CA Lyon, 3e ch. A, 8 septembre 2016, n° 15/04972
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Chretien (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
Me Laffly, SCP Bes Sauvaigo Associes, Selarl Lacoste Chebroux Bureau D'avocats
EXPOSÉ DU LITIGE
Après avoir bénéficié d'une procédure de sauvegarde le 7 septembre 2010, puis déclarée en redressement judiciaire le 18 mai 2011, la société ETABLISSEMENTS PICARD FRÈRES a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne du 9 novembre 2011, la SELARL MJ SYNERGIE étant désignée en qualité de liquidateur.
Cette société était dirigée par la société FINANCIÈRE JALA, ayant pour gérante X et Y en était le directeur général.
Par requête du 27 octobre 2014, X a saisi le juge commissaire du tribunal de commerce de Saint-Etienne aux fins que lui soit attribuée la somme de 90.000 à titre de subsides, au visa de l'article L. 631-11 du code de commerce, alléguant notamment une détresse financière et un apport de 90.000 au profit de la société ETABLISSEMENTS PICARD FRÈRES pendant la période d'observation.
En cours d'instance, Y est intervenu volontairement en sa qualité de directeur général de la société ETABLISSEMENTS PICARD FRÈRES.
Par ordonnance du 3 février 2015, le juge commissaire a octroyé la somme de 45.000 en tant que subsides aux époux XY
La SELARL MJ SYNERGIE ès qualités de liquidateur de la société ETABLISSEMENTS PICARD FRÈRES a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance.
Par jugement en date du 3 juin 2015, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
- infirmé l'ordonnance du juge commissaire,
- condamné la SELARL MJ SYNERGIE, représentée par Maître Z ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ETABLISSEMENTS PICARD FRÈRES, à payer à X la somme de 15.000 à titre de subsides et comme tels insaisissables,
- débouté la SELARL MJ SYNERGIE de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SELARL MJ SYNERGIE à payer à X la somme de 1.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens sont à la charge de la SELARL MJ SYNERGIE,
- débouté Jean et X du surplus de leurs demandes.
Par déclaration reçue le 16 juin 2015, la SELARL MJ SYNERGIE a relevé appel de ce jugement, intimant X et Y.
En cours de procédure, Y est décédé.
Par ordonnance du 22 septembre 2015, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement partiel de la SELARL MJ SYNERGIE à l'encontre de Y et dit que l'instance perdure entre les autres parties.
X en qualité d'ayant droit de son époux décédé Y, A en qualité d'ayant droit de son père décédé Y et B également en qualité d'ayant droit de son père décédé Y sont intervenus volontairement.
Par arrêt en date du 11 février 2016, la cour a statué ainsi :
'Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats, Enjoint aux parties de présenter leurs observations sur le moyen, soulevé d'office, et tiré de l'irrecevabilité des interventions volontaires d'X en qualité d'ayant droit de son époux décédé Y, d'A en qualité d'ayant droit de son père décédé Y et de B en qualité d'ayant droit de son père décédé Y,
Dit que les parties doivent satisfaire à cette injonction et déposer, le cas échéant, leurs observations écrites, au plus tard le 24 mai 2016,
Dit que la clôture sera de nouveau prononcée le 24 mai 2016 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoiries du 2 juin 2016".
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2016.
Le 30 mai 2016, la SELARL MJ SYNERGIE a déposé des conclusions demandant à la cour, au principal, de rabattre la clôture et dire qu'elle aura lieu le 2 juin 2016, date de l'audience de plaidoiries qui a été fixée.
Elle invoque une violation du principe de la contradiction au motif que par conclusions déposées la veille de la clôture, les consorts XYAB qui avaient indiqué 'intervenir volontairement", prétendent "reprendre l'instance", ce qui est une prétention nouvelle.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 20 novembre 2015, avant la réouverture des débats, la SELARL MJ SYNERGIE demandait à la cour de :
au principal,
- statuer ce que droit sur la recevabilité de l'intervention volontaire des ayants droit déclarés de Y décédé en cours d'instance,
- dire et juger irrecevables X et les ayants droit de Y en leur demande aux fins de subsides pour défaut de qualité à agir et défaut de droit d'action, subsidiairement et en toute hypothèse,
- dire et juger infondée X et les ayants droit de Y en l'intégralité de leurs demandes qui demeurent ...,
- dire et juger que les premiers juges ne pouvaient octroyer une indemnité de procédure qui n'avait pas été sollicitée,
- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les consorts XYAB aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Laffly, Avocat, sur son affirmation de droit.
Dans leurs conclusions, déposées le 23 mai 2016, les consorts XYAB demandent à la cour de : avant dire droit,
- donner acte aux ayants droit de Y qu'ils ont régulièrement repris l'instance, sur le fond,
- réformer partiellement la décision entreprise et, statuant à nouveau,
- dire et juger qu'ils sont recevables et bien fondés en leurs demandes, en conséquence,
à titre principal,
- dire et juger qu'il sera octroyé la somme de 90.000 en tant que subside à X et aux ayants droit de Y, en sa qualité de directeur général de la société ETABLISSEMENTS PICARD FRERES, à savoir X, A et B,
- leur donner acte qu'il leur sera laissé toute liberté pour procéder entre elles à la répartition des sommes ainsi octroyées,
à titre subsidiaire,
- confirmer la décision entreprise s'agissant du montant octroyé et y ajoutant,
- dire et juger que ce montant sera octroyé à X et aux ayants droit de Y, en sa qualité de directeur général de la société ETABLISSEMENTS PICARD FRERES, à savoir X, A et B,
en toute hypothèse,
- dire et juger que les dépens seront liquidés en frais de la procédure.
Les consorts XYAB exposent notamment qu'elles ont notifié au liquidateur le décès de Y, entraînant l'interruption de l'instance, en application des dispositions de l'article 370 du code de procédure civile et qu'elles reprennent volontairement l'instance.
Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées par les parties et ci-dessus visées. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :
La cour avait enjoint les parties de présenter leurs observations sur un moyen d'irrecevabilité de l'intervention des intimées en qualité d'ayants droit de Y au plus tard le 24 mai 2016, date à laquelle la clôture serait prononcée.
Par conclusions déposées le 23 mai 2016, X, A et B, en qualité d'ayants droit de Y ont indiqué reprendre l'instance après l'avoir interrompue par la notification à l'appelante du décès de Y.
La SELARL MJ SYNERGIE ne caractérise pas de circonstances particulières l'ayant empêché de répondre aux conclusions de son adversaire, lequel pouvait conclure jusqu'au jour de la clôture de l'ordonnance, sur le point de la reprise d'instance, seul moyen nouveau invoqué après la réouverture des débats.
Il y a lieu de rejeter la demande de la SELARL MJ SYNERGIE tendant au rabat de l'ordonnance de clôture pour accueillir ses conclusions du 30 mai 2016.
Sur la recevabilité de l'action d'X, A et B en leur qualité d'ayants droit de Y :
La cour a enjoint aux parties de présenter leurs observations sur la recevabilité des interventions volontaires d'X en qualité d'ayant droit de son époux décédé Y, A en qualité d'ayant droit de son père décédé Y et B également en qualité d'ayant droit de son père décédé Y alors que Y était partie en première instance et qu'aux termes l'article 554 du code de procédure civile, seules peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
Par lettre du 23 mai 2016, le conseil des consorts XYAB a informé la cour que l'intervention volontaire a été faite par erreur, qu'il notifiait ce même jour le décès de Y à la SELARL MJ SYNERGIE, l'instance étant ainsi interrompue et régulièrement reprise par conclusions qu'il notifiait également le même jour.
Des conclusions de reprise d'instance ont effectivement été déposées le 23 mai 2016 par X, A et B prises en leur qualité d'ayants droit de Y, leur époux et père décédé.
Elles font valoir qu'elles ont notifié à la SELARL MJ SYNERGIE le décès de Y entraînant l'interruption d'instance et qu'elles reprennent volontairement l'instance.
Y est décédé le 31 mai 2015 en cours de délibéré du jugement entrepris qui a été rendu le 3 juin 2015.
La SELARL MJ SYNERGIE a relevé appel de ce jugement le 16 juin 2015 ; par ordonnance du 22 septembre 2015, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement partiel de la SELARL MJ SYNERGIE à l'encontre de Y et dit que l'instance perdure entre les autres parties. Ce désistement a éteint l'instance d'appel à l'encontre de Y.
X, A et B ne peuvent reprendre l'instance postérieurement à son extinction.
Elles doivent donc être déclarées irrecevables en leur action.
Sur la recevabilité de l'action d'X en nom personnel :
Aux termes de l'article L. 631-11 (en cas de redressement judiciaire) et L. 641-11 (après liquidation judiciaire) du code de commerce « Le juge-commissaire fixe la rémunération afférente aux fonctions exercées par le débiteur s'il est une personne physique ou les dirigeants de la personne morale. En l'absence de rémunération, les personnes mentionnées à l'alinéa précédent peuvent obtenir sur l'actif, pour eux et leur famille, des subsides fixés par le juge-commissaire. Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, le juge-commissaire tient compte des revenus éventuellement perçus au titre des patrimoines non visés par la procédure ».
Il résulte de ce texte que des subsides ne peuvent être accordés qu'au débiteur personne physique ou au représentant de droit de la personne morale débitrice et à condition qu'il ne perçoive pas de rémunération afférente à ses fonctions.
En l'espèce, la société ETABLISSEMENTS PICARD FRÈRES était dirigée par la société FINANCIÈRE JALA, ayant pour gérante X.
X n'avait donc la qualité de dirigeante de droit de la société débitrice et en conséquence, elle ne peut prétendre à des subsides.
Le moyen d'irrecevabilité soulevé par la SELARL MJ SYNERGIE est fondé ; la demande d'X doit être déclarée irrecevable. Sur les dépens et les frais irrépétibles :
C'est à bon droit que la SELARL MJ SYNERGIE sollicite la réformation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser aux époux XY une indemnité de 1.000 en application de l'article 700 du code de procédure civile alors qu'aucune demande n'avait formulée à ce titre par les demandeurs.
De même la décision déférée doit être infirmée en ce qu'elle a condamné la SELARL MJ SYNERGIE aux dépens, ceux-ci incombant à la partie perdante.
En conséquence il y a lieu, par infirmation du jugement entrepris, de condamner X aux dépens de première instance et de condamner l'ensemble des consorts XYAB aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevables X, A et B en leur qualité d'ayants droit de Y dans leur reprise d'instance, Infirme le jugement entrepris, dans les limites de l'appel, suite au désistement d'appel à l'encontre de Y,
Statuant à nouveau,
Déclare X irrecevable dans son action,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
Condamne X aux dépens de première instance,
Condamne X, A et B aux dépens d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.