Cass. com., 7 décembre 1993, n° 92-12.131
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Poullain
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
Me de Nervo, SCP Rouvière et Boutet
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X... a été employé par la Société forestière industrielle de la Doume (SFID) dont le siège est à Dimako (Cameroun) du 1er décembre 1962 au 30 juin 1968 ; que cette société était affiliée à un régime de retraites complémentaires géré par l'Association nationale d'entraide et de prévoyance (ANEP) ; qu'en 1986 M. X... n'a pas pu faire liquider ses droits à retraite complémentaire pour cette période à raison de ce que, par des démarches effectuées par la société Rougier, société affiliée à la Caisse de retraite des expatriés (CRE), à la suite de la fusion-absorption en 1972 de la société Mussy, dont la société SFID était une filiale, le contrat de retraites complémentaires de cette dernière société avait été transféré à la CRE sans que soit versée à l'ANEP l'indemnité de résiliation prévue à son règlement ; que la SA Rougier avait négocié des accords pour l'indemnisation de la perte de leurs droits au titre de ce contrat avec d'anciens salariés ; que M. X... à qui la SNC Rougier avait fait des offres qu'il avait estimées insuffisantes l'a assignée en paiement d'une somme représentant le capital de la retraite complémentaire qu'il n'avait pas pu faire valider ;
Sur le moyen unique pris en sa première branche:
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu qu'après avoir constaté que pour que, dans leur intérêt commun, l'ensemble des sociétés du groupe soient affiliées au même régime de retraites complémentaires qu'elle-même, celui géré par la CRE, la SA Rougier avait dénoncé le contrat souscrit par sa filiale la SFID et que, du fait de cette résiliation intervenue sans paiement de l'indemnité prévue au contrat qui liait la SFID à l'ANEP, M. X... avait perdu la possibilité de faire valider ses droits au titre d'un emploi qu'il avait tenu durant le temps où la SFID était liée à l'ANEP, l'arrêt a retenu que la SA Rougier n'était pas responsable de ce dommage n'ayant pu résilier le contrat avec l'ANEP et négocier l'indemnisation de la perte de leurs droits avec d'anciens salariés qu'en agissant sur mandat de la SFID ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, dont il résulte que la société Rougier a incité sa filiale à dénoncer un contrat de retraites complémentaires, et s'est chargée de mettre en oeuvre cette décision, sans s'assurer du versement à la caisse gestionnaire de l'indemnité contractuelle de résiliation permettant de préserver les droits des salariés au titre des périodes antérieures à cette résiliation, négligence fautive qui est à l'origine du dommage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 5, 1er alinéa de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de M. X..., l'arrêt énonce encore que la société en nom collectif Rougier SA et compagnie ne pouvait avoir aucune responsabilité pour une initiative antérieure à sa création ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la société en nom collectif était issue de la transformation de la société anonyme Rougier et que la transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle et ne modifie pas ses obligations envers les tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de limoges.