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Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 6 décembre 2017, n° 17/01351

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

SCP Pascal Leclerc

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mazarin

Conseillers :

Mme Bittard, Mme Uguen-Laithier

Avocats :

SCP DSC Avocats, Me Koc, Me Gay

T. com. Lons Le Saunier, du 14 avr. 2017…

14 avril 2017

Faits et prétentions des parties

Par jugement en date du 14 avril 2017, le tribunal de commerce de Lons-Le-Saunier saisi à la requête de la SCP Pascal Leclerc, ès qualités de mandataire liquidateur de M. A... B... placé en liquidation judiciaire le 6 février 2015 avec une date de cessation des paiements fixée au 1er octobre 2014, a prononcé la nullité de la déclaration d'insaisissabilité prise le 20 septembre 2014 devant Me D... F..., Notaire, au bénéfice de M. A... B..., déclaré la-dite déclaration inopposable à la procédure collective et aux créanciers et condamné M. A... B... à payer à la SCP Pascal Leclerc ès qualités 1.000 en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. A... B... a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 20 juin 2017 et, au dernier état de ses écrits transmis le 24 octobre 2017, il en sollicite l'infirmation et demande à la cour de déclarer la SCP Pascal Leclerc ès qualités irrecevable à agir et d'ordonner la publication de l'arrêt au service de la publicité foncière de Lons-Le-Saunier et, subsidiairement, de juger que la déclaration d'insaisissabilité prise le 20 septembre 2014 est régulière et opposable à la procédure collective et aux créanciers, de débouter la SCP Pascal Leclerc de ses demandes et de la condamner à lui payer 3.000 en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de son conseil.

La SCP Pascal Leclerc a répliqué en dernier lieu le 24 octobre 2017 pour demander à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner M. A... B... à lui payer 1.500 en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par observations régulièrement transmises aux parties le 28 septembre 2017, le Procureur général près cette cour a indiqué qu'il était d'avis de confirmer la décision critiquée, ou, si elle était annulée, de prononcer l'annulation de la déclaration d'insaisissabilité litigieuse.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2017.

Motifs de la décision

Au vu du revirement de jurisprudence opéré par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 15 novembre 2016 (n° de pourvoi: 14-26287), la recevabilité de l'action en nullité d'une déclaration d'insaisissabilité engagée au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers afin de reconstituer leur gage commun, par la SCP Pascal Leclerc ès qualités de liquidateur, n'est plus discutable de sorte que le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Au fond, l'article L. 632-1 du code de commerce dispose qu'est nulle lorsqu'elle est intervenue depuis la date de cessation des paiements, la déclaration d'insaisissabilité faite par le débiteur en application de l'article L. 526-1 et accorde au juge une simple faculté de prononcer la nullité de celle-ci si elle a été faite dans les six mois précédant cette date.

En l'espèce, la déclaration d'insaisissabilité litigieuse ayant été inscrite seulement quelques jours avant la date de cessation des paiements, elle peut être annulée par application du II de cet article de loi lequel ne pose pas la fraude du débiteur comme une condition de son application.

Mais afin de rétablir une certaine égalité entre les personnes physiques exerçant leur activité professionnelle à titre individuel et celles ayant opté pour une forme sociale plus protectrice de leurs intérêts, l'article L. 526-1 du code de commerce consacre expressément le droit pour les premières nommées de déclarer insaisissables leurs droits sur l'immeuble où est fixée leur résidence principale, une telle déclaration n'étant opposable qu'aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à sa publication à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant.

En l'espèce il est constant que la déclaration litigieuse n'est pas opposable au crédit agricole qui a financé la construction de la maison d'habitation et a déclaré au passif une créance de 118.547,50 à titre hypothécaire, le remboursement des échéances étant actuellement pris en charge par l'épouse de M. A... B....

Il s'ensuit que ce dernier serait payé par privilège en cas de vente forcée de cet immeuble.

Ainsi, à défaut pour la SCP Pascal Leclerc de justifier de la valeur vénale de cet immeuble et du prix qui pourrait en être retiré en cas de vente forcée, il n'apparaît nullement opportun de faire droit à sa demande laquelle aurait pour conséquence grave de priver toute une famille de son logement sans garantie réelle pour les créanciers non inscrits sur l'immeuble de percevoir un quelconque dividende suite à la vente forcée de celui-ci.

Le jugement dont appel sera dès lors infirmé en toutes ses autres dispositions.

La SCP Pascal Leclerc, ès qualités qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 14 avril 2017 par le tribunal de commerce de Lons-Le-Saunier sauf en ce qu'il a déclaré la SCP Pascal Leclerc, ès qualités, recevable en son action.

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la SCP Pascal Leclerc, ès qualités de mandataire liquidateur de M. A... B..., de ses fins et prétentions.

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SCP Pascal Leclerc, ès qualités de mandataire liquidateur de M. A... B... aux dépens de première instance et d'appel, avec droit pour Maître E... C..., avocate, de recouvrer directement ceux d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ordonne la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière de Lons-Le-Saunier.