Livv
Décisions

Cass. com., 11 avril 2012, n° 09-12.431

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gérard

Avocats :

Me Rouvière, SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 18 sept. 2008

18 septembre 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 septembre 2008), qu'à la suite d'un jugement en date du 25 juin 2002 du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence arrêtant un plan de cession du fonds de commerce de vols aériens et activités annexes exploité par la société Nouvelle Air Provence international (SNAPI), la société de droit suédois West Air Holding a constitué la société de droit français, West Air FR, qui a racheté le fonds de commerce le 28 août 2002 ; que cette société et la société West Air Luxembourg, autre filiale de West Air Holding, ont conclu le 29 septembre 2002 une convention d'assistance aux termes de laquelle la société West Air Luxembourg devait fournir un support de gestion technique et administratif à la société West Air FR durant sa période de démarrage d'une durée de six mois pouvant être renouvelée par tacite reconduction ; qu'il était prévu que ce support serait facturé sur la base d'un fixe mensuel de 8 000 euros ; que la somme globale de 96 991,23 euros a été facturée à West Air FR au titre notamment du détachement de deux salariés, M. X... et M. Y... ; que par un jugement du tribunal de commerce de Salon-de-Provence en date du 9 janvier 2004, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société West Air FR, la date de cessation des paiements étant fixée au 23 décembre 2003, le redressement judiciaire étant converti en liquidation judiciaire par décision en date du 27 février 2004, et M. Eric Z... étant alors désigné en qualité de liquidateur; que le liquidateur a fait assigner la société West Air Luxembourg devant la juridiction commerciale, soutenant que la convention du 29 septembre 2002 n'avait donné lieu à aucune prestation effective et que l'un des paiements avait été effectué au cours de la période suspecte ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société West Air Luxembourg fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité pour cause illicite de la convention de prestation de services conclue le 29 septembre 2002, comme dissimulant un prêt de main d'oeuvre illicite, et, en conséquence, de la condamner à payer à M. Z... ès qualités, la somme de 75 391,23 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que le prêt de main d'oeuvre n'est caractérisé que dans la mesure où une main-d'oeuvre a été effectivement fournie à l'utilisateur ; que dès lors qu'elle relève qu'il n'était pas établi que MM. Y... et X... avaient effectivement été détachés auprès de la société West Air FR, et concernant ce dernier, quelles fonctions il aurait réellement exercées, au sein de la structure d'accueil, la convention de prestation de service ne pouvait pas dissimuler un prêt de main d'oeuvre qu'elle soit ou non licite ; que la cour d'appel a violé l'article L. 125-3 ancien recodifié aux articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ;

2°/ qu'en vertu des dispositions combinées des articles 9 du code de procédure civile et L. 125-3 ancien recodifié aux articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail, la charge de la preuve de l'existence d'une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif un prêt de main-d'oeuvre incombe à la partie qui l'invoque ; qu'en la faisant porter par la société West Air Luxembourg, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3°/ que le prêt de main-d'oeuvre n'est illicite que dans la mesure où la convention a pour objet exclusif un tel prêt ; qu'en retenant l'illicéité de la convention en cause, sans caractériser l'exclusivité du but du prêt de main-d'oeuvre, la cour d'appel a violé les articles L. 125-3 ancien, aujourd'hui L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ;

4°/ que le prêt de main d'oeuvre n'est illicite que s'il a un but lucratif ; qu'en décidant que la convention litigieuse dissimulait un prêt de main d'oeuvre illicite, sans caractériser un quelconque but lucratif, que ce soit par la recherche de profits, d'économies, ou par le paiement de salariés en fonction de leur nombre, de leur qualification ou de leur temps de travail, la cour d'appel a encore violé les dispositions de l'article L. 125-3 ancien recodifié aux articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société West Air Luxembourg a émis de février 2003 à novembre 2003 douze factures pour un total de 96 991,23 euros, le montant des factures au titre des "honoraires de direction" pouvant être de 16 000, 8 000 ou 4 000 euros et une facture d'honoraires de "Cancellation" d'un montant de 4 991,23 euros étant facturée pour juin 2003, alors qu'une rémunération forfaitaire de 8 000 euros par mois avait été convenue, que la société West Air Luxembourg n'a fait référence , pour preuve de la réalité des prestations fournies au titre de la convention d'assistance, qu'au détachement de MM. X... et Y..., qu'aucun élément n'est produit démontrant un détachement de M. Y..., ni établissant que M. X... mettait en oeuvre pour l'exécution de la mission qui lui avait été confiée par la société West Air Luxembourg une technicité propre à cette dernière ou un savoir-faire spécifique, qu'au contraire l'organigramme de la société West Air FR établissait que les personnels existant en son sein avaient la capacité d'assumer la gestion technique et administrative de l'entreprise ; que la cour d'appel a ainsi, sans renverser la charge de la preuve, pu décider que la convention d'assistance conclue entre la société West Air Luxembourg et la société West Air France caractérisait un prêt de main d'oeuvre à but lucratif, prohibé par l'article L. 8241-1 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société West Air Luxembourg fait grief à l'arrêt d'avoir dit nul le virement de 8 000 euros effectué par la société West Air FR à son profit après sa date de cessation des paiements et d'avoir, en conséquence, condamné celle-ci à payer à son liquidateur cette somme, alors, selon le moyen, qu'un ordre de virement n'est pas susceptible d'annulation s'il a été effectué avant la date de cessation des paiements, quand bien même la banque réceptionnaire n'aurait envoyé un message d'acquittement vers la banque émettrice que postérieurement à cette date, l'envoi de ce message n'étant que la régularisation comptable de l'opération qui a déjà eu lieu ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 632-1 et suivants du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt énonce d'abord que la période suspecte débutant à la première heure du jour fixé pour la date de cessation des paiements, les paiements pour dettes échues effectués le même jour sont nécessairement postérieurs ; qu'il énonce ensuite que, s'agissant d'un paiement effectué par virement, le créancier bénéficiaire est réputé avoir reçu paiement du débiteur à la date à laquelle il acquiert un droit définitif sur les fonds c'est-à- dire, selon l'article L. 330-1 du code monétaire et financier, dès que l'ordre est devenu irrévocable, à une date et selon les modalités conformes aux règles de fonctionnement du système interbancaire de télécompensation (SIT) et que selon les règles de fonctionnement de ce système, l'ordre devient irrévocable lorsqu'après acheminement par la banque émettrice d'un message vers la station SIT du centre interbancaire de la banque réceptionnaire (échange interbancaire M1 ), cette dernière envoie un message d'acquittement vers la banque émettrice qui formalise l'échange entre les deux banques (acquittement M2) ; qu'il énonce encore que l'heure limite d'arrivée des messages M1 à la station réceptrice est fixée journellement à 13h30 pour les virements ; qu'il constate enfin que l'ordre de virement a été transmis par la société West Air FR à sa banque le 22 décembre 2003 à 15h43 et retient que l'heure limite d'échange étant dépassée, l'ordre n'a pu devenir irrévocable qu'à J+1 soit le 23 décembre 2003 ; que de ces énonciations, constatations et appréciations faisant ressortir que l'envoi du message d'acquittement M2 ne constituait pas une simple régularisation comptable, la cour d'appel a exactement déduit que le paiement par la société West Air FR était postérieur à sa date de cessation des paiements qui a pris effet le 23 décembre à 0 heure et fait pendant la période suspecte ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.