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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 9 avril 2002, n° 2001/20575

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Simgar (SA)

Défendeur :

Conseil des marchés financiers, Commission des opérations de bourse

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

M. Lacabarats, M. Le Dauphin

Avoué :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocat :

Me Veil

CMF, du 20 nov. 2001, n° 2001C1380

20 novembre 2001

La société Louis Dreyfus Citrus est une société anonyme au capital de 85 millions d'euros, filiale de la société de portefeuille Simgar, elle-même contrôlée par la société Louis Dreyfus et Cie.

Cette société est cotée sur le second marché d'Euronext Paris SA, l'introduction en bourse s'étant faite en 1996, au prix de 27 euros par action.

L'activité quasiment unique de la société Louis Dreyfus Citrus est la transformation en jus d'orange concentré, dans des usines implantées au Brésil et, depuis 1996, en Floride, d'oranges, pour l'essentiel achetées à des producteurs locaux. Louis Dreyfus Citrus est le troisième producteur mondial de jus d'orange concentré. La société commercialise ce produit, lequel constitue la matière de presque toutes les formes de jus d'orange au détail, auprès d'embouteilleurs et de grossistes, en Amérique du Nord, en Europe et sur les marchés asiatiques. Son chiffre d'affaires, au titre des exercices clos les 30 juin 1999, 30 juin 2000 et 30 juin 2001 s'élevait, respectivement, à 349, 480 et 386 millions d'euros.

Le 18 juillet 2001, la Société Générale, agissant au nom et pour le compte de la société Simgar, qui détenait alors 7.515.988 actions Louis Dreyfus Citrus, représentant 70,67% du capital et 82,2% des droits de vote, a saisi le CMF d'un projet d'offre publique d'achat simplifiée au prix de 14 euros par action Louis Dreyfus Citrus.

La société initiatrice précisait que, dès la clôture de l'offre, elle déposerait, si elle détenait 95% du capital et des droits de vote, un projet d'offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire visant les actions Louis Dreyfus Citrus en application des dispositions des articles 5-6-3 et 5-7-1 du règlement général du Conseil des marchés financiers.

En prévision de cette opération, la société Simgar avait versé au dossier l'attestation d'un expert, le cabinet Didier Kling & Associés, représenté par M. Kling, à qui elle avait demandé d'apprécier l'évaluation des actions Louis Dreyfus Citrus réalisée par la Société Générale, le CMF ayant donné son accord sur le choix de cet expert et la Commission des opérations de bourse n'ayant pas fait usage de son droit d'opposition.

M. Kling concluait à l'équité du prix proposé pour les actions Louis Dreyfus Citrus et approuvait les critères d'évaluation retenus par la Société Générale, c'est-à-dire essentiellement les cours de bourse et l'actualisation des flux de trésorerie futurs, la référence à l'actif net comptable étant écartée.

Par décision n° 201C00949 du 27 juillet 2001, le CMF a déclaré recevable le projet d'offre publique d'achat simplifiée visant les actions Louis Dreyfus Citrus au prix unitaire de 14 euros par action.

La décision mentionnait cependant qu'elle ne portait que sur l'offre publique d'achat simplifiée et que l'initiateur ayant fait part de son intention de déposer un projet d'offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire au prix de 14 euros par action Louis Dreyfus Citrus, s'il obtenait au moins 95 %du capital et des droits de vote de la société, il appartiendrait au Conseil le cas échéant d'examiner, en application des articles 5-6-3 et 5-7-1 de son règlement général, la recevabilité d'un tel projet d'offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire.

Le 31 juillet, la Commission des opérations de bourse a apposé son visa sur la note d'information.

A la clôture de l'offre publique d'achat simplifiée, ouverte du 6 août au 14 septembre 2001, la société Simgar détenait 97,48% du capital et 98,53% des droits de vote de la société Louis Dreyfus Citrus.

Après que le CMF eut, le 4 octobre 2001, agréé le cabinet Détroyat Associés, substitué au cabinet Didier Kiing & Associés en qualité d'expert indépendant chargé de porter une appréciation, ce qu'il a fait le 24 octobre 2001, sur l'évaluation des actions Louis Dreyfus Citrus réalisée par la Société Générale, laquelle a mis à jour, en octobre 2001, sa précédente évaluation, cette banque, agissant pour le compte de la société Simgar, a, le 31 octobre 2001, déposé un projet d'offre publique de retrait visant lesdites actions au prix unitaire de 14 euros, suivie d'un retrait obligatoire dès la clôture de l'offre publique de retrait quel qu'en soit le résultat.

Par décision n° 201C1380 en date du 20 novembre 2001, publiée le 23 novembre 2001 au Bulletin officiel du Conseil des marchés financiers, le Conseil a décidé "de ne pas prononcer la recevabilité du projet qui lui a été soumis".

Après avoir analysé, pour en faire apparaître la substance, les travaux de l'évaluateur et ceux de l'expert indépendant, concluant au caractère équitable du prix de 14 euros par action proposé, le Conseil s'est exprimé en ces termes

"Dans le cadre des articles 5-1-9 du Règlement général, le Conseil a examiné le projet d'offre accompagné du rapport d'évaluation et du rapport de l'expert.

"Il a relevé que le prix proposé faisait apparaître une décote de 43 % par rapport au montant des capitaux propres au 30 juin 2001 (24,6 euros par action avant versement du dividende), pourcentage en augmentation par rapport au 30 juin 2000. Ce montant intègre des écarts de conversion à hauteur de 8,2 euros par action au 30 juin 2001. Le Conseil a considéré que :

- la fixation du prix d'offre à 14 euros revient de facto à ne pas tenir compte de cette composante des capitaux propres, alors qu'elle ne peut être omise de manière indiscutable dans la présente approche de valorisation de la société, le motif que seule la cession des actifs correspondants permettrait de l'appréhender n'étant pas suffisant pour lui ôter tout caractère significatif au cas d'espèce ;

- s'il ne peut être nié que l'insuffisance de la rentabilité de la société est génératrice d'un "badwill", extériorisé par l'actualisation des flux futurs, la volatilité de ses résultats et sa situation particulière de bas de cycle, traduites notamment par l'impossibilité de dégager une valorisation par les méthodes analogiques, font en l'espèce peser une incertitude sur le caractère pertinent de l'écart entre le prix d'offre et le montant des capitaux propres consolidés par action.

"Pour ces motifs et à raison du retrait obligatoire devant intervenir à l'issue de l'offre publique de retrait et quel qu'en soit le résultat, le Conseil a décidé de ne pas prononcer la recevabilité du projet qui lui a été soumis".

La cour ;

Vu le recours formé le 3 décembre 2001 par la société Simgar, ayant pour objet de "voir prononcer la réformation et, subsidiairement, l'annulation"

de la décision n° 201C1380 du Conseil des marchés financiers ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens de la requérante, déposé

le 31 décembre 2001, dans le délai fixé à l'article 4 du décret n° 96-869 du 3 octobre 1996 relatif aux recours exercés devant la cour d'appel de Paris contre les décisions du Conseil des marchés financiers, par lequel la société Simgar demande à la cour

- à titre principal,

. de dire et juger la décision du Conseil des marchés financiers illégale,

. d'évoquer et, en conséquence,

. de statuer sur son projet d'offre de retrait suivie d'un retrait obligatoire,

. de prononcer la recevabilité du projet,

- à titre subsidiaire,

. de dire que la décision du Conseil des marchés financiers est irrégulière,

· en conséquence, de la réformer et de prononcer la recevabilité du projet,

- à titre infiniment subsidiaire,

. de dire que la décision du Conseil des marchés financiers est irrégulière et, en conséquence, d'en prononcer l'annulation ;

Vu les observations déposées le 4 février 1982 par le Conseil des marchés financier tendant au rejet du recours ;

Vu les observations déposées le 11 février 1982 par la Commission des opérations de bourse, tendant au rejet du recours ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 7 mars 2002 par la société Simgar ;

Vu les conclusions du représentant du ministère public tendant au rejet du recours, mises à la disposition de la requérante avant l'ouverture des débats ;

Sur ce

Considérant que la société Simgar fait en premier lieu valoir qu'en décidant de "ne pas prononcer la recevabilité du projet qui lui a été soumis", le Conseil des marchés financiers a pris une décision illégale ; qu'en effet, il résulte de cette formule que le Conseil, pourtant tenu d'épuiser sa compétence, ne s'est pas prononcé puisque ne pas prononcer la recevabilité, c'est également ne pas prononcer l'irrecevabilité et que ne prononcer ni la recevabilité, ni l'irrecevabilité, c'est ne pas se prononcer ;

Mais considérant que s'il eût été préférable que le Conseil donnât un tour positif à la formulation de sa décision, il n'en a pas moins décidé, sans que les termes utilisés laissent subsister aucun doute sur ce point, de déclarer irrecevable le projet d'offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire visant les actions de la société Louis Dreyfus Citrus, tel qu'il lui a été soumis, et a, ainsi, épuisé sa saisine ; que le moyen n'est pas fondé ;

Considérant que la requérante soutient, en deuxième lieu, que la décision déférée est entachée d'un défaut de motivation ; que ce vice serait, en l'occurrence, caractérisé par l'inexistence d'un motif permettant de comprendre la portée de l'affirmation selon laquelle les arguments de l'évaluateur et des experts n'ont pas ôté tout caractère significatif à cette composante des capitaux propres que constituent les écarts de conversion, l'emploi d'un motif dubitatif quant à la pertinence de la décote sur l'actif net comptable, l'absence de réponse aux arguments de la banque évaluatrice et des deux experts et l'absence d'explicitation des raisons pour lesquelles d'une part l'insuffisance alléguée au regard du critère de l'actif net neutraliserait les primes incontestablement extériorisées sur les autres critères et, d'autre part, le critère de l'actif net serait incontournable en l'espèce ;

Mais considérant que le Conseil, qui n'était pas tenu de répondre aux arguments de la banque évaluatrice non plus qu'à ceux de l'expert chargé d'apprécier son évaluation, et qui n'a pas recouru à des motifs dubitatifs, a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision et qui permettent aux intéressés d'en connaître le sens et la logique et à la juridiction de recours d'en contrôler la régularité et le bien-fondé ; qu'il s'ensuit que les critiques ci-dessus rappelées ne peuvent qu'être écartées ;

Considérant que la société Simgar fait en outre valoir que la décision du CMF caractérise une violation de la loi ; que la requérante expose qu'alors que le caractère équitable et légitime du prix du retrait obligatoire doit s'apprécier à l'aune d'une analyse multi-critères, la décision déférée est fondée sur l'analyse erronée d'un seul critère, celui de l'actif net comptable, au surplus dépourvu de pertinence, ainsi que l'ont mis en évidence les travaux de la banque évaluatrice, l'avis du cabinet Kling, celui - exceptionnellement circonstancié - de l'expert indépendant et enfin les conclusions des services du Conseil ; que la société Simgar ajoute que le critère retenu par le Conseil n'est pas non plus équitable dès lors qu'aucun événement nouveau n'est intervenu depuis la date de clôture de l'offre publique d'achat et que rien ne justifie que le prix offert aux minoritaires résiduels à l'occasion de la procédure de retrait obligatoire soit différent du prix payé aux actionnaires qui ont répondu favorablement à l'offre publique d'achat ;

Considérant que selon les dispositions de l'article L. 434 § II du Code monétaire et financier, en cas de mise en oeuvre d'une procédure de retrait obligatoire, l'évaluation des titres, effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs tient compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité ; que l'indemnisation est égale, par titre, au résultat de l'évaluation précitée ou, s'il est plus élevé, au prix proposé lors de l'offre ou de la demande de retrait ;

Que ces principes d'évaluation sont rappelés par l'article 5-7-1 du règlement général du Conseil des marchés financiers, lequel ajoute que le Conseil examine le projet d'offre dans les conditions prévues par l'article 5-1-9 dudit règlement général ;

Qu'il y a donc lieu, en vue de parvenir à la fixation d'une indemnisation équitable par l'initiateur de l'offre, d'appliquer, selon une pondération appropriée à l'espèce, une pluralité de critères connus, objectifs et significatifs, en écartant, le cas échéant, les critères non pertinents ou en retenant au contraire des méthodes de valorisation non visées par le législateur mais de nature à conduire à une juste évaluation de l'entreprise en cause ;

Considérant que pour évaluer les actions Louis Dreyfus Citrus, la Société Générale a retenu à titre principal le cours de bourse et la méthode de l'actualisation des flux futurs de trésorerie disponibles et, à titre secondaire, les méthodes analogiques, à savoir les comparaisons boursières et l'analyse des transactions comparables ; que la banque évaluatrice a écarté le critère de l'actif net;

Considérant, s'agissant de la référence au cours de bourse, que l'évaluateur observe que compte tenu du niveau satisfaisant de liquidité existant avant l'OPAS, le cours de bourse de l'action Louis Dreyfus Citrus constitue un élément d'appréciation pertinent ; qu'il observe que le dernier cours coté, le 18 juillet 2001, était de 10 euros et que les moyennes des cours de bourse pondérées par les volumes échangés s'établissent à 9,6 euros sur une période d'un mois et à 11,7 euros sur une période d'un an ;

Considérant, s'agissant des méthodes d'évaluation, que la Société Générale indique que la méthode des comparables boursiers aboutit à une fourchette de valorisation très large et que l'application de cette approche analogique au cas de Louis Dreyfus Citrus a "une signification limitée", étant donné qu'il n'existe pas de sociétés cotées réellement comparables à celle-ci ; que selon l'évaluateur, la méthode des transactions comparables ne permet pas de valoriser correctement la société, en raison notamment de la difficulté de constituer un échantillon de référence significatif ;

Que la banque évaluatrice ajoute que "dans ce contexte, la seule méthode pertinente", indépendamment de la référence au cours de bourse, lui paraît être l'actualisation des flux futurs de trésorerie disponibles ; qu'elle relève que cette méthode, qui permet, précise-t-elle, d'apprécier la valeur intrinsèque de Louis Dreyfus Citrus en tenant compte de l'évolution attendue des résultats du groupe à moyen et long termes, a été mise en oeuvre à partir des prévisions opérationnelles du business plan couvrant la période 2001/022005/06, élaboré par la direction de la société Louis Dreyfus Citrus, que ce plan tient compte, notamment, de l'acquisition, en septembre 2001, de l'outil de production de la société Caulkins, et qu'il prévoit, s'agissant des conditions de marché, après un exercice 2000/01 perturbé, un redressement à la fin de l'exercice 2001/02 grâce à une remontée des cours du concentré et à un retour à des récoltes normales d'oranges, les données retenues à partir de l'exercice 2002/03 étant celles d'une année moyenne (moyenne entre années "bas et haut" de cycle) en termes de rentabilité et de niveau de stocks ; que l'évaluateur retient un taux d'actualisation correspondant au coût moyen pondéré du capital de Louis Dreyfus Citrus de 8,9% ;

Considérant que l'application à Louis Dreyfus Citrus de la méthode d'actualisation des flux de trésorerie fait ressortir, selon l'évaluateur, une valeur par action comprise entre 11,1 et 15,7 euros et conduit à une valeur centrale de 14,6 euros par action ;

Considérant que l'évaluateur a écarté le critère de l'actif net comptable et réévalué ; qu'il fait observer, sur ce point, qu'il n'y a pas lieu de procéder à une réévaluation des éléments d'actifs corporels, ceux-ci étant liés à l'exploitation et ne pouvant faire l'objet de cession sans affecter le fonctionnement de la société, que par ailleurs, sur un plan méthodologique, l'actif net réévalué ne permet pas de tenir compte de manière satisfaisante des différences de rentabilité susceptibles d'exister entre deux entreprises présentant le même niveau de capitaux investis et que le fait d'intégrer dans cette méthode une mesure de la rentabilité en corrigeant l'actif net de Louis Dreyfus Citrus d'un badwill égal à la somme actualisée des écarts constatés entre le rendement réel des capitaux engagés et le coût moyen pondéré de son capital n'apporterait pas d'éléments de confort complémentaires par rapport à la méthode prospective de l'actualisation des flux de trésorerie, ce qui se vérifie en l'espèce puisque la valeur de l'action s'établit, après imputation d'un badwill, à 15 euros, soit un montant très proche de celui issu de l'actualisation des flux d'exploitation disponibles ;

Considérant que le rejet de ce critère est apparu bien-fondé au Cabinet Détroyat Associés ; que l'expert note qu'il est généralement admis que, pour une société industrielle, c'est l'actualisation des cash-flows disponibles qui permet d'appréhender le plus justement sa valeur ; qu'il juge que la décote que fait ressortir le prix de 14 euros par action par rapport à l'actif net comptable consolidé de Louis Dreyfus Citrus n'est pas un obstacle à l'opération de retrait obligatoire dans la mesure où, dans une optique de continuité de l'exploitation, l'écart entre la valeur de la société et son actif net comptable s'explique économiquement par l'existence d'un badwill, découlant d'une rentabilité inférieure à celle exigée par les investisseurs pour une société de ce type, et qui est constaté pour toutes les entreprises ayant cette caractéristiques, principalement dans les industries de première transformation, le niveau élevé de cette décote étant accentué par l'importance des écarts de conversion provenant du niveau élevé du dollar par rapport à l'euro, élément exogène dont les actionnaires ne peuvent bénéficier qu'en cas de liquidation des actifs, ce qui suppose de prendre en compte les coûts correspondant à l'arrêt complet de l'activité ;

Considérant que selon l'expert indépendant, la méthode des comparaisons boursières doit être pareillement rejetée, en raison de l'impossibilité de composer un échantillon de sociétés directement comparables à Louis Dreyfus Citrus ;

Qu'il qualifie de faible la valeur de la méthode des transactions comparables dès lors qu'elle ne permet pas de prendre réellement en considération les effets de cycle, partant la volatilité, propres au secteur auquel appartient Louis Dreyfus Citrus ;

Que sur la base de l'actualisation des flux disponibles, et en utilisant les hypothèses du business plan, l'expert parvient à une valorisation de l'action plus faible que celle avancée par l'évaluateur car il estime que la prime de risque du second marché retenue par ce dernier pour déterminer le taux d'actualisation devrait se situer à un niveau plus élevé (5,93% contre 4,30%) dans le cas de la société Louis Dreyfus Citrus ;

Que l'expert retient le critère du cours de bourse et note que le taux de réponse à l'offre précédente (plus de 90% du flottant apporté à l'offre) constitue une référence forte pour la présente offre ;

Considérant qu'en conclusion de son attestation, Détroyat Associés retient que le prix de 14 euros par action, se situant dans le haut de la fourchette de valeurs ressortant de l'actualisation des cash-flows et offrant des primes comprises entre 33% et 44% sur les moyennes des cours de bourse de 1 mois à 6 mois ayant précédé l'offre publique d'achat simplifiée, est équitable pour les actionnaires minoritaires ;

Considérant que le Conseil des Marchés financiers, qui a analysé le rapport de l'évaluateur et l'attestation de l'expert indépendant, n'a pas dénié la pertinence de l'application de la méthode de l'actualisation des flux futurs de trésorerie disponibles et de la référence au cours de bourse ; que c'est donc à tort que la requérante fait grief au Conseil de s'être fondé sur l'analyse d'un seul critère ;

Et considérant, en premier lieu, que c'est sans méconnaître les textes et les principes ci-dessus énoncés que le Conseil a estimé qu'en l'espèce l'exclusion du critère de l'actif net comptable consolidé n'était pas justifiée et que ce critère fondé sur la valeur patrimoniale de l'entreprise méritait d'être pris en considération en l'espèce pour les informations propres qu'il apportait sur l'appréhension de la valeur des actions de la société Louis Dreyfus Citrus en complément de l'approche fondée sur la mesure de la rentabilité retenue par 1' évaluateur, avec l'approbation de l'expert ;

Considérant qu'il convient de relever, à cet égard, d'abord, que l'activité et la rentabilité de la société Louis Dreyfus Citrus sont largement tributaires des aléas climatiques et des fluctuations du volume de production et du prix de la caisse d'oranges, de l'évolution du prix du jus d'orange, laquelle est, comme le relève la requérante "dictée par les soubresauts d'un marché qui se caractérise par une répartition de l'offre entre cinq acteurs, tous groupes familiaux (...), face à une demande, quant à elle, relativement inélastique", et du différentiel existant entre le prix de la matière première et celui du jus d'orange, qui n'évoluent pas nécessairement de manière linéaire ; que les effets de cycle inhérents aux caractéristiques de ce marché - rendant difficiles l'établissement de prévisions pour l'industrie du jus d'orange - se traduisent par une grande volatilité des résultats de la société Louis Dreyfus Citrus ; que celle-ci a atteint une situation de bas de cycle et que l'offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire a été initiée alors qu'elle était au plus bas de son cycle, les comptes de l'exercice 2000/01 faisant apparaître, pour la première fois depuis sa cotation, un résultat négatif ;

Considérant qu'après avoir rappelé que le cours de l'action Louis Dreyfus Citrus a connu une évolution nettement défavorable depuis son introduction en bourse en novembre 1996, Détroyat Associés relève que "cette évolution s'explique essentiellement par des résultats publiés nettement inférieurs à ceux qui pouvaient être anticipés alors et beaucoup plus volatils", mettant ainsi en évidence la corrélation entre le cours du titre et la rentabilité de Louis Dreyfus Citrus, exposée aux fluctuations précitées ; que la méthode de l'actualisation des flux futurs de trésorerie disponibles implique, quant à elle, une appréciation de la rentabilité de l'entreprise sur la base de prévisions à moyen terme et que si, comme le fait observer la requérante, et comme l'avait souligné l'expert indépendant, des éléments significativement favorables aux intérêts des actionnaires minoritaires ont été retenus pour la mise en oeuvre de cette méthode, il reste que celle-ci, prenant en compte à partir de l'exercice 2002/03 les données opérationnelles caractéristiques d'une "année moyenne entre bas et haut de cycle", est affectée par les effets, avérés, du bas de cycle traversé par Louis Dreyfus Citrus ;

Considérant, ensuite, qu'il n'a pas été possible de recouper la valorisation obtenue par l'actualisation des flux et la référence au cours de bourse par l'emploi de méthodes analogiques ;

Considérant, en outre, que l'actif net comptable consolidé au 30 juin 2001 valorisait l'action Louis Dreyfus Citrus (avant versement du dividende) à 24,6 euros, ce qui fait apparaître une décote atteignant 43% par rapport au prix proposé, ce pourcentage étant en augmentation par rapport au 30 juin 2000 ;

Considérant, encore, que la société Simgar ne démontre pas que le montant des capitaux propres consolidés n'a aucune influence sur la valeur de la société Louis Dreyfus Citrus ;

Considérant certes que la monnaie fonctionnelle du groupe Louis Dreyfus Citrus étant le dollar, tandis que ses comptes consolidés sont établis en euros, le montant précité de 24,6 euros par action intègre des écarts de conversion à hauteur de 8,2 euros par action au 30 juin 2001, que la dépréciation quasi continue de la monnaie européenne par rapport au dollar au cours de ces dernières années s'est traduite par une appréciation corrélative des capitaux propres de Louis Dreyfus Citrus et qu'ainsi le niveau élevé de l'actif net comptable repose en partie sur un élément exogène dont les actionnaires ne pourraient bénéficier qu'en cas de liquidation des actifs, étant observé que la société ne détient pas d'actifs qui ne seraient pas utilisés pour l'exploitation et que les éléments d'actifs ne recèlent pas de plus-values significatives, selon l'opinion concordante de l'évaluateur et de l'expert ; qu'il n'en demeure pas moins que les écarts de conversion sont une composante des capitaux propres et l'expression d'une valeur et que le prix proposé de 14 euros par action revient, en fait, comme le relève le Conseil, à ne pas tenir compte de cette valeur ;

Considérant par ailleurs que les informations relatives à la rentabilité de Louis Dreyfus Citrus étant déjà extériorisées par la méthode de l'actualisation des flux futurs de trésorerie et la référence au cours de bourse, le Conseil a pu estimer que la pertinence du retraitement de l'actif net comptable de la société Louis Dreyfus Citrus par l'imputation du badwill lié à l'insuffisance de cette rentabilité n'était pas établie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que loin de violer la règle selon laquelle l'appréciation du caractère équitable du prix du retrait obligatoire doit être fondée sur des critères multiples et pertinents, le Conseil des marchés financiers en a fait l'exacte application ;

Considérant, en second lieu, que la requérante reproche vainement à l'autorité de marché d'avoir, en l'absence d'élément nouveau entre l'offre publique d'achat simplifiée - déclarée recevable le 27 juillet 2001 au prix de 14 euros par action - et l'offre publique de retrait, méconnu le principe de l'égalité entre actionnaires dès lors que l'offre publique de retrait devait être suivie d'un retrait obligatoire, quel qu'en soit le résultat, et qu'au demeurant des circonstances nouvelles résultaient de la publication, en septembre 2001, des comptes annuels consolidés du groupe Louis Dreyfus Citrus au 30 juin 2001, faisant apparaître une augmentation, relevée par le Conseil, de la décote ci-dessus mentionnée par rapport aux comptes de l'exercice clos le 30 juin 2000 ainsi que de l'évolution de la conjoncture boursière liée aux événements du 11 septembre 2001, à l'origine de la cessation anticipée, intervenue le 12 septembre 2001, avant la clôture de l'offre publique d'achat, des effets de la convention conclue en juillet 2001 aux termes de laquelle des actionnaires minoritaires contestant le caractère équitable du prix de 14 euros par action et qui détenaient 5,64% du capital, s'étaient engagés à ne pas céder d'actions Louis Dreyfus Citrus sans les avoir proposées par préférence aux autres parties ;

Qu'il s'ensuit que le recours n'est pas fondé ;

Par ces motifs,

Rejette le recours ;

Condamne la société Simgar aux dépens.