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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 10 mai 2012, n° 11/06158

ROUEN

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

Mme Vinot, Mme Bertoux

Avoués :

SCP Greff Peugniez, Me Couppey Leblond

Avocats :

SCP de Bezenac et Associés, Me Percheron

TGI Rouen, du 5 déc. 2011

5 décembre 2011

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement du 2 février 2009, le tribunal de grande instance de Rouen a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. Y, avocat au barreau de Rouen, et désigné M. X en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 4 octobre 2010, ce tribunal a :

- arrêté le plan de redressement judiciaire de M. Y qui comprend les dispositions suivantes :

-poursuite des contrats consentis par la Caisse d'Epargne dont les montants à échoir étaient respectivement au 10 mai 2010 de 8 145,49 euros, 6 037,70 euros et 18 921,10 euros ainsi que des deux prêts consentis par le Crédit Foncier pour les montants à échoir à la date de l'arrêté du plan

- paiement immédiat à l'arrêté du plan de la créance de Bouygues Télecom pour un montant de 66,47 euros

- paiement à 100% des autres créances définitivement admises en 10 annuités égales, règlement sans délai ni remise dès l'adoption du plan des créances inférieures à 300 euros

- autorisé la poursuite de l'activité

- fixé la durée du plan à 10 ans

- dit que les créances inférieures à 300 euros feront l'objet d'un règlement sans délai ni remise dès l'adoption du plan

- dit que le passif à échoir correspondant à des contrats de prêt s'étant poursuivis pendant la période d'observation n'est pas concerné par le plan d'apurement du passif

- dit que les autres créanciers seront remboursés intégralement des créances définitivement admises en dix annuités égales, la première des ces annuités intervenant un an après l'adoption du plan par le tribunal

- désigné Maître X en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Le 1er juillet 2011, M. X a présenté requête aux fins de prononcé de la résolution du plan, exposant que depuis l'arrêté du plan aucune mensualité n'avait été adressée au Crédit Foncier et à la Caisse d'Epargne, les débours liés au plan n'ayant pas été davantage réglés pas plus que les cotisations RSI RAM postérieures au redressement judiciaire.

Par jugement du 5 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Rouen a :

- prononcé la résolution du plan de redressement par continuation

- prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. Y

- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 1er juillet 2011

- désigné M. X en qualité de liquidateur

- fixé à 18 mois le délai au terme duquel la clôture de la procédure devrait être examinée

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

M. Y a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de M. X es qualités de liquidateur et de M. A... en qualités de bâtonnier de l'ordre des avocats de Rouen, contrôleur de droit.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 8 mars 2012 pour l'appelant et du 1er mars 2012 pour M. X es qualités.

M. Y conclut à la nullité du jugement, subsidiairement à l'irrecevabilité de la demande de M. X es qualités.

M. X es qualités conclut à la confirmation et subsidiairement, pour le cas où la cour estimerait devoir annuler le jugement, au prononcé de la liquidation judiciaire.

A l'audience, le ministère public a déclaré n'avoir pas d'observations à développer et M. A..., en sa qualité de bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Rouen, a exposé que la liquidation judiciaire s'imposait.

La note en délibéré adressée à la Cour par M. Y le 4 mai 2012 sera écartée des débats comme n'ayant pas été autorisée.

SUR CE

A l'appui de sa demande de prononcé de la nullité du jugement, M. Y fait valoir que l'accusé de réception de la lettre recommandée de convocation qui lui a été adressée est revenu avec la mention 'non réclamé' de sorte qu'il n'a pas eu connaissance de la requête et que le tribunal n'a pas été valablement saisi, relevant en outre qu'en l'état de la nullité d'un acte introductif d'instance il ne saurait y avoir d'effet dévolutif.

Il résulte des dispositions combinées des articles R 626-48 et L 626-9 du code de commerce que le tribunal est, aux fins de résolution du plan, saisi par voie de requête et statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur.

En l'état du retour au greffe du tribunal d'une lettre de notification dont l'avis de réception n'a pas été signé par son destinataire, il appartenait au secrétaire de la juridiction d'inviter le requérant à procéder par voie d'assignation.

En l'absence d'assignation, il s'ensuit non pas une absence de saisine du tribunal, lequel a été régulièrement saisi par la requête, mais un défaut de respect du principe du contradictoire, ce qui emporte prononcé de la nullité du jugement et dévolution pour le tout par application de l'article 562 du code de procédure civile.

Sur le fond, M. Y soutient que le commissaire à l'exécution du plan n'avait pas qualité pour demander résolution du plan, les prêts bancaires étant exclus du plan et les dettes postérieures ne pouvant justifier l'ouverture d'une nouvelle procédure.

Cependant, il résulte des termes mêmes du jugement arrêtant le plan ci-dessus rappelés que le paiement des échéances des prêts consentis par la Caisse d'épargne et le Crédit foncier (créanciers ayant régulièrement déclaré leur créance tant au titre des sommes échues qu'au titre des sommes à échoir), s'il s'opérait sur une durée autre que celle du plan, n'était pour autant pas 'exclu' du plan.

En toute hypothèse, M. X es qualités expose sans être contesté, en page 4 de ses conclusions, que les créances inférieures à 300 euros qui représentaient un total de 205,97 euros n'ont pas été davantage été réglées.

Il en résulte un non respect du plan de continuation.

Quant aux dispositions de l'article L 626-27 du même code, dans leur rédaction applicable à la date de l'ouverture de la procédure, et contrairement à ce que soutient M. Y, elles ne font en rien de poursuites préalables en recouvrement forcé une condition de recevabilité du prononcé de la résolution spécialement dès lors qu'est par ailleurs constaté l'état de cessation des paiements.

Or, sur ce point, M. Y ne justifie pas plus qu'en première instance de sa situation financière ni ne fournit la moindre explication sur l'existence d'un actif susceptible de faire face au règlement du passif exigible (s'élevant à tout le moins à16 684,51 euros pour les échéances de prêts impayées au mois d'octobre 2011 et à 3 174 euros au titre des cotisations RSI RAM exigibles pour les années 2009 à 2011), le non paiement de ces sommes accréditant au contraire une impossibilité d'y faire face.

Ces circonstances justifient donc la résolution du plan et, en l'absence de possibilité de redressement, le prononcé de la liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats la note en délibéré du 4 mai 2012.

Annule le jugement entrepris.

Statuant par application de l'article 562 du code de procédure civile :

Prononce la résolution du plan de redressement par continuation

Prononce l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. Y.

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 1er juillet 2011.

Désigne M. X en qualité de liquidateur.

Fixe à 18 mois le délai au terme duquel la clôture de la procédure devrait être examinée.

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.