Livv
Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 13 février 2020, n° 18/01200

CAEN

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briand

Conseillers :

Mme Heijmeijer, Mme Gouarin

Avocats :

Me Balavoine, Me David, Me Lejard

T. com. Caen, du 14 mars 2018, n° 201700…

14 mars 2018

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 avril 2014, M. E... a acquis un fonds de commerce de bar-brasserie moyennant un prix de 118.500 euros financé à hauteur de la somme de 88.500 euros à l'aide d'un prêt consenti par la SA CIC Nord-Ouest.

Par acte reçu le 23 février 2015 par Me D..., notaire, M. E... a régularisé une déclaration d'insaisissabilité de sa résidence principale située au 68 rue des Sablonnettes à Ifs.

Le 1er juin 2015, M. E... a déposé une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Par jugement rendu le 3 juin 2015, le tribunal de commerce de Caen a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. E..., fixé la date de cessation des paiements au 30 avril 2015 et désigné Me F... en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte d'huissier du 3 août 2017, Me F... prise en sa qualité de mandataire liquidateur a fait assigner M. E... aux fins de voir prononcer la nullité de la déclaration d'insaisissabilité.

Par jugement rendu le 14 mars 2018, le tribunal de commerce de Caen a

- prononcé la nullité de la déclaration d'insaisissabilité ;

- ordonné la publication de la décision ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Par déclaration en date du 27 avril 2018, M. E... a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 20 novembre 2018, le président de la chambre chargé de la mise en état a déclaré Me F... prise en sa qualité de liquidateur irrecevable à conclure au visa des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile et dit que les dépens seront joints au fond.

Par dernières conclusions reçues le 24 juin 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens de celles-ci, M. E... demande à la cour de

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

- débouter Me F... ès qualités de liquidateur judiciaire de ses demandes ;

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Le dossier de l'affaire a été communiqué au procureur général le 9 janvier 2019, qui a conclu s'en

rapporter.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 octobre 2019.

MOTIFS

En application des dispositions de l'article L. 632-1 ancien du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce, le tribunal peut annuler la déclaration d'insaisissabilité faite par le débiteur en application de l'article L. 526-1 faite dans les six mois précédant la date de cessation des paiements.

Il est constant en l'espèce que la déclaration d'insaisissabilité a été effectuée avant la date de cessation de paiement, de sorte que la nullité n'est pas encourue de plein droit mais qu'elle relève du pouvoir d'appréciation du tribunal.

Il n'est pas davantage contesté que cette déclaration a été effectuée le 23 février 2015 alors que la date de cessation des paiements a été fixée au 30 avril 2015, soit dans le délai de 6 mois de la période suspecte.

S'agissant cependant de l'atteinte portée au gage des créanciers, il est constant que la déclaration d'insaisissabilité n'est pas opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à la publication de la déclaration.

Ainsi la déclaration n'est-elle pas opposable au passif bancaire constitué par la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie au titre du prêt immobilier contracté par M. E... pour l'acquisition de sa résidence principale, créance qui n'est pas née à l'occasion de l'activité professionnelle de l'emprunteur.

Le passif bancaire est également constitué de la créance de la SA Banque CIC Nord-Ouest au titre du prêt professionnel destiné à financer l'acquisition du fonds de commerce exploité par M. E..., prêt qui prévoit expressément au titre de la garantie de la BPI l'exclusion de la résidence principale de M. E... du gage de la banque.

Il résulte enfin du rapport de Me F... qu'à l'exception des créances bancaires, le passif admis postérieurement à la déclaration auquel cette dernière est opposable, est d'un montant de 5.121,16 euros, lequel est couvert par les actifs recouvrés par Me F... pour un montant de 13.603,03 euros.

Il en résulte que la déclaration d'insaisissabilité régularisée le 23 février 2015 par M. E... n'a pas été faite en fraude aux droits des créanciers et n'a pas porté atteinte à leur gage.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée et de débouter Me F... prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de sa demande de nullité de la déclaration d'insaisissabilité.

Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 14 mars 2018 par le tribunal de commerce de Caen dans toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective, qui seront infirmées ;

Statuant à nouveau et y ajoutant

Déboute Me F... prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de sa demande de nullité de la déclaration d'insaisissabilité régularisée le 23 février 2015 ;

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.