Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 5 avril 2012, n° 11/03323

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Allfinanz (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hersant

Conseillers :

M. Picque, M. Loos

Avocats :

Me Hatet-Sauval, Me Sellam, Me Guizard, Me Bigot

T. com. Paris, du 24 oct. 2006, n° 20060…

24 octobre 2006

En 2000, la société en commandite par actions (SCA) INTER ALLIED MANAGEMENT -IAM- a été en relation avec la sarl ALLFINANZ à propos d'une opération de cession des deux tours dénommées PASCAL à la Défense. Ultérieurement, la société IAM, dont Monsieur X était initialement l'associé gérant commandité, s'est transformée en société par actions simplifiée (SAS) par décision de son assemblée générale du 25 octobre 2001, Monsieur X en devenant le président.

La société ALLFINANZ ayant vainement réclamé le paiement d'une facture de commission de 25 MF (3.811.225,43 €), la cour d'appel de Paris, par arrêt du 3 mai 2006, a condamné la société IAM à lui payer 3.811.225,43 €, étant précisé que le pourvoi a été rejeté par arrêt du 27 novembre 2008 de la première chambre de la Cour de cassation. Sur déclaration de cessation de paiements, la société IAM a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 12 septembre 2006 du tribunal de commerce de Paris.

En application de l'article L 226-1 du code de commerce et de sa qualité de gérant commandité au moment de la naissance de la créance de la société ALLFINANZ, la cour d'appel de Paris, statuant sur un recours à l'encontre d'une ordonnance de référé du délégataire du président du tribunal de commerce de Paris, a, par arrêt du 1er juin 2007, condamné Monsieur X à payer 4.859.208,63 € à la société ALLFINANZ.

Les mesures d'exécution forcée diligentées en France, étant demeurées vaines, la société ALLFINANZ a, le 24 février 2009, attrait Monsieur X, demeurant désormais à New-York, devant le tribunal de commerce de Paris aux fins, en dernier lieu, d'ouvrir à son encontre une liquidation judiciaire.

Monsieur X a décliné la compétence, matérielle et territoriale, de la juridiction consulaire parisienne et, pour le surplus :

- a soulevé l'irrecevabilité de la demande d'ouverture d'une procédure collective, en ce qu'il avait perdu la qualité de commerçant depuis le 25 octobre 2001 et que l'action à son encontre, du fait de son ancienne qualité de commerçant, était prescrite au jour de l'introduction de la demande,

- s'est opposé subsidiairement sur le fond de la demande à défaut, pour le créancier poursuivant, d'avoir rapporté la preuve de son prétendu état de cessation de paiements.

Par jugement contradictoire du 8 novembre 2010, le tribunal s'est déclaré compétent, a dit la société ALLFINANZ recevable en ses demandes, mais mal fondée et a dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure collective en ce qu'en l'absence de justification de mesures d'exécution forcée aux États-Unis, centre principal des intérêts du débiteur, l'état de cessation de paiements n'était pas démontré.

Vu l'appel interjeté le 22 février 2011, par la société ALLFINANZ et ses ultimes écritures signifiées le 8 septembre suivant, réclamant 10.000 € de frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement (sauf sa confirmation sur la compétence et le rejet des fins de non-recevoir) en priant la cour de constater la cessation des paiements de Monsieur X et 'de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'ouverture de la liquidation judiciaire' ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 décembre 2011, par Monsieur X réclamant également 10.000 € de frais non compris dans les dépens et, formant appel incident, poursuivant :

- à titre principal, l'infirmation du jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent et a déclaré la société ALLFINANZ recevable en ses demandes, en soulevant, à nouveau, l'incompétence, matérielle et territoriale, du tribunal de commerce de Paris, au profit des juridictions de New-York, du fait de son défaut de qualité de commerçant et tant de sa résidence, que du lieu de situation du centre principal de ses intérêts dans cette ville,

- subsidiairement, son infirmation également en ce qu'il a déclaré la société ALLFINANZ recevable malgré la perte de la qualité de commerçant depuis la transformation de la forme juridique de la société IAM et la prescription annale de l'article L 640-5 du code de commerce, affectant l'action intentée,

- plus subsidiairement, la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'ouverture d'une procédure collective à raison du défaut d'établissement, par l'appelante, de son prétendu état de cessation de paiements ;

SUR CE, la Cour :

Considérant, liminairement, que :

- les parties ayant déclaré que les pièces 13 et 14 de l'appelante ont été communiquées dans leur intégralité avant le prononcé de l'ordonnance du 8 mars 2012 du conseiller de la mise en état, ayant clôturé l'instruction du dossier, les conclusions de procédure d'incident de communication de pièces signifiées le 21 février 2012 par Monsieur X sont devenues sans objet,

- il résulte des termes, non contestés par les parties à la présente instance, de l'arrêt du 3 mai 2006 de cette cour, ayant condamné la société IAM à payer 3.811.225,43 € à la société ALLFINANZ, que les relations litigieuses concernant les tours 'PASCAL' de La Défense, se sont liées à partir du 9 octobre 2000 ;

Considérant qu'en application de l'article L 226-1 du code de commerce, au moment où Monsieur X a contracté sa dette solidaire, il avait la qualité de commerçant en raison de sa qualité d'associé-gérant commandité de la société IAM, de sorte que, par l'arrêt précité du 1er juin 2007, Monsieur X a été condamné à payer, par provision, 4.859.208,63 € à la société ALLFINANZ en raison de sa qualité d'indéfiniment et solidairement responsable des dettes sociales de la société IAM au moment où la créance a pris naissance, soit antérieurement à la transformation de la société débitrice en SAS ;

Mais considérant que la preuve de la qualité de commerçant s'apprécie au jour de l'examen de l'état allégué de cessation des paiements, la charge en étant supportée par le créancier poursuivant, et qu'il n'est pas contesté que la SCA IAM s'est transformée en SAS par décision du 25 octobre 2001 de son assemblée générale mixte - extraordinaire et ordinaire - dont le procès-verbal a été enregistré le 12 décembre 2001 (recette de Paris 8ème-Madeleine-, pièce 11, bordereau 1499-14) ;

Qu'à compter de cette date, Monsieur X a perdu la qualité de commerçant, étant observé que, contrairement à ce que soutient l'appelante [conclusions page 3], le dispositif de l'arrêt précité du 1er juin 2007 de la cour de céans n'a nullement retenu que Monsieur X avait encore la qualité de commerçant au moment où la cour a statué et qu'en tout état de cause, s'agissant d'une décision sur un recours à l'encontre d'une ordonnance de référé, celle-ci n'a pas autorité de chose jugée à l'égard du juge du fond ;

Que la perte de la qualité de commerçant de Monsieur X s'analyse en la cessation d'une activité par une personne physique, au sens de l'article L 640-5 du code de commerce, de sorte que l'assignation du 24 février 2009 de la société ALLFINANZ à l'encontre de celui-ci, n'est pas intervenue dans le délai d'un an prévu par ce texte ;

Que l'action du créancier poursuivant à l'encontre de Monsieur X ayant la qualité de commerçant est dès lors prescrite et qu'il n'y a pas lieu d'examiner la demande d'ouverture d'une procédure collective par le créancier poursuivant ;

Que l'examen des autres moyens devient sans intérêt et/ou sans objet ;

Que succombant dans son recours, la société ALLFINANZ ne saurait prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles mais qu'il serait inéquitable de laisser ceux exposés par Monsieur X à la charge définitive de celui-ci ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable, comme prescrite, la demande de la sarl ALLFINANZ d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de Monsieur X,

Condamne la sarl ALLFINANZ aux dépens de première instance et d'appel et à verser dix mille euros (10.000 €) de frais irrépétibles à Monsieur X,

Admet la selarl GUIZARD et associés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.