CA Paris, 15e ch. B, 29 octobre 1999, n° 1996/08578
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Centre Ville (SNC)
Défendeur :
Crédit d'Equipement des Petites et Moyennes Entreprises (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avoués :
SCP Lecharny-Calarn, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau
Avocats :
Me Bakra, Me Tabet
La Cour statue sur l'appel formé suivant déclaration remise au Secrétariat-Greffe de la Cour le 29 Février 1996 par la Société en Nom Collectif CENTRE VILLE, MM. A et B à l'encontre du jugement rendu le 15 Février 1996 par la 19e Chambre du Tribunal de Commerce de PARIS, qui, sur l'assignation de la S.A. Crédit d'Equipement des Petites et Moyennes Entreprises (C.E.P.M.E.), a condamné solidairement la S.N.C. CENTRE VILLE, MM. B et A au paiement au C.E.P.M.E. de la somme de 8.387.885,55 francs, avec intérêts au taux de 10,62 % l'an à compter du 1er Juillet 1994, et dit que faute par eux de satisfaire à cette condamnation, il serait passé le délai de quatre mois à compter de la signification, et au plus tard dans le douzième mois suivant le prononcé du jugement, procédé à la vente aux enchères publiques du fonds de commerce "HOTEL CENTRE VILLE MATIGNON".
LES ÉLÉMENTS DU LITIGE
La Cour se réfère au jugement qui lui est soumis pour l'exposé des faits de la cause et de la procédure, sous réserve des points suivants, essentiels à la compréhension de l'affaire ; il est renvoyé, au sujet des demandes et prétentions des parties, pour un plus ample exposé des moyens, aux écritures échangées devant elle.
Le Tribunal a retenu pour l'essentiel que les membres d'une société en nom collectif qui se retirent restent solidairement tenus à l'égard des tiers de la totalité des dettes sociales nées avant leur retrait, même publié, et que dès lors, le prêt ayant été souscrit le 24 Avril 1989, soit antérieurement à la cession par MM. B et A de leurs parts survenue le 19 Novembre 1992, ceux-ci restaient tenus solidairement avec la S.N.C. CENTRE VILLE. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES EN APPEL
Les parties ayant conclu en dernier lieu respectivement les 23 Juin 1999, écritures à nouveau signifiées le 7 Septembre 1999, et le 22 Juin 1999, écritures signifiées à nouveau le 6 Juillet 1999, seules ces écritures seront prises en compte par la Cour quant aux prétentions et moyens présentés, en application des dispositions de l'article 954 du Nouveau Code de Procédure Civile, tel que modifié par le Décret 98-1231 du 28 Décembre 1998 ;
La Société en Nom Collectif CENTRE VILLE et MM. B et A demandent, au vu des articles 10 à 22 de la Loi du 24 Juillet 1966 et de la Loi du 25 Janvier 1985, l'infirmation du Jugement, la mise hors de cause de MM. A et B et de les décharger de toutes condamnations en principal, intérêts et frais, et la condamnation du C.E.P.M.E. aux entiers dépens.
MM. A et B font valoir qu'ils ne pouvaient être tenus des dettes de la S.N.C. que pour leur montant existant à la date de publication de la cession de leurs parts dans celle-ci ; ils prétendent qu'il ne résulte pas des pièces versées aux débats que la S.N.C. CENTRE VILLE était alors redevable de sommes exigibles au bénéfice du C.E.P.M.E..
Quant à la société en nom collectif CENTRE VILLE, elle fait valoir l'ouverture le 27 Février 1997 d'une procédure de redressement judiciaire, puis l'adoption le 18 Août 1998 d'un plan de continuation, le C.E.P.M.E. ayant donné son accord sur le remboursement échelonné de sa créance sur dix sept ans.
Elle en conclut que le C.E.P.M.E. a renoncé au bénéfice de la mise en demeure infructueuse, l'autorisant à poursuivre le paiement à l'encontre des associés ; ceux-ci ne peuvent en conséquence être condamnés à payer sans délai.
Les appelants prennent acte par ailleurs de ce que le C.E.P.M.E. ne sollicite plus la condamnation de la société CENTRE VILLE, ni la vente du fonds de commerce.
Le C.E.P.M.E. demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'il ne sollicite plus ni la condamnation de la S.N.C. CENTRE VILLE par suite de sa mise en redressement judiciaire, ni la vente du fonds de commerce sur lequel il bénéficie d'une inscription de nantissement.
Elle sollicite en revanche la confirmation du Jugement, en ce qu'il a condamné MM. A et B en leur qualité d'associés de la S.N.C., mais de dire et juger que pour l'apurement de leur dette, ils bénéficieront des délais accordés dans le cadre du plan de redressement, sous réserve de leur respect.
Il demande enfin la condamnation des appelants au paiement d'une indemnité de 15.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.
Il fait valoir qu'il importe peu qu'au 1° Juillet 1993 aucun passif n'était encore exigible, dès lors que sa créance à l'égard des associés en nom trouve son origine dans un contrat de prêt conclu antérieurement à la publication de la cession de parts, et que le passif est né de ce contrat, et ce même s'il n'est devenu exigible que postérieurement.
Par ailleurs, MM. A et B, débiteurs solidaires de la S.N.C., doivent bénéficier des délais accordés par le plan.
L'ordonnance de clôture était prononcée le 16 Septembre 1999.
CECI ETANT EXPOSE
SUR LA PROCÉDURE ET LA CRÉANCE
Considérant que suivant Jugement rendu le 9 Septembre 1998 par le Tribunal de Commerce de PARIS, un plan de continuation était arrêté au bénéfice en particulier de la Société en Nom Collectif CENTRE VILLE, désignant Me VALLIOT Commissaire l'exécution du plan ;
Que la Cour constate par ailleurs que le C.E.P.M.E., ne contestant pas être lié par les termes de ce plan, ne formule aucune demande à l'encontre de la S.N.C. CENTRE VILLE ;
Que la Cour, observant que le C.E.P.M.E. a vu sa créance admise le 23 Mars 1998 à hauteur de 10.152.665,57 francs, outre intérêts, dont à échoir 4.326.165,40 francs, constatera qu'il ne réclame plus la condamnation de la S.N.C., ni la vente aux enchères du fonds ;
SUR LA RÉCLAMATION A L'ENCONTRE DES ASSOCIES
Considérant que le prêt était consenti à la S.N.C. CENTRE VILLE le 24 Avril 1989 pour le montant de 9.500.000 francs ;
Que suivant acte du 19 Novembre 1992, MM. B et A ont cédé les parts qu'ils détenaient dans le capital de la Société en Nom Collectif CENTRE VILLE, publication étant faite le 5 Mai 1993 dans un journal d'annonces légales et déclaration étant faite le 25 Juin suivant au Centre des formalités des Entreprises de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris ;
Que MM. A et B font état pour leur part d'une mention au Registre du Commerce et des Sociétés le 11 Mai 1994, suivant un extrait K bis du Registre en question ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 10 de la Loi n°66-537 du 24 Juillet 1966, les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales, les créanciers ayant la faculté de poursuivre le paiement de celles-ci auprès des associés, après avoir vainement mis en demeure la société ;
Que la condition tenant à la notification d'une mise en demeure est remplie ;
Considérant que MM. A et B peuvent en conséquence prétendre à ne pas répondre des dettes nées des engagements pris par la société postérieurement à la date de publication de leur retrait conformément aux dispositions de l'article 20 de la même loi ; qu'il convient dès lors d'examiner si la créance du C.E.P.M.E. était née à la date d'opposabilité à l'égard des tiers de la cession en date du 19 Novembre 1992 de leurs droits, et si cet établissement peut exiger d'eux le paiement des sommes dues ;
Qu'en effet, il importe peu de déterminer si à la date d'opposabilité des cessions des sommes étaient exigibles ; que MM. A et B font référence en réalité pour le soutenir aux dispositions de l'article 1857 du Code Civil, c'est-à-dire au régime des sociétés civiles, alors que tant la S.N.C. CENTRE VILLE que MM. A et B avaient la qualité de commerçant, et que le C.E.P.M.E., en consentant le prêt, ne pouvait prendre en considération que les garanties que la société présentait, et la responsabilité solidaire des associés existant à la date de la souscription de l'engagement ; Qu'il est justifié de la signification de l'une des cessions à la société le 1° Décembre 1992, et de ce qu'au 11 Mai 1994 les cessionnaires, les E.U.R.L. M.B. et A.M. figuraient comme associés en nom au Registre du Commerce et des Sociétés ;
Que le C.E.P.M.E. prend en compte comme date d'effet le 1° Juillet 1993 ;
Considérant quoi qu'il en soit que la S.N.C. CENTRE VILLE avait souscrit le contrat de prêt le 24 Avril 1989, soit à une date antérieure au retrait de MM. A et B; que les sommes réclamées résultent bien de l'inexécution par la société de cet engagement, étant observé qu'il était fait état dans la mise en demeure adressée le 18 Mai 1994 à la société d'un arriéré en capital de plus d'un million de francs, et en intérêts de près de 400.000 francs ;n million de francs, et en intérêts de près de 400.000 francs ;
Que la dette a donc bien pris naissance antérieurement à la cession des parts sociales et à sa date d'effet ;
Que le Jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné MM. A et B, en leur qualité de co-débiteurs solidaires de la S.N.C. CENTRE VILLE, au paiement des sommes dues au C.E.P.M.E. ; que la Cour retiendra toutefois la somme dans la limite du montant admis au passif ;
Considérant que les parties s'accordent sur le fait que MM. A et B, co-débiteurs solidaires, doivent bénéficier des délais accordés dans le cadre du plan de continuation à la S.N.C. CENTRE VILLE ;
Qu'ils peuvent en effet opposer toutes les exceptions résultant de la nature de l'obligation, ou communes à tous les co-débiteurs ;
Qu'en l'espèce, ayant accepté dans le cadre du plan de différer le terme de l'obligation en accordant des délais, le C.E.P.M.E. ne peut que faire bénéficier des mêmes délais MM. A et B ;
Que ceux-ci ne peuvent pour autant prétendre que cet établissement a renoncé à l'exigibilité anticipée, non remise en cause par les modalités convenues de l'apurement ; que de ce fait, le C.E.P.M.E. peut exiger d'eux le paiement suivent celles-ci, sous réserve de leur respect ;
SUR LES AUTRES DEMANDES
Considérant que les dépens exposés en cause d'appel seront partagés entre MM. A et B et le C.E.P.M.E., eu égard à l'évolution du litige, qui remet partiellement en cause la décision entreprise ; Qu'aucune circonstance d'équité, eu égard à la situation économique respective des parties, ne commande l'application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par décision contradictoire,
INFIRME partiellement le Jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Vu le plan de continuation arrêté le 9 Septembre 1998 au bénéfice de la S.N.C. CENTRE VILLE,
CONSTATE que le C.E.P.M.E. renonce à ses demandes tendant à la condamnation pécuniaire de la S.N.C. CENTRE VILLE et à la vente du fonds de commerce,
Vu l'article 10 de la Loi n° 66-537 du 24 Juillet 1966,
CONDAMNE en qualité de co-débiteurs solidaires, dans la limite du montant de la créance admise au passif de la S.N.C. CENTRE VILLE, MM. B et A au paiement au C.E.P.M.E. de la somme de HUIT MILLION TROIS CENT QUATRE VINGT SEPT MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT CINQ FRANCS CINQUANTE CINQ CENTIMES ( 8.387.885,55 f rancs) 1.278.724,91 euros , avec intérêts au taux de 10,62% l'an à compter du 1° Juillet 1994,
DIT que ceux-ci bénéficieront des conditions et délais de remboursement retenus dans le cadre du plan,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE in solidum MM. B et A et la S.N.C. CENTRE VILLE aux dépens de première instance, partage par moitié ceux exposés en appel entre MM. B et A et le C.E.P.M.E., et met chacune d'elle à charge de l'une et l'autre partie,
DIT que les dépens pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.