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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 22 septembre 2015, n° 14/12205

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Apex Tool Group (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hirigoyen

Conseillers :

Mme Hebert-Pageot, M. Boyer

T. com. Melun, du 22 avr. 2014, n° 2012F…

22 avril 2014

Par acte sous seing privé en date du 12 septembre 2011, la société Apex Tool Group, qui était à l'époque une société par actions simplifiée (Sas), et M. C., ont défini les modalités d'exercice par ce dernier des fonctions de directeur général de la société ('your office of Managing Director' dans la version anglaise) devant lui être conférées par décision de l'associé unique à compter du 19 septembre 2011. Cet acte prévoyait notamment une rémunération annuelle brute de 165.000 euros outre une part variable sur objectifs, le versement d'un 'bonus d'arrivée' de 30.000 euros brut, et le remboursement de certains frais de déménagement et de voyage. Il était précisé que M. C. serait révocable sans préavis, et qu'en cas de révocation, la société lui verserait une indemnité égale à sa rémunération fixe au titre des six derniers mois.

M. C. s'est vu confier le mandat de directeur général de Apex Tool Group par décision de son associé unique, Apex Tool Holding France, en date du 19 septembre 2011 stipulant que 'M. C. ne percevra pas de rémunération au titre de ses fonctions de directeur général' et qu'il 'bénéficie d'un contrat de travail au sein de la société au titre duquel il est exclusivement rémunéré'.

Par décision du 2 janvier 2012, les associés de la société Apex Tool Group (Apex Tool Holding France 1, détenteur de 117 499 actions, et Apex Tool Holding France, détenteur d'une action) ont ratifié la décision du 19 septembre 2011, ont décidé de transformer la Sas en société en nom collectif (Snc) à compter du même jour, ont approuvé les statuts de la Snc, ont précisé que la modification de la forme sociale n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle et constaté que les mandats de président et directeur général de la société sous son ancienne forme de Sas prennent fin de plein droit à compter de ce jour, puis ont nommé M. C. en qualité de gérant de la société 'pour une durée qui prendra fin lors de l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2011", précision étant donnée que 'M. C. ne percevra, au titre de ses fonctions de gérant aucune rémunération mais aura droit, sur justificatif, au remboursement des frais qu'il engagera pour le compte de la société dans le cadre de sa mission'.

M. C. n'a pas signé le procès-verbal établi lors de cette assemblée générale, refusant son nouveau mandat de gérant ce qui faisait obstacle à l'accomplissement des formalités de publicité. Des discussions ont eu lieu au sujet des modalités du mandat de gérant pendant plusieurs mois, au cours desquels M. C. a conservé ses fonctions en percevant les rémunérations convenues.

Aucun accord n'ayant été trouvé, par assemblée générale en date du 21 juin 2012, les associés de la société Apex Tool Group ont pris acte du refus de M. C. d'accepter le mandat de gérant, de l'absence d'exécution des formalités nécessaires à la transformation de la société, et ont nommé avec effet immédiat M. K. en qualité de gérant.

Les formalités de transformation de la société et de nomination du gérant ont été déposées au mois de juin 2012.

Puis, par lettre recommandée avec avis de réception du 19 juillet 2012, M. K., ès qualités, a notifié à M. C. qu'il prenait acte de l'impossibilité de poursuivre les relations contractuelles imputable à ce dernier, notant que la veille celui-ci lui avait fait part de sa décision de cesser toute action au nom de la société et avait annulé une participation à une réunion à Hambourg avec les représentants d'Airbus et soulignant que cette situation résultait de son refus persistant d'accepter le mandat social de gérant et de signer les documents nécessaires à la transformation de la société. Il était précisé qu'aucune rémunération ne serait plus versée à compter de ce jour.

C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier en date du 20 septembre 2012, M. C. a fait assigner la Snc Apex Tool Group pour voir juger qu'il a été révoqué de son mandat de directeur général et obtenir la condamnation de la société à lui verser une indemnité de fin de contrat et des dommages et intérêts.

Dans le même temps le 14 septembre 2012, M. C. a saisi la juridiction prud'homale pour faire requalifier la rupture des relations en licenciement abusif considérant qu'à compter de sa révocation de son mandat de directeur général qu'il situe à la date du 2 janvier 2012, il s'est formé un contrat de travail puisqu'il a continué de travailler au sein de la société contre rémunération.

Par jugement du 9 avril 2013, le conseil de prud'hommes de Melun a sursis à statuer jusqu'à la décision de la juridiction commerciale.

Par jugement rendu le 22 avril 2014, le tribunal de commerce de Melun, a débouté M. C. de ses demandes et la société Apex Tool Group de ses demandes reconventionnelles.

M. C. a interjeté appel le 6 juin 2014.

Par dernières conclusions signifiées le 30 décembre 2014, il demande à la cour de réformer le jugement déféré en ses dispositions le déboutant de ses demandes, de dire et juger qu'il a été révoqué de son mandat de directeur général à compter du 2 janvier 2012, par conséquent, de condamner la société Apex Tool Group à lui payer les sommes de 82.500 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat, 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle, 330.000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu des manoeuvres déloyales de la société Apex Tool Group, de 3.666 euros au titre des congés acquis durant l'année 2013 et non pris, outre 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Par dernières conclusions signifiées le 31 octobre 2014, la société Apex Tool Group demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Melun en ce qu'il a débouté M. C. de ses prétentions et, sur son appel incident, de faire droit à ses demandes reconventionnelles, et statuant à nouveau de ce chef, de condamner

M. C. à lui payer 30.000 euros en remboursement du 'bonus d'arrivée' qui lui a été versé, 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dol outre 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE

Il sera observé que la présente instance porte exclusivement sur le mandat social confié à M. C., que la juridiction prud'homale est saisie, par ailleurs, du litige opposant les mêmes parties quant aux conséquences de la cessation du contrat de travail dont M. C. revendique le bénéfice, que si les premiers juges énoncent aux motifs de leur décision au sujet de la convention du 12 septembre 2011 'qu'il ne s'agit nullement d'un contrat de travail', il n'appartient pas à la juridiction commerciale mais seulement au conseil de prud'hommes de décider de l'existence d'un contrat de travail.

Au soutien de son appel, M. C. fait plaider, pour l'essentiel, que les modifications substantielles apportées quatre mois seulement après le début de sa prise de fonction à son mandat social en prévoyant une absence de rémunération et une fin de mandat fixée au 31 décembre 2011, s'analysent en une révocation de son mandat de directeur général, laquelle ouvre droit à son profit à une indemnité de fin de mandat selon la convention des parties. Il fait valoir, en outre, que la société Apex Tool Group a fait preuve à son égard de cynisme et usé de manoeuvres déloyales en le révoquant de son mandat de directeur général selon un processus et une motivation qui caractérisent une particulière mauvaise foi et des conditions vexatoires justifiant l'octroi de dommages et intérêts à la mesure des avantages perdus.

Tandis que la société Apex Tool Group soutient que M. C. n'a pas été révoqué de son mandat de directeur général lequel a pris fin par la transformation de la société en Snc, que le changement de mandat qui lui était proposé était justifié par la transformation de la forme juridique de la société, que son mandat de gérant aurait été rémunéré dans les mêmes conditions en vertu de la convention du 12 septembre 2011 et ce, malgré le libellé de la décision des associés faisant état d'un mandat non rémunéré, destiné à ne pas révéler la rémunération aux tiers. Elle proteste de sa bonne foi, estime n'avoir commis aucune faute dans l'exécution de la convention conclue avec M. C., celui-ci ayant été rémunéré jusqu'à ce qu'elle prenne acte de l'impossibilité de poursuivre leurs relations, et affirme qu'en réalité, M. C. postulait à un nouvel emploi ce qui explique son refus d'assumer les fonctions de gérant.

Il est de principe que la transformation de la forme juridique d'une société qui n'entraîne pas la création d'une personne morale, emporte la fin des fonctions des organes d'administration.

Il est constant que la transformation de la Sas en Snc a été décidée par décision unanime des deux associés en date du 2 janvier 2012.

Si la transformation sociale n'a effet à l'égard des tiers qu'à compter de l'achèvement des formalités de publicité, elle produit effet dès la date de la décision à l'égard de la société et des dirigeants sociaux.

Il s'ensuit que le mandat de M. C. a pris fin le 2 janvier 2012 non par suite d'une révocation mais par l'effet de la transformation de la forme juridique de la société Apex Tool Group.

Le moyen pris d'une modification des conditions du mandat constitutive de révocation est donc inopérant et les demandes formées de ce chef tendant au paiement de l'indemnité prévue dans le seul cas de révocation et d'une indemnisation complémentaire pour refus du versement spontané de cette indemnité sont mal fondées.

Il en va de même des demandes fondées sur les conditions vexatoires de la révocation.

M. C. sollicite encore réparation sur le fondement de manoeuvres déloyales, en dénonçant le stratagème mis en oeuvre par la société Apex Tool Group qui consistait, selon lui, dans l'attente de la vente du groupe à un fonds de pension qui sera effectif après son départ, à attirer un candidat en lui offrant un mandat à durée indéterminée avec des conditions avantageuses tout en lui dissimulant le caractère précaire du mandat, qu'à cet effet, la société a fait appel à un candidat établi en province qui, assuré de la pérennité de son poste, s'installerait en région parisienne comme il l'a fait, que ce candidat était donc obligé d'accepter le poste de gérant non rémunéré et en cas de refus de sa part, il suffisait de prétendre qu'il avait démissionné pour ne pas être tenu à une quelconque indemnité. Il souligne que la transformation de la société est intervenue à peine trois mois après sa prise de fonctions, qu'il s'en évince qu'elle était acquise lors des pourparlers avec la société et qu'elle lui a été dissimulée comme lui a été dissimulé le procès-verbal du 19 septembre 2011 faisant état d'un mandat non rémunéré. Il suggère qu'il n'a été approché que pour faire office 'd'intérimaire' en attendant que M. K., qui exerce d'autres mandats rémunérés, soit disponible pour exercer ces fonctions gracieusement.

Si le dirigeant non associé peut obtenir des dommages et intérêts dès lors que la transformation de la forme juridique de la société n'a pour but que de le priver des garanties attachées à son mandat antérieur, en l'espèce, il est constant que M. C. s'est vu proposer un mandat de gérant qu'il a refusé, que certes, ce mandat n'était pas rémunéré mais que le mandat de directeur général ne l'était pas davantage selon la décision de l'organe compétent pour décider s'il y'avait lieu ou non à rémunération du mandat soit celle de l'associé unique en date du 19 septembre 2011, que le directeur général de la Sas est révocable à la discrétion de l'organe social compétent tandis que le gérant de la Snc ne l'est que pour juste motif.

Ces éléments excluent que la transformation ait été décidée pour nuire à M. C. et le priver de garanties attachées à son mandat de directeur général qui, non rémunéré et autorisant une révocation ad nutum, n'en comportait pas.

Echouant à faire la preuve d'une faute de la société Apex Tool Group à l'origine de la cessation de son mandat social, M. C. ne peut qu'être débouté de ses demandes de réparation fondées sur l'article 1382 du code civil.

A ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. C. de l'ensemble de ses demandes.

La société Apex Tool Group forme appel incident afin d'obtenir le remboursement par M. C. du 'bonus d'arrivée' versé en application de l'article 12 de la convention du 12 septembre 2012 en invoquant le caractère fautif de son refus d'accepter les fonctions de gérant 'avant l'expiration de la période de 12 mois suivant le début d'exercice de son mandat social', selon ses écritures.

Cependant, une fois jugé, conformément à la thèse de la société Apex Tool Group, qu'il a été mis fin au mandat de directeur général de M. C. par l'effet de la transformation sociale et ce, dès le 2 janvier 2012, la demande ne saurait être accueillie.

Enfin, pas plus qu'en première instance, la société ne rapporte la preuve d'un abus de M. C. de son droit d'ester en justice.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Apex Tool Group de ses demandes reconventionnelles.

Enfin l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS

Constate qu'il a été mis fin au mandat social de directeur général de M. C. par l'effet de la transformation de la Sas Apex Toll Group en Snc à compter du 2 janvier 2012,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. C. de ses demandes du chef de son mandat social et en toutes autres dispositions,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne M. C. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.