Cass. 1re civ., 7 juillet 1998, n° 96-15.356
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Sur le moyen unique :
Attendu que les époux Z... ont fait édifier un immeuble d'habitation, dont la réception a eu lieu en décembre 1984;
que des désordres ayant affecté ce bâtiment pendant la période de la garantie décennale, ils ont mis en cause, d'une part, la compagnie d'assurance Nordstern, auprès de laquelle avait été souscrite l'assurance de dommages obligatoire prévue par l'article L. 242-1 du Code des assurances, d'autre part, leur assureur "multirisques habitation", la Mutuelle de Poitiers assurances (la mutuelle);
que l'arrêt confirmatif attaqué (Poitiers, 5 mars 1996) a mis les frais de réfection du pavillon sinistré à la charge de la mutuelle, au motif que les dommages avaient pour cause la sécheresse qui avait sévi dans le département des Deux-Sèvres, et que cet état de catastrophe naturelle, constaté par un arrêté intermininistériel, constituait un cas de force majeure exonérant les constructeurs de leur responsabilité, conformément au dernier paragraphe de l'article 1792 du Code civil, et rentrant dans le champ d'application de l'article L. 125-1 du Code des assurances ;
Attendu que la mutuelle reproche à la cour d'appel, d'avoir ainsi retenu l'existence de la force majeure, alors que l'événement irrésistible est celui contre lequel aucune mesure, même de nature exceptionnelle, n'aurait pu lutter s'il avait été prévu;
qu'en l'espèce, pour décider que la sécheresse avait été irrésistible, les juges du fond ont relevé que les techniques habituelles demeuraient impuissantes à prévenir la dégradation du sol;
qu'en statuant ainsi, tout en énonçant par ailleurs que la méthode de reconstruction préconisée par l'expert, fondée sur une technique spéciale, aurait permis de remédier aux inconvénients de ce phénomène naturel, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, et ainsi violé l'article 1792 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, de première part, qu'une sécheresse provoquant des mouvements de terrain dus à la sensibilité du sol argileux, avait sévi dans le département des Deux-Sèvres, entre le mois de mai 1989 et le mois de décembre 1990, un arrêté interministériel du 12 août 1991, ayant constaté l'état de catastrophe naturelle;
de deuxième part, que cette sécheresse exceptionnelle par sa durée dans ce département et dont les effets s'étaient manifestés progressivement au fur et à mesure du déficit en pluviométrie, était la cause des désordres affectant le pavillon des époux Z...;
de troisième part, qu'aucune précaution, notamment quant au choix des semelles de l'immeuble, n'aurait pu suffire à éviter les graves dommages survenus du fait de cette sécheresse exceptionnelle, étant observé que les juges du fond n'ont pas dit qu'une méthode de reconstruction préconisée par l'expert aurait permis de remédier aux inconvénients de ce phénomène naturel;
que de l'ensemble de ces constatations, la cour d'appel, qui a retenu souverainement le caractère irrésistible de cette catastrophe, en a exactement déduit qu'elle constituait un cas de force majeure ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Mutuelle de Poitiers assurances aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.