Cass. 3e civ., 20 juin 1989, n° 88-11.390
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Francon
Rapporteur :
M. Gautier
Avocat général :
M. Sodini
Avocats :
M. Choucroy, SCP Xavier, SCP de Chaisemartin, M. Bouthors
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 1987), que la société des nouveaux supermarchés Lévis exploite un magasin à rayons multiples " Monoprix " dans des locaux entre lesquels elle a établi des communications, locaux qui lui ont été donnés à bail respectivement par la société Somag, la société Cité Saint-Denis et M. Leman X..., dans un premier immeuble, par M. Z... dans un immeuble contigu au précédent et par M. Y... dans un troisième immeuble contigu au deuxième ; que la Préfecture de Police de Paris l'ayant mise en demeure d'effectuer des travaux destinés à assurer la protection des tiers en cas d'incendie, la société locataire a demandé que les bailleurs soient condamnés à en supporter le coût ;
Attendu que la société des nouveaux supermarchés Lévis fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de cette demande, alors, selon le moyen, " que, d'une part, dans la mesure où les juges du fond ont expressément constaté que les baux consentis par MM. Y... et Z... ne contenaient aucune clause exonérant le bailleur de son obligation légale d'entretenir la chose louée à l'usage à laquelle elle était destinée, l'arrêt se devait de faire application de l'article 1719, alinéa 2, du Code civil à l'encontre de ces propriétaires ; qu'en effet, ceux-ci étaient tenus à assumer la charge des travaux de sécurité imposés par l'autorité administrative qui n'avaient pas le caractère d'une simple mesure d'hygiène et de police, sans qu'importe que l'objet de ces travaux fût indépendant de l'affectation spécifique des lieux loués, tant en raison de leur caractère de force majeure que de leur indivisibilité avec l'ensemble des lieux loués ; que l'arrêt a donc violé le texte précité ; alors que, d'autre part, en ce qui concerne les trois autres locations consenties par les sociétés Somag et Cité Saint-Denis et M. Leman X..., les juges, au prétexte d'interprétation de clauses donnant au preneur " le droit d'effectuer dans les lieux loués tous travaux généralement quelconques... sans aucune restriction ni réserve... et sans avoir à solliciter l'autorisation du bailleur, et dans la seule mesure où il estimera ces travaux nécessaires ou simplement utiles à la bonne exploitation de son commerce ", a, en réalité, dénaturé leurs termes clairs et précis ; qu'en effet, ils ont ajouté à ces travaux volontaires les travaux imposés par l'Administration qui ont un caractère de force majeure non prévu dans les conventions ; que l'arrêt a donc violé l'article 1134 du Code civil " ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que les locaux appartenant à M. Z... et à M. Y... avaient été loués à usage d'entrepôt, tandis que les mesures édictées par l'Administration visaient à la protection de locaux contigus recevant le public, la cour d'appel en a justement déduit que les bailleurs n'avaient pas à supporter la charge de travaux qui n'avaient pas pour objet de rendre les lieux conformes à leur destination contractuelle et n'étaient devenus nécessaires qu'en raison de l'utilisation que la société locataire faisait de ces locaux, avec d'autres, appartenant à d'autres propriétaires ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas dénaturé la convention des parties en retenant qu'il résultait des clauses tout à fait exceptionnelles contenues dans les baux consentis par la société Somag, la société Cité Saint-Denis et M. Leman X... à la Société des nouveaux supermarchés Lévis, que leur commune intention avait été de donner au preneur " la maîtrise " des lieux et de décharger en contrepartie les bailleurs de tous travaux de quelque nature qu'ils soient, y compris ceux imposés par l'autorité administrative ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi