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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 26 juin 2014, n° 13/01069

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Milleron (SARL)

Défendeur :

SCP Veronique Thiebaut (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Mole

Avocats :

Me Seutet, Me Gerbay

T. com. Dijon, du 28 mai 2013

28 mai 2013

La SARL Milleron, ayant une activité de charcuterie-traiteur à Dijon, a été placée en redressement judiciaire le 13 mars 2012.

Par jugement du 28 mai 2013, le Tribunal de Commerce de Dijon a arrêté le plan de redressement par voie de continuation de la SARL Milleron, considérant que le plan proposé reste fragile mais peut aboutir au redressement de l'entreprise en fonction des évolutions conjoncturelles.

Le plan d'apurement ainsi adopté prévoit le paiement dès homologation du plan, sans remise ni délai, des créances inférieures à 300 € et des créances superprivilégiées et, pour le passif chirographaire et privilégié, le paiement selon une option :

- n° 1 : remboursement de 60 % de la créance sur 5 ans par dividendes annuels et progressifs, sans intérêt, de 10 % en 2014, 2015 et 2016, de 15 % en 2017 et 2018,

- n° 2 : remboursement de 100 % de la créance sur 10 ans, par dividendes annuels et progressifs, sans intérêt, de 5 % en 2014 et 2015, 10 % en 2016, 2017 et 2018, 11 % en 2019 et 2020, 12 % en 2021 et 2022 et 14 % en 2023.

Le tribunal a « dit que les versements faits par la SARL Milleron auront lieu mensuellement entre les mains du commissaire à l'exécution du plan, le 1er versement intervenant dès le jugement d'homologation du plan » et dit que les créanciers n'ayant pas répondu à la consultation du mandataire dans le délai de 30 jours à compter de la réception de la lettre recommandée seront soumis à l'option n° 1, tandis que pour ceux n'acceptant ni délai ni remise, le tribunal a imposé les délais uniformes de paiement prévus à l'option n° 2.

Par déclaration formée le 6 juin 2013, la SARL Milleron a régulièrement interjeté appel du dit jugement.

Par ses dernières écritures du 11 juillet 2013, la SARL Milleron demande à la Cour, vu l'article L-626-10 du Code de Commerce, de :

- Réformer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a dit que "Les versements faits par la SARL Milleron auront lieu mensuellement entre les mains du Commissaire chargé de veiller à l'exécution du plan, le premier versement audit mandataire judiciaire intervenant dès le jugement d'homologation du plan',

Statuant à nouveau,

- Dire que les dividendes seront payables aux créanciers à la date anniversaire du plan, et la première échéance sera versée un an après le jugement homologuant le plan,

- Confirmer le jugement en ses autres dispositions.

L'appelante soutient que le tribunal en violation de l'article L-626-10 du Code de Commerce a modifié un élément essentiel du plan, à savoir les modalités d'apurement du passif, et ce en imposant des versements mensuels entre les mains du commissaire à l'exécution du plan contrairement à ce qui était prévu dans les propositions de plan, de sorte qu'une charge supplémentaire lui est imposée, venant remettre en cause l'économie même du plan, et que le tribunal a dénaturé le plan construit sur un versement annuel. Elle indique ainsi que 'un versement mensuel, dès homologation, grèverait de manière significative la trésorerie de la société et remettrait en question la faisabilité même du plan'.

Par ses dernières écritures du 30 septembre 2013, la SCP D... C.…, prise en la personne de Maître D... C..., mandataire judiciaire, ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Milleron, conclut à la confirmation du jugement entrepris et réclame le paiement de la somme de 600 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile destiné à couvrir les honoraires de postulation ainsi que la condamnation de l'appelante aux dépens incluant les frais de timbre.

Le mandataire intimé, tout en s'estimant perplexe quant au possible respect du plan, réplique que le plan repose sur un dividende annuel, conforme aux propositions de la société débitrice, de sorte que les modalités de règlement des dividendes aux créanciers n'ont pas été modifiées ; que le tribunal a certes ajouté des versements mensuels à faire auprès du commissaire à l'exécution du plan, sans toutefois en préciser le montant. L'intimé observe que la société débitrice n'a pas donné suite à sa proposition d'un versement mensuel de 4 194 € pendant 10 mois et n'a de fait réglé que les créances inférieures à 300 €.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2014.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Lors des débats, la Cour a interrogé les parties sur le paiement du premier dividende annuel, venant à échéance avec le premier anniversaire du plan arrêté le 28 mai 2013, et autorisé la production en cours de délibéré du justificatif de ce paiement.

Par note du 5 juin 2014 transmise en cours de délibéré, Maître C.… précise que le dividende n'a pas été réglé à la date anniversaire du plan en dépit du courrier adressé à la SARL Milleron le 19 mai 2014.

SUR CE :

Attendu que conformément à l'article L-626-10 du Code de Commerce ' rendu applicable à la procédure de redressement judiciaire par l'article L-631-9 du même code ' , le plan mentionne l'ensemble des engagements qui ont été souscrits par les personnes tenues de l'exécuter et qui sont nécessaires à la sauvegarde de l'entreprise, ces engagements portant notamment sur le règlement du passif soumis à déclaration ainsi que s'il y a lieu les garanties fournies pour en assurer l'exécution ; que le dernier alinéa de cet article précise que 'les personnes qui exécuteront le plan... ne peuvent se voir imposer des charges autres que les engagements qu'elles ont souscrits au cours de sa préparation' ;

Attendu qu'en l'espèce le jugement ayant en date du 28 mai 2013 arrêté le plan de continuation au bénéfice de la SARL Milleron a décidé dans son dispositif que 'les dividendes seront payables aux créanciers à la date anniversaire du plan, et la première échéance sera versée un an après le jugement homologuant le plan', ce qui était parfaitement conforme aux propositions d'apurement présentées par la société débitrice ; que cette disposition répond à la détermination des engagements du débiteur portant sur le règlement du passif visés par l'article L-626-10 précité ;

Attendu que la société appelante ne peut sérieusement soutenir que le tribunal a dénaturé le plan qui lui était soumis et a imposé à la société débitrice des charges supplémentaires non souscrites par le débiteur, en décidant la constitution du dividende annuel entre les mains du mandataire par des versements effectués mensuellement par la société débitrice ; qu'en effet d'une part, cette modalité concerne exclusivement la constitution du dividende annuel qui est bien servi annuellement aux créanciers comme prévu dans les propositions de plan, sans qu'il n'y ait là la moindre modification des modalités de règlement du passif soumis à déclaration ; que d'autre part, ainsi que le fait observer avec pertinence le mandataire intimé, aucun montant n'a été spécifié et il n'a pas été fait obligation à la société débitrice de verser chaque mois un douzième du dividende annuel, de sorte que la SARL Milleron était parfaitement libre de verser par mois la somme qu'elle estimait adaptée à son rythme d'activité et aux fluctuations de chiffre d'affaires qu'elle peut rencontrer au cours d'une année, quitte à ne verser même certains mois que un euro ; qu'il s'ensuit que loin de constituer une charge supplémentaire, cette précision apportée par le tribunal constituait une simple mesure de précaution dans l'intérêt même de la société débitrice afin de lui faciliter l'exécution du plan à laquelle la SARL Milleron est tenue précisément par application de l'article L-626-10 du Code de Commerce, et donc de lui faciliter le règlement du dividende annuel ; que la pertinence de cette mesure décidée par le tribunal, qui avait relevé lors de l'homologation du plan la fragilité du plan proposé ainsi que le souligne d'ailleurs la société appelante, apparaît d'autant moins discutable au vu du constat qui doit être fait de la défaillance de la SARL Milleron dans le paiement du premier dividende annuel, lequel devait être réglé pour les créanciers au 28 mai 2014 ;

Attendu que la SARL Milleron n'est donc pas fondée en son appel, lequel sera rejeté, le jugement entrepris étant confirmé ;

Attendu que l'équité ne commande pas la mise en oeuvre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Attendu que la société appelante qui succombe sur son appel doit être condamnée aux entiers dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

Déclare la SARL Milleron recevable mais mal fondée en son appel ; l'en déboute ;

Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de Dijon du 28 mai 2013 ;

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamne la SARL Milleron aux entiers frais et dépens d'appel.