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Décisions

Cass. com., 31 janvier 2012, n° 10-24.715

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Riffault-Silk

Avocat général :

M. Le Mesle

Avocats :

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Capron

Paris, du 24 juin 2010

24 juin 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que pour la mise en oeuvre de produits de défiscalisation proposés à des investisseurs, la banque Sofal a consenti à la société en nom collectif Rome (la SNC) dont le terme statutaire était fixé au 31 décembre 2007, un prêt d'un certain montant ; que les investisseurs, associés de la SNC se sont rendus cautions divises du prêt à concurrence de leur participation dans le capital de la société, la banque ayant expressément renoncé au caractère solidaire et indéfini de leurs engagements ; que par acte du 31 janvier 2002, la société Whbl 7, aux droits de la banque Sofal a cédé un portefeuille de créances comprenant le prêt à la société Calyon, aux droits de laquelle vient la société Crédit agricole Corporate and Investment Bank (la banque) ; que la SNC ayant été défaillante, la banque l'a assignée en remboursement des prêts ainsi que les cautions, qui ont contesté sa qualité à agir faute de communication de l'acte original de cession ; que le jugement condamnant la SNC et les associés à payer différentes sommes à la banque a été frappé d'appel par les associés, suivant déclaration du 6 décembre 2006 ; que par conclusions signifiées le 11 décembre 2009, la SNC a fait appel incident ;

Sur le second moyen, en ce qu'il est dirigé contre les investisseurs :

Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes de paiement d'une certaine somme à l'encontre de la SNC et des investisseurs ainsi que de l'avoir condamnée à rembourser les sommes versées en exécution du jugement, alors, selon le moyen :

1°/ que l'obligation de communiquer, qui est une des charges du procès civil, consiste, pour la partie qui y est tenue, à faire connaître à son adversaire les pièces dont elle entend se prévaloir à l'appui de sa prétention ; qu'elle a pour objet de mettre la partie adverse à même d'organiser sa défense ; que ses modalités d'exécution dépendent des circonstances de la cause particulière dans laquelle la communication doit avoir lieu, et, plus spécialement, des impératifs auxquels les parties se trouvent soumises, tel le secret professionnel ; que la banque, liée par le secret professionnel du banquier, offrait de communiquer l'original de l'entier acte de cession du 31 janvier 2002 en le tenant à la disposition de ses adversaires et de leurs conseils pour consultation ; qu'en lui objectant « que le principe du droit au procès équitable posé par l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose au juge de ne statuer que sur des pièces loyalement, donc intégralement, communiquées à toutes les parties au procès, de manière à ce qu'elles puissent en débattre à armes égales », sans se demander si les modalités d'exécution de l'obligation de communiquer que la banque proposait n'étaient pas, compte tenu du secret professionnel auquel elle était tenue, propres, d'une part, à faire connaître à ses adversaires le contenu intégral de l'acte de cession du 31 janvier 2002, et, d'autre part, à leur permettre d'organiser leur défense, la cour d'appel a violé les articles 2, 3, 15, 16, 132 et 134 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 511-33 et suivants du code monétaire et financier ;

2°/ que la banque faisait valoir, dans sa signification du 27 janvier 2010, qu'« afin de satisfaire à l'arrêt de la cour en date du 5 février 2009 sans enfreindre les dispositions légales d'ordre public relatives au secret professionnel du banquier, le conseil de la banque a, par lettre officielle du 17 février 2009, rappelé à ses confrères que, la loi lui faisant interdiction de diffuser des copies de l'acte de cession du 31 janvier 2002, l'original était tenu à leur disposition pour consultation », que « le conseil de M. X... refusant par principe de prendre connaissance de l'original de l'acte, un rendez-vous de procédure était sollicité à l'initiative de la banque, afin d'examiner les modalités de communication de l'acte, rendez-vous de procédure qui s'est tenu le 12 mai 2009 en présence de Mme le conseiller David », qu'« en présence des avoués, Mme le conseiller :/. a tout d'abord constaté que la copie de l'acte de cession et partiellement de son annexe certifiée conforme à l'original par Me Y... (expurgée des noms des débiteurs) était conforme à l'original qui lui était présenté ainsi qu'à l'avocat de M. X... … ;/. a rappelé que la diffusion des noms des débiteurs était prohibée par les dispositions du code monétaire et financier et du code pénal ;/ mais surtout a également constaté que le conseil de M. X... a refusé à plusieurs reprises de prendre connaissance de l'original de l'acte » ; qu'en énonçant que la banque ne s'est pas conformée à son obligation de communiquer l'acte de cession du 31 janvier 2002, sans s'expliquer sur ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la banque a persévéré à ne vouloir présenter à ses contradicteurs l'acte de cession qu'en communication et s'est bornée à produire un document comportant des anomalies évidentes, l'arrêt retient que la banque n'a pas produit un extrait authentique de l'acte de cession, demandé à la suite de la réouverture des débats, par lequel le notaire certifie la provenance du document comme son caractère intégralement probant et précise qu'aucune disposition de l'acte autre que celles figurant à l'extrait n'est susceptible de concerner les parties au litige ; que par ce motif non critiqué, duquel elle a déduit que ce document aurait permis de concilier le droit des parties à obtenir les pièces qu'elles ne détiennent pas et qui sont nécessaires à leur défense et le principe du secret professionnel, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 1134 et 1844-7 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de la banque tendant à faire déclarer irrecevable l'appel de la SNC, l'arrêt retient que si dans le principe, une société prend fin à l'expiration du temps pour lequel elle a été constituée, elle n'est effectivement dissoute que si les associés ont été convoqués, au moins un an avant le terme convenu et ont décidé expressément la dissolution ; que dans le cas contraire, la société conserve sa personnalité juridique, ses organes et sa capacité à ester en justice ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de toute prorogation expresse ou tacite de sa durée, la SNC, dissoute par l'arrivée de son terme, aurait dû être représentée par un liquidateur, ce dont il résultait que l'appel de la SNC était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'appel formé par la société en nom collectif Rome, l'arrêt rendu le 24 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.