Cass. com., 20 septembre 2005, n° 04-11.789
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Bourges, 3 décembre 2003), que par acte des 13 et 15 novembre 1999, la société Medianim promotion plus (société Medianim) a donné un fonds de commerce en location-gérance à la société Musica et consenti à celle-ci une promesse unilatérale de vente du fonds de commerce ; qu'à la même date, la société civile immobilière du Chatel (la SCI) a consenti à la société Musica une promesse de vente de l'immeuble dans lequel était exploité le fonds de commerce, en contrepartie de laquelle la société Musica a versé une indemnité d'immobilisation forfaitaire de 150 000 francs ; que le 6 juin 2000, la société Medianim et la société Musica ont signé une convention portant résiliation amiable de la convention de location-gérance et de la promesse de vente du fonds de commerce et ont pris acte de ce que la SCI consentait que l'indemnité d'immobilisation soit ramenée à 65 000 francs de sorte que la SCI restait devoir à la société Musica la somme de 85 000 francs ; qu'à la même date, la société Musica a cédé à la société Medianim la créance de ce montant qu'elle détenait sur la SCI ; que le 22 décembre 2000, la société Musica a été mise en liquidation judiciaire, le tribunal reportant ultérieurement la date de cessation des paiements au 19 novembre 1999 ; que M. X..., liquidateur de la société Musica, a sollicité du tribunal l'annulation de la convention passée entre la SCI et la société Musica le 6 juin 2000 et de la cession de créance qui s'en est suivie et la condamnation de la SCI à lui payer la somme de 150 000 francs ;
Attendu que la société Medianim et la SCI reprochent à l'arrêt d'avoir accueilli ces demandes, alors, selon le moyen :
1 / que si elle peut sanctionner les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière, la nullité de la période suspecte ne peut atteindre une transaction portant sur la résiliation d'une promesse unilatérale de vente et sur la restitution au bénéficiaire d'une partie de l'indemnité d'immobilisation stipulée comme acquise au promettant en cas de non-réalisation de la vente ; qu'après avoir constaté qu'en exécution de la promesse unilatérale de vente immobilière assortie d'une indemnité d'immobilisation forfaitaire, les biens avaient été immobilisés jusqu'à la transaction par laquelle les parties avaient procédé à la résiliation anticipée de ladite promesse de vente en réduisant le montant de l'indemnité d'immobilisation convenue, la cour d'appel devait en déduire qu'il n'y avait pas eu acte à titre gratuit translatif de propriété mobilière ou immobilière ; qu'en jugeant du contraire, pour prononcer la nullité de la transaction, la cour d'appel a violé l'article L. 621-107 1 du Code de commerce, ensemble l'article 1589 du Code civil ;
2 / que si elle peut sanctionner tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie, la nullité de la période suspecte ne peut atteindre une transaction portant sur la résiliation anticipée d'une promesse unilatérale de vente et sur la restitution au bénéficiaire d'une partie, prorata temporis, de l'indemnité d'immobilisation stipulée comme acquise au promettant en cas de non-réalisation de la vente ; qu'après avoir constaté qu'en exécution de la promesse unilatérale de vente assortie d'une indemnité d'immobilisation forfaitaire, les biens immobiliers avaient été immobilisés jusqu'à la transaction par laquelle les parties avaient procédé à la résiliation anticipée de ladite promesse en réduisant le montant de l'indemnité d'immobilisation convenue, la cour d'appel devait en déduire qu'il n'y avait pas eu contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ; qu'en jugeant du contraire, pour prononcer la nullité de la transaction, la cour d'appel a violé l'article L. 621-107 2 du Code de commerce, ensemble l'article 1589 du Code civil ;
3 / que la réduction d'une indemnité d'immobilisation prorata temporis n'est légalement justifiée que si elle n'est pas acquise de plein droit au promettant à titre de dommages et intérêts ; qu'après avoir établi que la transaction dont la nullité était invoquée portait sur la résiliation anticipée d'une promesse unilatérale de vente et sur la restitution au bénéficiaire d'une partie, prorata temporis, de l'indemnité d'immobilisation stipulée comme acquise au promettant en cas de non-réalisation de la vente, la cour d'appel ne pouvait annuler la transaction qu'à la condition d'établir que les obligations de la société Musica - payer 65 000 francs des 150 000 francs de l'indemnité convenue - excédaient notablement celles de la SCI, promettant (immobilisation convenue du 15 novembre 1999 au 31 juillet 2001, ramenée au 6 juin 2000) ; qu'en s'abstenant de procéder à cette constatation, avant de prononcer la nullité de la transaction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 621-107 2 du Code de commerce, ensemble l'article 1589 du Code civil ;
4 / qu'aucune des parties n'avait soutenu que la résiliation amiable de la promesse unilatérale du fonds de commerce aurait précédé la transaction portant résiliation amiable de la promesse unilatérale de vente et réduction de l'indemnité d'immobilisation ; qu'en fondant sa décision sur cette circonstance non invoquée par les parties et au demeurant sans préciser l'origine de cette constatation, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / que la connaissance de la cessation des paiements suppose la connaissance de l'impossibilité rencontrée par le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, elle ne saurait se déduire de la connaissance de simples difficultés de trésorerie ; qu'en l'espèce, ni le fait de ne pas avoir reçu plusieurs loyers et accessoires de la société Musica durant les premiers mois d'activité ayant suivi sa constitution, ni même la résiliation du contrat de location-gérance et pas davantage "le caractère inéluctable du dépôt de bilan" qui en serait résulté, ne caractérisaient, séparément ou ensemble, la connaissance par ses cocontractants de son impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible au jour de la transaction ; qu'en se déterminant par ces seuls motifs sans préciser les circonstances qui auraient établi que la SCI et la société Medianim auraient eu connaissance de l'impossibilité de la société Musica de faire face à son passif exigible avec son actif disponible lors de la transaction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 621-1 et L. 621-108 du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que le liquidateur soutenait, dans ses conclusions d'appel, que l'acte prévoyait que l'indemnité d'immobilisation devait être restituée à la société Musica en ce qu'il était indiqué "cette somme restera acquise au promettant, même en cas de non-réalisation d'une ou des conditions suspensives, sauf impossibilité pour la société Medianim de céder le fonds de commerce dont elle est propriétaire en même temps que l'immeuble objet des présentes" et faisait valoir qu'en conséquence, la SCI était redevable à l'égard de la société Musica dans la mesure où la résiliation de la promesse unilatérale de vente du fonds de commerce avait précédé la résiliation de la promesse unilatérale de vente, de l'intégralité de l'indemnité d'immobilisation chiffrée à 150 000 francs ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel n'a pas méconnu le texte cité à la quatrième branche ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir rappelé les termes de la clause précitée dont la société Medianim et la SCI n'ont pas discuté la portée dans leurs écritures, et retenu que dans la mesure où la résiliation de la promesse unilatérale de vente du fonds de commerce avait précédé la résiliation de la promesse unilatérale de vente de l'immeuble, la SCI était redevable à l'égard de la société Musica de l'intégralité de l'indemnité d'immobilisation fixée à 150 000 francs, l'arrêt en déduit que l'abandon par le débiteur d'une partie de cette indemnité constitue un acte fait à titre gratuit sans aucune contrepartie, lequel est entaché de nullité en vertu des dispositions de l'article L. 621-107-1 du Code de commerce comme intervenu durant la période suspecte ; qu'en l'état de ces seules constatations et appréciations, la cour d'appel a, abstraction faite des motifs surabondants dont fait état la cinquième branche, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.