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Décisions

Cass. crim., 27 juin 2018, n° 17-85.119

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme Fouquet

Avocat général :

M. Gaillardot

Avocat :

SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Nancy, du 23 mai 2017

23 mai 2017

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme C... Y..., recrutée le 14 mai 2012, dans un premier temps en qualité d'agent contractuel à durée déterminée, au sein de la chambre de métiers et de l'artisanat des Vosges (La CMA), par M. Lionel X..., secrétaire général de la CMA, M. Z..., en qualité de président, ayant donné son aval et signé le contrat de travail, puis son avenant, a été définitivement embauchée, le 13 novembre 2012, en contrat a durée indéterminé en qualité de conseiller technicien, ce poste étant concomitamment créé ; qu'au cours de l'enquête, des messages électroniques ont été saisis, notamment, sur les boîtes de messagerie professionnelles de M. X... et Mme Y..., laissant apparaître que le premier avait, avant son recrutement, adressé à la seconde des modèles de curriculum vitae et de lettre de motivation ; que des messages relatifs à des annonces passées pour la vente de la maison et des meubles de M. X... ont été retrouvés dans la messagerie de Mme Y... , qu'enfin, des messages à caractère personnel et intime échangés entre les deux prévenus ont également été mis en évidence ; qu'au terme des investigations, M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de détournement de fonds publics et prise illégale d'intérêt, M. Z... du chef de détournement de fonds publics et Mme Y... du chef de recel des fonds détournés au préjudice de la CMA ; que le tribunal correctionnel a déclaré M. X... et Mme Y... coupables de ces faits, a requalifié les faits reprochés à M. Z... en négligence du dépositaire ayant permis la soustraction, le détournement ou la destruction de biens d'un dépôt public et l'en a déclaré coupable ; que M. X..., Mme Y... et M. Z... ont formé appel de cette décision et le ministère public appel incident ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que pour relaxer les prévenus des chefs de détournement de fonds publics et recel, l'arrêt énonce notamment que la grille des emplois du 5 décembre 2011 prévoyant les emplois permanents au sein de la CMA des Vosges ne comprenant pas de poste permanent de «conseiller» au sein de la direction générale, l'embauche de Mme Y..., le 12 mai 2012, en contrat à durée déterminée a été régulière au regard de l'article 2-1 a) du statut du personnel de la CMA, tout comme la création de l'emploi permanent de conseiller pour lequel Mme Y... a signé un contrat à durée indéterminée, le 13 novembre 2012 ;

Que les juges ajoutent s'agissant de la légitimité de l'attribution du poste à Mme Y..., que le statut des CMA n'exige pas de qualification particulière, ni de diplôme spécifique pour l'emploi de conseiller et qu'aux termes d'un avis en date du 14 juin 2015 l'assemblée plénière des chambres de métiers et de l'artisanat a indiqué qu'un agent chargé de tâches administratives simples, titulaire d'un CAP et disposant d'une expérience commerciale pourrait relever de l'emploi type assistant administratif aux niveaux 1 à 3 de la catégorie, le cas échéant, en fonction des compétences attendues, cet emploi pouvant relever de la catégorie technicien niveaux 1 à 2, la rémunération étant fixée selon l'emploi repère, les fonctions attribuées à l'agent et les activités complémentaires et spécialisées effectuées ; qu'ils retiennent que l'emploi repère correspondant le mieux aux fonctions de Mme Y... s'avérait être celui de "conseiller" et que conformément au statut du personnel des CMA et du fait de ses fonctions, c'est la catégorie"conseiller technique niveau 2" qui lui a été attribuée ;

Que la cour d'appel en conclut qu'il apparaît que la procédure d'embauche d'C... Y..., dont il est par ailleurs démontré qu'elle a effectivement travaillé pour la CMA des Vosges, exécuté les missions qui lui étaient confiées et participé à la conception, l'organisation et l'animation de nombreuses manifestations, a été parfaitement régulière et conforme au statut du personnel des CMA ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions de détournement de fonds publics reprochées à M. X... et M. Z... et recel de détournement de fonds publics reprochée à Mme Y..., n'était pas rapportée à la charge des prévenus, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ensemble l'article 432-12 du code pénal ;

Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, selon le second de ces textes, se rend coupable de prise illégale d'intérêt la personne chargée d'une mission de service public qui prend un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, la charge d'assurer la surveillance ou l'administration ;

Attendu que pour relaxer M. X... du chef de prise illégale d'intérêt, l'arrêt énonce que les tâches effectuées par Mme Y... pour le compte de celui-ci ont été ponctuelles et n'ont notamment pas consisté à vendre sa maison et ses meubles mais à mettre en ligne sur le site "le boncoin" une annonce ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que le délit de prise illégale d'intérêt n'implique pas que le prévenu en ait retiré un bénéfice quelconque, et sans rechercher si M. X... a pris un intérêt moral dans l'opération de recrutement de Mme Y..., la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 23 mai 2017, mais en ses seules dispositions relatives à la relaxe de M. X... du chef de prise illégale d'intérêt, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Colmar, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.