CA Bourges, ch. civ., 15 mai 2014, n° 13/01686
BOURGES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Decomble
Conseillers :
M. Richard, Mme Jeannot
Exposé de l'affaire
M. E...-F... D... a fait appel du jugement rendu le 5 novembre 2013 par le tribunal de commerce de Bourges, qui l'a débouté de son opposition à l'ordonnance rendue le 6 mai 2013 par le juge commissaire de la procédure de liquidation de la SA GCI Laudier, qui l'avait débouté de l'intégralité de ses prétentions, et a confirmé ladite ordonnance, rejetant par ailleurs les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par des écritures du 11 mars 2014, auxquelles il est fait référence conformément à l'article 455 du même code, l'appelant expose que le juge commissaire ne pouvait rejeter sa demande, initialement de fixation de sa rémunération de président-directeur général de la SA GCI Laudier puis de règlement de celle-ci, au motif qu'il s'agit d'une demande nouvelle car la procédure est orale devant le tribunal de commerce, que le juge-commissaire n'ayant pas souhaité fixer lui-même le montant de la rémunération de l'appelant, il appartenait au tribunal de commerce de fixer cette rémunération, peu importe qu'il n'y ait pas eu maintien de l'activité de l'entreprise, l'article L 631-11 du code de commerce ne prévoyant aucune distinction, que du fait de l'arrêt de la Cour d'appel de Bourges du 24 mai 2012 la SA GCI Laudier se trouvait toujours en période d'observation entre le 6 décembre 2011, date du jugement annulé, et le 24 mai 2012, si bien que pendant cette période son dirigeant peut prétendre au règlement de sa rémunération, que le conseil d'administration de la société débitrice a fixé le 26 novembre 2009 sa rémunération à 4 000 euros par mois, qu'en application de l'article L 622-17 du même code la créance de rémunération de l'appelant est une créance postérieure au jugement d'ouverture, laquelle doit être payée à son échéance, qu'au surplus le mandataire judiciaire n'a pas contesté sa déclaration de créances correspondant à sa rémunération, qu'il en va de même pour le remboursement de ses cotisations de mutuelle, soit une somme de 878 euros, qu'il ne pouvait solliciter une autorisation auprès du mandataire judiciaire, puisque la SA GCI Laudier était de fait gérée par ce dernier, qu'il est en outre fondé à obtenir le remboursement de frais engagés par lui pour le compte de la société débitrice, à savoir des honoraires d'avocat notamment lors des appels des jugements du tribunal de commerce prononçant la liquidation judiciaire de la SA GCI Laudier ainsi que ses frais de déplacement entre le siège social, à Aubigny sur Nère, et Bourges et qu'il importe peu que la poursuite de l'activité sociale n'ait pas été prononcée.
Il conclut à l'infirmation du jugement entrepris, à ce que la SCP Bro-Ponroy soit autorisée à lui régler les sommes suivantes :
- 28 000 euros au titre de sa rémunération du 6 décembre 2011 au 26 juin 2012,
- 878 euros au titre du remboursement de ses cotisations de mutuelle,
- 13 371 euros au titre de l'avance des honoraires d'avocat,
- 8 466,89 euros au titre de ses frais de déplacement,
à la condamnation en tant que de besoin de la SCP Bro-Ponroy à lui payer ces sommes plus celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
La SCP Bro-Ponroy en qualité de liquidateur de la SA GCI Laudier, par des écritures du 27 février 2014, auxquelles il est pareillement fait référence, répond qu'en application de l'article L. 631-11 du code de commerce un dirigeant a droit à une rémunération, dont le montant est fixé par le juge commissaire, qu'en l'absence de fixation initiale par ce magistrat, l'appelant ne peut prétendre à la rémunération fixée par le conseil d'administration du 26 novembre 2009 composé exclusivement des membres de sa famille, que la SA GCI Laudier, débiteur en liquidation judiciaire, n'avait plus d'activité depuis le jugement du tribunal de commerce du 6 décembre 2011, puisque le liquidateur avait licencié l'ensemble des salariés dans les 15 jours par application des articles L. 1233-58 et suivants du code du travail et que le juge-commissaire avait cédé le stock ainsi que les éléments corporels le 22 décembre 2011, décision confirmée le 28 juin 2012, qu'au surplus M. Victor Vabat, commissaire aux comptes, avait mis en avant dans un courrier du 4 octobre 2011 les pertes considérables de la SA GCI Laudier, que M. D... n'ayant pas sollicité l'avis du mandataire judiciaire pour que le contrat de mutuelle, dont il est le bénéficiaire exclusif, soit poursuivi en application de l'article L. 627-2 du code de commerce, sa demande de remboursement ne peut donc qu'être rejetée, qu'il en va de même pour les honoraires d'avocat, l'appelant n'ayant pas sollicité l'accord du mandataire ou du juge-commissaire, et que faute d'activité du débiteur, M. D... ne peut solliciter le règlement de frais kilométriques.
Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelant à lui verser une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Procureur Général a conclu le 26 mars 2014 qu'il "s'en rapporte", ces réquisitions ayant été portées à la connaissance des parties par voie électronique le même jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que par jugement du 12 avril 2011 le tribunal de commerce de Bourges a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SA GCI Laudier, qui a été convertie par jugement du même tribunal en date du 6 décembre 2011 en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité ; que par arrêt du 24 mai 2012 cette Cour d'appel a annulé le jugement du 6 décembre 2011 faute de motivation et a renvoyé les parties devant le tribunal de commerce de Bourges, qui par jugement du 26 juin 2012 a converti à nouveau la procédure de redressement de la SA GCI Laudier en liquidation judiciaire avec effet rétroactif à compter du 6 décembre 2011, la SCP Bro-Ponroy étant désigné comme liquidateur ;
Attendu que par arrêt définitif du 8 novembre 2012, le pourvoi du débiteur ayant été rejeté par la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation du 1er avril 2014, la Cour d'appel de Bourges a confirmé le jugement de liquidation judiciaire du 26 juin 2012 sauf en ce qu'il avait ordonné un effet rétroactif au prononcé de la liquidation judiciaire ; qu'en raison de l'exécution provisoire de droit du jugement du 6 novembre 2011 prononçant la liquidation judiciaire, le liquidateur a licencié dans les 15 jours l'ensemble des salariés de la SA GCI Laudier conformément aux dispositions des articles L 1233-58 et suivants du code du travail ; que par ailleurs suite à une ordonnance du juge-commissaire du 22 décembre 2011, définitive suite au rejet de l'appel de M. E...-F... D... par cette Cour dans son arrêt du 28 juin 2012, le stock ainsi que les éléments corporels du débiteur ont été vendus ;
Sur la demande relative à la rémunération de M. E...-F... D...
Attendu que l'appelant sollicite la fixation puis le règlement de sa rémunération en qualité de président directeur général de la SA GCI Laudier pour la période du 6 décembre 2011 au 26 juin 2012, période où la société débitrice n'a eu aucune activité, étant précisé que antérieurement le conseil d'administration de cette dernière lors de sa réunion du 26 novembre 2009, au cours de laquelle étaient présents MM. E... F... et C... D..., a approuvé la revalorisation à 48 000 euros par an du salaire de M. E...-F... D... ; attendu que si l'article L 631-11 du code de commerce prévoit que le juge-commissaire fixe la rémunération afférente aux fonctions exercées par le débiteur, s'il est une personne physique, ou les dirigeants de la personne morale, il faut que cette rémunération ait une contrepartie, à savoir une activité réelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque dans son jugement du 6 décembre 2011 aucune poursuite d'activité n'a été autorisée par le tribunal de commerce ; qu'en outre l'appelant ne justifie pas avoir effectué un travail quelconque pour le compte de la SA GCI Laudier ;
Attendu que par ailleurs le conseil d'administration avait subordonné le 26 novembre 2009 la rémunération de M. D... au fait "que le résultat 2010 serait conforme aux attentes (pour) proposer que son salaire soit porté dès que possible à 48 000 euros par an" ; qu'en réalité M. Victor Vabat, commissaire aux comptes du débiteur, fait état dans un courrier du 4 octobre 2011 au liquidateur de pertes pour la période du 1er janvier au 11 avril 2011 allant de 110 996 euros à 160 645 euros puis pour la période du 12 avril au 2 septembre 2011 de pertes allant de 163 000 euros à 188 067 euros ; qu'enfin dans ses écritures judiciaires M. D... a admis que durant la période du 12 avril 2011, date d'ouverture de la procédure collective, au 30 novembre 2011 l'activité de la SA GCI Laudier était toujours déficitaire ; que pour ces motifs, notamment l'absence d'activité du débiteur, le tribunal a à juste titre rejeté la demande de rémunération de son président-directeur général ;
Sur la demande de remboursement des cotisations de la mutuelle de M. D...
Attendu que l'appelant demande l'autorisation pour le liquidateur à lui rembourser le montant déboursé par lui au titre des cotisations de sa mutuelle, soit une somme de 878 euros ; attendu que l'article L 627-2 du code de commerce dispose que le débiteur exerce, après avis conforme du mandataire judiciaire, la faculté ouverte à l'administrateur de poursuivre les contrats en cours et qu'en cas de désaccord le juge-commissaire est saisi par tout intéressé ;
Attendu qu'il convient de constater que M. D... n'a pas à l'époque sollicité cette poursuite, sa requête au juge-commissaire étant datée du 21 juin 2013 ; que l'appelant a pris seul la décision de poursuivre l'exécution de ce contrat de mutuelle, dont il avait le bénéfice exclusif, pour la période du 6 décembre 2011 au 8 novembre 2012 ; qu'en conséquence sa demande de ce chef ne peut qu'être rejetée ;
Sur le remboursement des honoraires d'avocat
Attendu que si la SA GCI Laudier et son président-directeur général disposaient d'un droit propre pour former appel des jugements de liquidation judiciaire, les honoraires d'avocat pour assister le débiteur dans l'exercice d'un droit propre ne peuvent être considérés comme étant une créance née régulièrement après le jugement d'ouverture et ne peuvent être supportés par l'actif de la procédure collective ; qu'en conséquence c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de remboursement présenté par M. D... ;
Sur la demande de remboursement de frais de déplacement
Attendu que cette demande de remboursement n'est justifiée que par des documents établis par M. E...-F... D... et qu'en outre durant la période litigieuse le débiteur n'avait plus d'activité, si bien que son président-directeur général n'est pas fondé à solliciter le remboursement de frais, qu'il dit avoir exposé au nom de la SA GCI Laudier entre le 6 décembre 2011 et le 8 novembre 2012 ;
Attendu qu'une somme de 800 euros sera allouée à l'intimée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'appelant, qui succombe, ne saurait prétendre bénéficier de ces dispositions et sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement entrepris,
Ajoutant,
Condamne M. E...-F... D... à verser à la SCP Bro-Ponroy en qualité de liquidateur de la SA GCI Laudier une somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne l'appelant aux dépens devant la Cour et autorise la SELARL Alciat-Juris, avocat, à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.