Cass. com., 14 février 2018, n° 16-16.013
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Boullez, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 25 février 2016), que la société Iso Sud s'est rendue caution des obligations de la société Iso Plas, envers la société Deceuninck, son fournisseur ; que l'acte de caution prévoyait également qu'en garantie de cet engagement, et en cas de demande d'exécution de celui-ci, la caution s'obligeait, sur simple demande du créancier, de plein droit et sans délai, à lui céder les créances qu'elle détiendrait dans son compte client, à concurrence du montant garanti ; qu'ayant obtenu la condamnation judiciaire de la société Iso Sud en paiement d'une certaine somme au titre de la cession de créances après demande d'exécution de l'engagement de caution, la société Deceuninck a déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de la société Iso Sud ; que les organes de la procédure collective ont formé appel du jugement de condamnation de la société Iso Sud ;
Attendu que la société Deceuninck fait grief à l'arrêt d'annuler l'engagement de caution souscrit par la société Iso Sud en garantie des engagements de la société Iso Plas envers elle, et, par voie de conséquence, l'acte de cession de créances signé pour son exécution et de rejeter ses demandes formées contre la société Iso Sud alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article L. 227-6, alinéa 2, du code de commerce, lequel doit être mis en oeuvre à la lumière de celles de l'article 10 de la directive 209/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, ayant codifié la première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, que, serait-elle établie, la contrariété à l'intérêt social ne constitue pas, par elle-même, une cause de nullité des engagements souscrits par le représentant légal d'une société anonyme en forme simplifiée à l'égard des tiers ; qu'en annulant le cautionnement souscrit par la société Iso Sud en garantie des dettes contractées par la société Iso Plas, en raison de sa contrariété à l'intérêt social, dès lors qu'il l'exposerait à perdre tout moyen de poursuivre son activité et à compromettre sa pérennité, en la privant de la quasi-totalité de son actif circulant, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
2°/ que le cautionnement souscrit par une société entre indirectement dans son objet social lorsqu'elle est unie à la société cautionnée par une communauté d'intérêt ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que la société Iso Plas et la société Iso Sud étaient unies par un « intérêt commun de voir se poursuivre les approvisionnements par la société Deceuninck des profilés permettant à la société Iso Plas de poursuivre sa production conditionnant l'activité de la société Iso Sud » ; qu'en affirmant que, même en considération de l'organisation du groupe, le cautionnement de la société Iso Plas n'entrait pas dans l'objet social de la société Iso Sud, son associé unique, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il ne pouvait pas être rattaché à son objet social en raison de la communauté d'intérêts existant entre la caution et le débiteur cautionné, la cour d'appel a violé l'article L. 227-6, alinéa 2, du code de commerce ;
3°/ que la SAS est engagée par les actes de ses dirigeants, quand bien même ils ne répondraient pas à l'objet social, sauf à rapporter la preuve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve ; qu'en décidant que la société Deceuninck ne pouvait ignorer que le cautionnement de la société Iso Plas n'entrait pas dans l'objet social de la société Iso Sud, son associé unique, « compte tenu de sa connaissance du groupe, de l'ancienneté des relations commerciales tant avec la société Huis Clos qu'avec la société Iso Plas, et de ce qu'elle était actionnaire de la société Huis Clos, elle-même associé unique de la société Iso Sud », la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à établir que la société Deceuninck avait une connaissance précise et circonstanciée de l'objet de la société Iso Sud ; qu'ainsi elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 227-6, alinéa 2, du code de commerce ;
4°/ que le silence opposé à l'affirmation d'un fait n'emporte pas reconnaissance de ce fait ; qu'en relevant que la société Deceuninck ne conteste pas qu'elle n'ignorait pas que le cautionnement de la société Iso Plas dépassait l'objet social de la société Iso Sud, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que les sociétés Iso Plas et Iso Sud étaient liées, au sein du groupe dont elles faisaient partie, par un intérêt commun à voir se poursuivre les approvisionnements, par la société Deceuninck, de la société Iso Plas, permettant ainsi à celle-ci de poursuivre sa production conditionnant l'activité de vente de la société Iso Sud ; qu'il retient qu'il n'entrait pas néanmoins dans l'objet social de cette dernière, même en considération de l'organisation du groupe, de cautionner les engagements de la société Iso Plas, son associé unique ; qu'il estime que la société Deceuninck, compte tenu de sa connaissance du groupe, de l'ancienneté de ses relations commerciales tant avec la société Huis Clos qu'avec la société Iso Plas, et de ce qu'elle était actionnaire de la société Huis Clos, actionnaire unique de la société Iso Plas, elle-même associée unique de la société Iso Sud, ne pouvait l'ignorer ; que l'arrêt retient encore que l'engagement de caution pour toutes créances de la société Deceuninck sur la société Iso Plas, qui devait s'exécuter obligatoirement sur simple demande de la société Deceuninck, de plein droit et sans délai, par la cession, à due concurrence du montant cautionné, de toutes les créances détenues par la société Iso Sud dans son compte client, s'entendant comme l'ensemble des droits détenus par elle à la date de la signature ainsi que tous droits futurs relatifs à ses créances, revenait à exposer la société Iso Sud, qui avait des capitaux propres négatifs et ne disposait d'aucun actif autre que ses créances, à la privation immédiate de la quasi-totalité de son activité circulant et ainsi à lui faire perdre tout moyen de poursuivre son activité et à compromettre sa pérennité et était ainsi contraire à son intérêt social ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, c'est sans se fonder sur la seule contrariété à l'intérêt social de la société Iso Sud de l'engagement pris par elle, et en ayant procédé à la recherche invoquée à la deuxième branche dont elle a souverainement déduit que l'intérêt commun des deux sociétés au maintien des approvisionnements de la société Deceuninck en faveur de la société Iso Plas n'avait pas fait entrer le cautionnement litigieux dans l'objet social de la société Iso Sud, que la cour d'appel a décidé, après avoir caractérisé la connaissance qu'avait la société Deceuninck du dépassement de l'objet social que constituait cet engagement de la société Iso Sud, que ce dernier était nul à son égard ; que le moyen, inopérant en sa quatrième branche qui critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.