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Décisions

Cass. com., 7 octobre 2020, n° 19-14.291

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Brahic-Lambrey

Avocat général :

Mme Henry

Avocat :

SCP Foussard et Froger

Bastia, du 13 févr. 2019

13 février 2019

Désistement partiel

1. Il y a lieu de donner acte à M. J... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Bastia. 

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 13 février 2019) et les productions, la SARL Promoco, dont M. J... était le gérant, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 16 janvier 2012 et 21 janvier 2013, M. A... étant désigné liquidateur. Celui-ci a assigné M. J... en responsabilité pour insuffisance d'actif.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. J... fait grief à l'arrêt de le condamner à supporter l'insuffisance d'actif, alors « que l'inopposabilité aux tiers des actes sujets à mention au registre de commerce et non publiés ne peut être invoquée s'agissant des faits et actes mettant en jeu la responsabilité personnelle du dirigeant ; qu'en retenant que la démission de M. J..., faute d'avoir été publiée, n'était pas opposable au mandataire social, pour condamner M. J... à supporter partiellement l'insuffisance d'actifs de la société Promoco, la cour d'appel a violé l'article L. 123-9 et L. 210-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt relève que M. A..., ès qualités, a contesté la démission alléguée. Il ajoute que postérieurement à celle-ci, réalisée le 6 août 2009 sur papier libre et non publiée, M. J... a représenté, en qualité de représentant légal, la société aux audiences des 20 février et 14 mai 2012, comparaissant assisté d'un conseil à la seconde, que le rapport du juge-commissaire du 27 janvier 2012 indique qu'il s'est présenté « avec Maître E... », ce qui implique qu'il était là en personne, et que l'ordonnance du 11 avril 2014 du président du tribunal de commerce ne parle de son absence que pour les audiences des 12 septembre, 17 octobre et 19 décembre 2011, sans viser les audiences ultérieures. Il constate que le procès-verbal d'inventaire invoqué par M. J... n'indiquait pas à quel titre M. B... intervenait, qu'il n'est pas démontré que le rapport de synthèse produit par M. J..., destiné au juge-commissaire, ait été effectivement communiqué à ce magistrat, faute de date, signature et de tout élément permettant d'établir un dépôt effectif à la juridiction, et que ce n'est que le 11 avril 2014 que l'intéressé a déclaré ne plus être gérant de la société, le jugement du 2 juin 2014 faisant apparaître que, dans la citation à comparaître du 11 mars 2014, M. J... avait déclaré être le représentant légal de la société. De ces constatations et appréciations et abstraction faite des motifs critiqués par le moyen, la cour d'appel a pu déduire que M. J... était toujours dirigeant de droit à la date à laquelle le tribunal statuait, ce qui permettait de le rechercher, en cette qualité, sa responsabilité pour insuffisance d'actif.

5. Le moyen est donc inopérant.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. M. J... fait le même grief à l'arrêt, alors que :

« 1°/ tenus de caractériser les fautes du dirigeant, les juges du fond ne pouvaient se borner à énoncer que lors d'une confrontation du 3 février 2014, M. J... "a reconnu avoir fait ce qu'on lui demandait : quelques actes de gestion, non décrits, et signé des chèques, sans plus de précision, caractérisant ainsi des fautes de gestion alors qu'il ne pouvait ignorer la situation", pour ajouter que "l'ensemble de ces fautes de gestion a contribué à l'insuffisance d'actif qui a conduit à la liquidation judiciaire de la société" ; qu'en l'état de ces énonciations vagues et imprécises, et faute d'avoir caractérisé les fautes de gestion, les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

2°/ quand bien même l'arrêt aurait confirmé pour partie le jugement, de toute façon, les énonciations du jugement ne peuvent donner une base légale à l'arrêt attaqué dès lors que les juges du second degré, pour se déterminer comme ils l'ont fait, ont retenu des manquements, non caractérisés, ce qui suffit à justifier la censure de l'arrêt, nonobstant les énoncés du jugement, pour défaut de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. L'arrêt retient que M. J..., gérant de droit, s'est désintéressé des affaires de la société, ainsi que cela résulte du fait qu'il a laissé M. B... gérer celle-ci et qu'il s'est abstenu de diligences pertinentes pour la publication de l'assemblée générale et du changement de gérance dont il se prévaut, reconnaissant, lors de la confrontation du 3 février 2014, avoir fait ce qu'on lui demandait, bien qu'il n'ait pu ignorer la situation pour ne pas avoir contesté les déclaration de M. B... lors de cette confrontation faisant état d' « une petite équipe travaillant en famille » « sans avoir cet aspect juridique [...] à l'esprit ». Ayant ainsi caractérisé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, la faute de gestion qu'elle retenait, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. M. J... fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que dans ses conclusions d'appel, M. J... faisait valoir que la somme mise en avant par le liquidateur, à savoir la somme de 728 371,30 euros correspondait à un passif né pour partie postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective du 16 janvier 2012 ; que seule l'insuffisance d'actif antérieure au jugement ouvrant la procédure collective peut être prise en compte dans le cadre de l'action engagée contre le dirigeant ; qu'en s'abstenant de dire quelle était l'insuffisance d'actif afférente à la période antérieure à l'intervention de ce jugement, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

10. Seules des dettes nées avant le jugement d'ouverture peuvent être prises en compte pour la détermination de l'insuffisance d'actif.

11. Pour fixer à 72 837,13 euros la part de l'insuffisance d'actif mise à la charge de M. J..., l'arrêt retient que ce montant est fixé à dix pour cent de celui de l'insuffisance d'actif, lequel s'établit à la somme de 728 371,30 euros, résultant, selon motifs adoptés, du passif arrêté à la date du jugement d'ouverture, le 16 janvier 2012, puis généré jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation, le 21 janvier 2013.

12. En se déterminant par de tels motifs, ne permettant pas de savoir si l'insuffisance d'actif avait été déterminée en ne tenant compte que du passif né avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif engagée par M. A..., en qualité de liquidateur de la société Promoco, à l'encontre de M. J..., l'arrêt rendu le 13 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.