non contesté que le tribunal malgré la résolution du plan et l'ouverture de la liquidation judiciaire a autorisé la poursuite d'activité, ce qui est tout à fait exceptionnel, pour permettre au gérant de trouver un repreneur.
Ces faits démontrent l'investissement de Monsieur X dans l'entreprise y compris après la liquidation pour tenter de préserver les droits des créanciers en cédant la société dans de bonnes conditions.
La bonne foi de Monsieur X et la qualité du travail effectué dans l'intérêt des créanciers ne sont pas remises en question par le mandataire liquidateur.
Enfin, il n'est pas contesté que Monsieur X s'est trouvé privé de toute rémunération alors qu'il avait trois enfants à charge et qu'il devait assumer des échéances de prêt importantes. A cet égard, le mandataire liquidateur en exigeant que la société soit in bonis ou que l'actif soit suffisant pour accorder cette rémunération, rajoute une condition qui n'est nullement prévue par les textes.
En l'espèce, la situation financière et familiale de l'intimé justifie de lui allouer une somme de 2.000 € par mois pour les trois mois de poursuite d'activité, après le prononcé de la liquidation judiciaire, soit au total une somme de 6.000 €.
Compte-tenu du contexte de cette affaire, il n'apparaît pas équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les demandes de la SELARL BRENAC et de Monsieur X à ce titre seront rejetées.
La SELARL BRENAC, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL ATELIER GELOSIEN DE MECANIQUE, qui succombe sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de subsides de Monsieur X,
Réformant sur le montant et statuant à nouveau,
Fixe l'allocation de subsides de Monsieur X à la somme totale de 6.000 € (six mille euros),
Et y ajoutant,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SELARL BRENAC, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL ATELIER GELOSIEN DE MECANIQUE aux dépens,
Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux de dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.