CA Nancy, 5e ch. com., 28 février 2018, n° 16/01697
NANCY
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseillers :
M. Soin, M. Brisquet
Avocats :
Me Merlinge, Me Faucheur-Schiochet
FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES
M. X a été placé en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Epinal en date du 26 juin 2012. La procédure a été transférée au tribunal de commerce de Nancy qui, par jugement du 28 juillet 2015, a désigné la SCP Pierre C... en qualité de liquidateur en lieu et place de la SCP Le Carrer - Najean.
Par ordonnance en date du 29 avril 2015, le juge commissaire du tribunal de commerce d'Epinal a fixé à la somme de 2 250 euros les subsides qui pourront être alloués à titre exceptionnel à M. X, à prélever sur l'actif de la procédure, sous réserve d'actif suffisant, rejetant implicitement sa demande complémentaire tendant à l'octroi d'un montant mensuel de 300 euros.
M. X a formé opposition à cette ordonnance le 7 mai 2015.
Par jugement en date du 9 mai 2016, le tribunal de commerce de Nancy a déclaré M. X recevable mais mal fondé en son opposition, l'en a débouté et a confirmé l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions, condamnant M. X aux dépens de l'instance.
Le tribunal a rejeté l'argument tiré d'une violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a relevé que si l'article L. 631-11 alinéa 2 permet au débiteur d'obtenir des subsides, il s'agit toutefois d'une aide ponctuelle, qu'en l'espèce la somme de 2 250 euros a été allouée à M. X pour faire face au paiement d'arriérés au titre de factures d'eau, de gaz et d'électricité, que le versement d'une somme mensuelle, qui équivaut à une rente, ne pouvait être assimilé à des subsides, alors qu'au surplus le débiteur ne justifie pas de sa situation patrimoniale réelle ni de ses démarches afin de retrouver un emploi.
M. X a interjeté appel.
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 26 mai 2017, il demande à la cour
de :
- constater que Me Y ne répond en rien aux obligations légales en matière de traitement de données à caractère personnel, et ce sans aucun motif valable,
- donner acte à M. X qu'il est victime de discrimination,
- constater la fraude à la loi,
- déclarer irrecevable les moyens et pièces de Me Y,
- dire et juger la demande tant recevable que bien fondée,
- infirmer la décision avec effet au 29 avril 2015,
- ordonner le paiement d'une somme unique de 2 000 euros destinée à régler les factures d'électricité, d'eau et de gaz en retard et éviter la coupure de service,
- ordonner le paiement d'une somme mensuelle de 300 euros à titre de subside à effet au 29 avril 2015,
- condamner l'intimé aux entiers dépens lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Il expose que la procédure collective est consécutive au fait qu'ancien cadre bancaire, il a été amené à dénoncer une fraude des banques commise avec la complicité des autorités de contrôle et des autorités judiciaires relative au traitement des données personnelles des clients par la constitution de fichiers non réglementaires et considère que le refus des autorités judiciaires, comme des organes de la procédure, de lui assurer le droit à la protection de ses données personnelles est à l'origine de la précarité de sa situation actuelle et que le but poursuivi par les services de la justice est son exclusion sociale.
Il indique percevoir de Pôle Emploi une allocation de 16 euros par jour ainsi qu'il en justifie, comme il justifie de ses démarches en vue de la recherche d'un emploi, lesquelles sont toutefois entravées par les souffrances psychiques qui lui sont infligées.
Il soutient que le tribunal s'est fondé sur des motifs qui n'ont pas fait l'objet d'un débat contradictoire.
Il reproche à Me Y de procéder à un traitement de données personnelles sans déclaration préalable auprès de la Commission, nationale informatique et Libertés (CNIL), dont ses conclusions seraient le reflet, et estime être victime de sa part d'une discrimination fondée sur la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique. Il considère que, par voie de conséquence, les prétentions et pièces de l'intimé doivent être déclarées irrecevables, sans que les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile puissent lui être opposées, dès lors que chaque nouveau dépôt de conclusions par l'intimé constituerait un nouveau traitement de données personnelles non autorisé.
Par conclusions transmises par voie électronique le 17 mai 2017, la SCP C... conclut au rejet de l'appel et à la confirmation de la décision déférée, sollicitant la condamnation de M. X au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que les subsides qui peuvent être alloués au débiteur en application de l'article L.631-11 du code de commerce, qui sont prélevés sur l'actif recouvré, ont la nature d'une aide ponctuelle, qu'il s'agit d'une simple faculté laissée à la libre appréciation du juge et que M. X, qui prétend être dans une situation précaire sans justifier de ses revenus actuels, a d'ores et déjà obtenu le versement d'une somme de 2 250 euros, ainsi que l'abandon de son véhicule contre le versement d'une somme de 800 euros qu'il n'a jamais réglée. Il estime que les arguments soulevés sont sans emport et soutient qu'en multipliant les procédures, M. X cherche en réalité à retarder la vente de sa maison.
Il soutient enfin que les moyens d'irrecevabilité soulevés pour la première fois devant la cour sont irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 septembre 2017.
MOTIFS
Si en application de l'article 564 du code de procédure civile les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, tel n'est toutefois pas le cas s'agissant des demandes qui tendent à voir écarter les prétentions adverses et des fins de non recevoir qui peuvent être soulevées en tout état de cause. La demande de M. X tendant à voir déclarer irrecevables les pièces et prétentions adverses doit donc être déclarée recevable.
L'exception soulevée sera toutefois rejetée, dès lors que les conclusions déposées par le mandataire liquidateur ne sont en aucune manière assimilables à un traitement de données à caractère personnel au sens de l'article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.
La prétendue discrimination dont prétend être victime l'appelant, ne constitue pas davantage un motif d'irrecevabilité des prétentions et pièces de l'intimé.
L'article L. 631-11 du code de commerce dispose en son alinéa 1er que "le juge-commissaire fixe la rémunération afférente aux fonctions exercées par le débiteur s'il est une personne physique ou les dirigeants de la personne morale" et en son alinéa 2 "qu'en l'absence de rémunération, les personnes mentionnées à l'alinéa précédent peuvent obtenir sur l'actif, pour eux et leur famille, des subsides fixés par le juge-commissaire."
Ainsi que l'ont exactement retenu les premiers juges, les subsides prélevés sur l'actif de la liquidation pouvant être alloués au débiteur en vertu de ce texte, sont destinés à lui permettre de faire face à une situation de besoin pour lui-même ou sa famille, ce qui suppose qu'il justifie de sa situation financière et des besoins qu'il allègue. Ils ne peuvent en outre être alloués que dans la mesure où l'actif de la liquidation le permet.
Il apparaît par conséquent que les arguments développés par l'appelant quant aux circonstances ayant selon lui conduit à l'ouverture de la procédure collective et à sa situation économique actuelle ou quant au traitement de données à caractère personnel prétendument illicite auquel se livreraient les banques et les mandataires judiciaires, sont sans emport, s'agissant de déterminer si le débiteur se trouve dans une situation de besoin justifiant que lui soient octroyés des subsides.
Le versement à ce titre d'un montant de 2 250 euros afin de permettre à M. X de régler des factures d'eau, de gaz et d'électricité, qui n'est pas remis en cause par l'intimé, répond aux exigences du texte susvisé. Les subsides peuvent également prendre la forme d'avantages en nature, tels que, comme en l'espèce, le maintien, de fait, à la disposition du débiteur de son véhicule sans contrepartie.
À hauteur de cour M. X sollicite le versement mensuel d'une somme de 300 euros, outre un montant forfaitaire de 2 000 euros pour faire face au paiement de factures sans toutefois indiquer précisément à quelles factures correspond ce montant. Il verse aux débats des factures d'eau et de gaz ainsi que des courriers de mise en demeure datant d'août, septembre et octobre 2016, mais aucun élément justifiant de sa situation actuelle au regard de ces fournisseurs d'eau et d'énergie, de sorte que le risque de coupure de service dont il fait état n'est pas démontré.
Pour le surplus, M. X justifie avoir perçu d'avril 2016 à mars 2017 un montant total de 6 090,38 euros au titre de l'allocation de solidarité spécifique, soit en moyenne 507 euros par mois et avoir formulé en janvier 2017 une demande de formation qui n'a pas abouti. Il ne justifie toutefois d'aucune autre démarche entreprise depuis cette date afin de retrouver un emploi, alors même qu'il est sans emploi depuis 2008 et que la procédure collective a été ouverte en juin 2012. Il fait par ailleurs état de charges mensuelles de 581 euros dont il ne justifie pas.
En l'état de ces constatations, la preuve n'est pas suffisamment rapportée de ce que M. X serait dans une situation de besoin justifiant que lui soient alloués des subsides en sus du montant de 2 250 euros déjà versé et de l'avantage résultant de la mise à disposition, sans contrepartie effective, de son véhicule, alors même que, selon les énonciations non contestées du jugement, le passif déclaré est supérieur à 200 000 euros pour des actifs réalisés à hauteur de 35 000 euros.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
M. X, qui succombe en son appel, supportera la charge des dépens. En considération des circonstances de la cause, il n'y a pas lieu de faire application des disposition de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
DÉCLARE la demande de M. X tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions et pièces de l'intimé recevable mais mal fondée ;
REJETTE cette demande ;
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Epinal en date du 13 juin 2016 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. X de sa demande complémentaire de paiement d'une somme de 2 000 (deux mille euros) à titre de subsides ;
DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE M. X aux dépens d'appel.