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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 22 octobre 2015, n° 13/05392

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Beauté Prestige International (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aubry-Camoin

Conseillers :

M. Fohlen, M. Prieur

TGI Marseille, du 17 janv. 2013, n° 10/0…

17 janvier 2013

FAITS - PROCEDURE - DEMANDES :

La S.A. parisienne BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL [la société BPI] qui commercialise le parfum LE MALE de Monsieur Jean-Paul G. a déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle :

- le 10 novembre 1992, sous le numéro d'enregistrement DM/024377, un ensemble de

5 modèles internationaux ayant pour objet flacons, bouchon, conteneur et son couvercle;

- le 25 avril 1994, sous le numéro d'enregistrement ou national 94 2417, et les numéros de publication 462 612 1-1 et 462 613 2-2, deux modèles de flacon en forme de tronc masculin dont le second est de couleur bleutée ;

- le 24 mars 1995, sous le numéro 95 564 538 et en classes 3, 18 et 25, une marque (figurative) qui a été renouvelée le 4 février 2005 ;

- le 7 septembre 1995 avec renouvellement le 3 août 2005, sous le numéro 95 587 225 et en classes 3, 18 et 25, une marque tridimensionnelle en couleurs constituée par un flacon vu de 3/4, évoquant un corps masculin de couleur bleu translucide, dont la partie au-dessus de la taille est assortie de bandes blanches ; élément supérieur argent.

Début juillet 2010 les Douanes de FOS / PORT SAINT LOUIS ont mis en retenue des marchandises présumées contrefaire celles de la société BPI pour un total de 20 064 selon courriel du 20, soit

- 9 600 pièces BLUE FOR MAN,

- 480 pièces MUSCK MAN,

- 4 800 pièces MEN IN BLACK,

- 2 784 pièces MAN IN BLACK,

- et 2 400 pièces COOL MAN,

toutes fournies par la société chinoise SHEZHEN XIUFULAI COMMERCE LTD à la S.A.R.L. Z. ET FILS ayant son siège dans les Bouches-du-Rhône.

Autorisée par ordonnance du 13 juillet 2010 la société BPI a fait établir le 16 par Huissier de Justice 2 procès-verbaux de saisie contrefaçon portant sur respectivement 4 exemplaires de chacun des 3 flacons d'eau de toilette BLUE FOR MEN, MEN IN BLACK et MUSK MAN, et des factures d'achat par la société Z. pour 4 800 flacons MAN IN BLACK et 9 600 flacons BLUE FOR MAN.

Le 28 juillet 2010 la société BPI a fait assigner la société Z. en contrefaçon de droits des marques, de dessins et modèles et de droits d'auteur devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, qui par jugement du 17 janvier 2013 a :

* rejeté la demande en nullité dirigée par la seconde à l'encontre du modèle déposé par la première sous les numéros 94 2417-001 et 94 2417-002 ;

* dit que la société Z. s'est rendue coupable de contrefaçon des modèles précités [sauf pour les flacons MUSK MAN et MAN IN BLACK] et de la marque semi-figurative numéro 95 564 538 appartenant à la société BPI ;

* fait interdiction à la société Z., sous astreinte provisoire de 2 000 € 00 par infraction constatée, de détenir, d'offrir en vente ou de vendre des produits contrefaisant les modèles et la marque appartenant à la société BPI ;

* ordonné la confiscation des produits saisis ;

* ordonné la publication du présent jugement dans 3 périodiques au choix de la demanderesse et aux frais de la société Z., dans la limite de 5 000 € 00 ;

* condamné la société Z. à verser à la société BPI la somme de 40 000 € 00 en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon ;

* débouté la société BPI du surplus de ses demandes, et la société Z. de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

* condamné la société Z. à verser à la société BPI la somme de 5 000 € 00 en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

* ordonné l'exécution provisoire ;

* mis l'intégralité des dépens, y compris les frais de saisie, à la charge de la société Z.

Appel a été régulièrement interjeté :

- d'abord par la S.A. BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL le 13-14 mars 2013 ;

- puis par la S.A.R.L. Z. ET FILS le 22-23 avril.

Par conclusions du 9 septembre 2015 la S.A. BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL demande à la Cour, vu les articles L.713-3, L. 716-1, L. 511-1, L. 521-1, L.122-4 et L.335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

. rejeté la demande en nullité dirigée par la société Z. à l'encontre du modèle déposé par la société BPI sous les numéros 94 2417-001 et 94 2417-002 ;

. dit que la société Z. s'est rendue coupable de contrefaçon des modèles précités appartenant à la société BPI ;

. fait interdiction à la société Z., sous astreinte provisoire de 2 000 € 00 par infraction constatée, de détenir, d'offrir en vente ou de vendre des produits contrefaisant les modèles et la marque appartenant à la société BPI ;

. ordonné la confiscation des produits saisis ;

. ordonné la publication du présent jugement dans 3 périodiques au choix de la demanderesse et aux frais de la société Z., dans la limite de 5 000 € 00 ;

. condamné la société Z. à verser à la société BPI la somme de

40 000 € 00 en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon ;

. condamné la société Z. à verser à la société BPI la somme de 5 000 € 00 en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- pour le surplus et statuant à nouveau :

. dire et juger que les produits MUSK MAN, MAN IN BLACK et COOL MAN constituent des contrefaçons des modèles et de la marque de la société BPI numéro 95 587 225 ;

. dire et juger que les produits BLUE FOR MEN et MEN IN BLACK constituent des contrefaçons de la marque numéro 95 587 225 et du modèle DM/024377 ;

. condamner la société Z. à la somme supplémentaire de 410 000 € 00 a titre de dommages et intérêts du fait des actes de contrefaçon de droits de marque, de dessins et modèles appartenant à la société BPI :

. dire et juger que la fragrance du parfum BLUE FOR MEN constitue la contrefaçon de la fragrance du parfum LE MALE de Jean-Paul G. protégeable par le droit d'auteur ;

. condamner la société Z. a la somme supplémentaire de 100 000 € 00 à titre de dommages et intérêts du fait des actes de contrefaçon de droits d'auteur compte tenu de la copie de la fragrance LE MALE appartenant à la société BPI ;

. à titre subsidiaire et si par extraordinaire, la Cour estimait que la fragrance du parfum LE MALE, ne constituait pas une œuvre de l'esprit susceptible de bénéficier de la protection légale, juger que la copie de ce jus par la fragrance BLUE FOR MEN constitue à tout le moins une faute dans les termes de l'article 1382 du Code Civil constitutive de concurrence déloyale commise par la société Z. au préjudice de la société BPI ;

. condamner, dans cette hypothèse, la société Z. à la somme supplémentaire de 100 000 € 00 à titre de dommages et intérêts du fait des actes de concurrence déloyale compte tenu de la copie de la fragrance LE MALE appartenant à la société BPI ;

- débouter la société Z.;

- condamner également la société Z. à la somme supplémentaire de 15 000 € 00 par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile , ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais de saisie contrefaçon de Me D. et Me E. (pièces 29 à 31).

Par conclusions du 3 septembre 2015 la S.A.R.L. Z. ET FILS demande à la Cour de :

- à titre principal en ce qui concerne les modèles numéros 94 2417-001 et 94 2417-002, vu le livre V du Code de la Propriété Intellectuelle :

. constater que le modèle français numéro 94 2417-002 de la société BPI est reproduit en noir, alors qu'est revendiquée la couleur bleutée, il n'existe donc pas de modèle autre que le numéro 94 2417-001 de couleur bleutée;

. dire et juger qu'en l'absence d'antériorité de toutes pièces l'exigence de nouveauté est remplie, mais tel n'est pas le cas de l'exigence portant sur la différenciation avec les productions de l'art antérieur;

. constater que le seul élément pertinent à ce propos consiste en la couleur bleue, peu usitée en matière de buste et qui pourrait caractériser l'empreinte de la personnalité de l'auteur;

. dire et juger que cette couleur ne parvient pas à elle seule à conférer une physionomie propre à celui du modèle qui l'arbore, dans la mesure où en 1994 l'état de la technique et de la mode avaient déjà généré de nombreux objets de couleur vive et décalée par rapport aux habitudes antérieures;

. dire et juger que ces 2 modèles ne répondent pas aux exigences de la loi, et même à considérer la loi nouvelle ne sauraient produire sur un observateur ou un utilisateur averti une impression globale différente de celle que produisent sur lui les dessins ou modèles divulgués avant leur dépôt;

. annuler les modèles numéros 94 2417-001 et 94 2417-002 et infirmer le jugement;

- en tout état de cause en ce qui concerne les modèles numéros 94 2417-001 et

94 2417-002, vu le livre V du Code de la Propriété Intellectuelle :

. constater que lorsqu'on compare les modèles déposés par la société BPI et dont elle revendique le bénéfice numéros 94 2417-001, 94 2417-002 et 94 2417, avec les

3 modèles argués de contrefaçon à savoir MEN IN BLACK, MUSK FOR MEN et BLUE FOR MEN, l'impression d'ensemble produite sur l'utilisateur/observateur averti, donc une personne qui connaît le modèle de la société BPI, est différente compte tenu du fait que ce modèle est plus long et comporte des hanches, sa couleur bleu foncé est caractéristique, et le bouchon des 3 modèles argués de contrefaçon est relativement distinctif et bien différent de celui de la société BPI;

. confirmer le jugement en ce qu'il a jugé à propos des flacons MEN IN BLACK, MUSK FOR MEN et BLUE FOR MEN que la seule reprise de la forme d'un buste humain ne peut être considérée comme caractérisant une contrefaçon au sens de l'article L. 521-2 du Code de la Propriété Intellectuelle;

. dire et juger que dès lors que l'utilisateur/observateur averti est doté d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré, et est attentif au moindre détail, les quelques différences de détail dans la forme du bouchon et dans la stylisation du corps du flacon BLUE FOR MEN relevées par le Tribunal sont à l'évidence suffisantes pour susciter chez lui une impression visuelle différente du modèle numéro 94 2417 de la société BPI;

. infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le flacon BLUE FOR MEN constituait la contrefaçon du modèle numéros 94 2417-001 et 94 2417-002 de la société BPI;

- en ce qui concerne la marque numéro 95 564 538 de la société BPI :

. constater que cette marque est frappée d'une déchéance totale acquise au

28 avril 2000 par un arrêt de la Cour d'Appel de LYON en date du 10 mai 2012, et donc qu'elle était inopposable à elle-même à la date du jugement frappé d'appel;

. informer le jugement en ce qu'il a jugé qu'elle s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque semi-figurative numéro 95 564 538;

- en ce qui concerne la marque numéro 95 587 225 :

. confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'aucun des 3 flacons des produits litigieux MEN IN BLACK, MUSK FOR MEN et BLUE FOR MEN ne reproduisait cette marque qui correspond au flacon LE MALE, caractérisé par un flacon évoquant un corps masculin de couleur bleu translucide, dont la partie au-dessus de la taille est assortie de bandes blanches-élément supérieur argent;

. dire et juger qu'il n'existe aucun risque de confusion dans l'esprit du public pertinent entre les produits MEN IN BLACK, MUSK FOR MEN et BLUE FOR MEN et la marque numéro 95 587 225;

. débouter la société BPI de son action et de ses demandes au titre de la contrefaçon de cette marque;

- en ce qui concerne les allégations de contrefaçon de la fragrance du parfum LE MALE, vu les articles 6, 15, 16 et 56 du Code de Procédure Civile :

. constater que dans son exploit introductif d'instance la société BPI ne définit à aucun moment les éléments caractéristiques et originaux de la fragrance du parfum LE MALE, fragrance qui a été créée par Monsieur Francis K. à partir d'une base de lavande;

. dire et juger qu'il appartient au demandeur de caractériser au minimum l'originalité de l'œuvre dont il demande la protection en Justice, c'est-à-dire lister les singularités de son œuvre un peu à la manière des revendications d'un brevet et préciser comment celles-ci ont été reproduites sur l'œuvre ou le produit argué de contrefaçon;

. confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'en l'absence de toute analyse chromatographique et olfactive versée aux débats, il est impossible pour le tribunal de déterminer s'il existe une similitude entre les fragrances du parfum LE MALE et les fragrances des parfums saisis, l'appréciation du douanier à l'origine de la saisie étant manifestement insuffisante pour constater l'existence d'une reproduction ou d'une imitation engendrant un risque de confusion pour le consommateur;

. confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société BPI de son action et de ses demandes formulées au titre de la contrefaçon de son droit d'auteur sur son parfum LE MALE;

- vu l'article L. 716-14 du Code de la Propriété Intellectuelle, dans l'hypothèse fort peu probable où la Cour jugerait qu'elle-même a commis des actes de contrefaçon de marques :

. constater que tous les produits litigieux ont été saisi par les Douanes et qu'aucun de ceux-ci n'a été mis dans le commerce par elle tant sur le territoire français que sur celui de l'Union Européenne;

. confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les marchandises ayant été retenues en Douane la société BPI ne peut invoquer avoir subi un préjudice commercial, l'existence d'importations les années antérieures n'étant par ailleurs pas démontrée;

. infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société BPI a subi un préjudice moral certain du fait de l'atteinte portée tant à son modèle qu'à sa marque, et lui a alloué la somme de 40 000 € 00 de dommages-intérêts en réparation de ce préjudice moral;

. fixer à 1 000 € 00 le montant total des dommages et intérêts auxquels il conviendra de condamner elle-même en réparation tant du préjudice commercial que de l'atteinte portée aux droits de propriété intellectuelle de la société BPI, dès lors qu'aucun produit litigieux n'a été commercialisé en France ou même dans l'Union Européenne par elle;

. dès lors qu'aucun produit litigieux n'a été offert à la vente sur le territoire français, refuser de faire droit aux mesures de publications judiciaires sollicitées par la société BPI, et infirmer le jugement en conséquence;

- en tout état de cause débouter la société BPI de l'ensemble de ses demandes de contrefaçon relatives aux produits MEN IN BLACK, MUSK FOR MEN et BLUE FOR MEN formulées dans son appel incident;

- reconventionnellement condamner la société BPI à lui payer la somme de 10 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue à l'audience le 10 septembre 2015.

MOTIFS DE L'ARRET :

Sur la contrefaçon de la marque de la société BPI numéro 95 564 538 :

La déchéance de cette marque a été prononcée, à compter du 28 avril 2000 et pour l'ensemble des produits et services visés dans son enregistrement, par un arrêt de la Cour d'Appel de LYON du 10 mai 2012 qui n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation. Par suite cette Cour n'a plus à examiner si la société Z. a ou non contrefait ladite marque, ce qui conduit à infirmer le jugement ayant retenu cette contrefaçon.

Sur la contrefaçon du droit d'auteur de la société BPI sur la fragrance LE MALE :

Les 2 éléments communiqués par cette société sont :

- l'appréciation faite le 6 juillet 2010 par Monsieur Philippe D., responsable douanier chargé de la retenue des marchandises importées par la société Z., qui expose : 'il y a une très grande ressemblance olfactive [des produits retenus 2 et 4] avec le produit LE MALE', ce qui est trop faible pour prouver cette ressemblance;

- l'attestation établie le 1er août 2013 par Monsieur Alain D., Directeur qualité de la société SHISEIDO, qui précise qu'après chromatographie des eaux de toilette BLUE FOR MEN et LE MALE ont été détecté 'environ 51 % de constituants communs (...); constituants caractéristiques (...) :vanille, fève tonka, cèdre et musc', mais cette proportion est également trop faible pour être convaincante.

La très grande subtilité de la combinaison des constituants des parfums et eaux de toilette fait que ces éléments parcellaires et subjectifs sont insuffisants à démontrer avec certitude que la fragrance LE MALE de la société BPI a été contrefaite par la société Z., sans qu'il soit besoin d'examiner si une fragrance constitue ou non une œuvre de l'esprit.

Pour le même motif la société BPI ne rapporte pas la preuve que la fragrance BLUE FOR MEN constitue une copie fautive de la fragrance LE MALE qui puisse être qualifiée d'acte de concurrence déloyale.

Le jugement est donc confirmé pour avoir débouté la société BPI de ses demandes au titre du droit d'auteur.

Sur la contrefaçon du modèle DM/024377 :

La particularité de celui des 5 modèles déposés qu'invoque la société BPI est la forme du bouchon de flacon pour parfum, composé en partie basse (30 % de la hauteur totale) de godrons, et en partie haute (70 %) d'une forme ressemblant à un décapsuleur de bouteille, lequel en raison de cette forte proportion et de son caractère très spécifique est nouveau et original et constitue l'élément prédominant du modèle, les godrons étant là essentiellement pour faciliter l'ouverture et la fermeture du bouchon qui est à vis.

Cependant aucun des 5 bouchons de flacons de la société Z. ne contient ce notable décapsuleur, même si les produits BLUE FOR MEN et MEN IN BLACK sont constitués pour leur moitié inférieure de godrons, lesquels n'existent pas pour les produits COOL MAN et MAN IN BLACK.

C'est donc à tort que la société BPI prétend que ces bouchons constituent des contrefaçons de son modèle précité.

Sur le dépôt de modèle 94 2417 avec pour sous-numéros 462 612 1-1 et 462 613 2-2 du 25 avril 1994 :

Un modèle avec pour objet buste homme vue de face à destination de flacon de parfum a été déposé par Monsieur Didier C. le 6 avril 1994, soit quelques jours avant le dépôt ci-dessus; cependant un jugement rendu le 17 novembre 1998 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS dans un instance opposant Monsieur C. et la société MONDO UOMO licenciée de ce dernier à la société BPI a débouté les 2 premiers de leur action en contrefaçon de modèle, aux motifs qu'ils n'établissaient pas la mauvaise foi de la 3ème ni surtout l'antériorité de leur propre création. C'est donc à tort que la société Z. soutient que le modèle de Monsieur C. est plus ancien que celui de la société BPI. La nouveauté de ce dernier est par suite établie.

Le modèle de cette société représente un buste masculin nu, musclé et sans bras, ce qui est original pour un flacon de parfum, même pour homme, qui par définition n'est qu'un récipient, tandis que le buste en 3 dimensions est une création de la seule sculpture. Les 5 flacons litigieux de la société Z. que sont BLUE FOR MEN, MEN IN BLACK, MAN IN BLACK, COOL MAN et MUSK MAN représentent la même chose que le modèle de la société BPI, leurs petites différences (épaules plus larges pour les 3 derniers) étant bien faibles par rapport à l'impression d'ensemble, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal de Grande Instance.

Une personne d'attention moyenne (et non un observateur ou utilisateur averti comme le soutient la société Z.) n'ayant pas simultanément sous les yeux d'une part les 5 flacons de cette société et d'autre part le modèle de flacon de la société BPI sera amenée à considérer par une impression d'ensemble qu'il existe une très nette ressemblance entre tous, d'où un risque de confusion constitutif d'une contrefaçon comme l'a retenu le jugement.

Le modèle numéro 462 612 1-1 de la société BPI est une variante du modèle numéro 462 613 2-2 en ce sens qu'il est de couleur bleutée et non de couleur noire ; la combinaison du flacon en forme de buste masculin nu, musclé et sans bras, et de cette couleur bleutée qui n'est pas habituelle pour un buste humain, caractérise une originalité d'ensemble justifiant la validité du dépôt précité.

C'est par suite à bon droit que le Tribunal a débouté la société Z. de sa demande en nullité des 2 modèles déposés le 25 avril 1994, et a retenu une contrefaçon des flacons de cette société au préjudice de la société BPI.

Sur la marque numéro 95 587 225 :

Celle-ci est constituée, aux termes mêmes de son dépôt par la société BPI du 7 septembre 1995 renouvelé le 3 août 2005, par un flacon vu de 3/4, évoquant un corps masculin de couleur bleu translucide, dont la partie au-dessus de la taille est assortie de bandes blanches ; élément supérieur [bouchon pulvérisateur] argent; ces bandes au nombre de 8 alternent avec 7 bandes de la même couleur (noire) que le reste du flacon, à l'exception de son élément argenté. L'élément primordial de la marque, dans la mesure où le dépôt numéro 94 2417 précité représente un buste masculin nu, musclé et sans bras, est cette alternance de bandes noires et blanches qui habillent ce buste à la façon d'une marinière, et ajoute à celui-ci une partie inhabituelle, spécifique et par suite distinctive.

Dans aucun des 5 flacons litigieux de la société Z. que sont BLUE FOR MEN, MEN IN BLACK, MAN IN BLACK, COOL MAN et MUSK MAN le buste masculin nu, musclé et sans bras n'est habillé par un vêtement de type marinière ou autre, ni même agrémenté par une alternance de bandes de couleurs différentes. Il en résulte que pour une personne d'attention moyenne l'impression d'ensemble dégagée par ces flacons ne permet pas de les rattacher au, ni de les confondre avec le, flacon de la société BPI objet du dépôt de marque.

Le jugement est en conséquence confirmé pour avoir écarté la contrefaçon de la marque de la seconde société par les produits de la première.

Sur le préjudice et les mesures accessoires :

Les flacons litigieux ont été retenus en Douane avant d'être commercialisés par la société Z., et la société BPI ne démontre pas que celle-ci a précédemment procédé à une commercialisation de flacons semblables ; le préjudice commercial a donc justement été écarté par le Tribunal de Grande Instance.

Par contre lesdits flacons, en très grand nombre puisque la retenue douanière a porté sur 20 064 d'entre eux, ont causé à la société BPI un préjudice moral important pour atteinte à son modèle déposé le 25 avril 1994, d'autant que celui-ci protège le parfum LE MALE de Monsieur Jean-Paul G. qui tous deux bénéficient d'une notoriété et d'un prestige d'envergure; c'est par suite à juste titre que le jugement a chiffré le préjudice à la somme de 40 000 € 00, et aucun élément ne permet aux parties ni à la Cour de modifier ce montant.

Les mesures d'interdiction et de confiscation décidées par le Tribunal de Grande Instance sont les plus adéquates pour empêcher la commercialisation par la société Z. de plusieurs milliers de produits contrefaisants. Celle de la publication du jugement est justifiée en outre par la nécessité d'informer le public et les professionnels du commerce de parfum de l'existence d'auteurs d'actes de contrefaçon même en l'absence de vente effective. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur ces mesures.

DECISION

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Infirme le jugement du 17 janvier 2013 pour avoir :

* dit que la S.A.R.L. Z. ET FILS s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque semi-figurative numéro 95 564 538 déposée le 24 mars 1995 par la S.A. BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL ;

* décidé que les flacons MUSK MAN et MAN IN BLACK de la première société ne sont pas une contrefaçon du modèle numéro 94 2417 avec pour sous-numéros 462 612 1-1 et 462 613 2-2 déposé le 25 avril 1994 par la seconde.

Confirme tout le reste du jugement.

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile condamne la S.A.R.L. Z. ET FILS à payer une indemnité de 10 000 € 00 à la S.A. BEAUTE PRESTIGE INTERNATIONAL au titre des frais irrépétibles d'appel.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne la S.A.R.L. Z. ET FILS aux dépens d'appel comprenant les frais de saisie contrefaçon de Maître D. et de Maître E. des 16, 23 et 27 juillet 2010, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.