Cass. 3e civ., 30 septembre 2015, n° 14-21.237
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Rapporteur :
Mme Dagneaux
Avocat général :
M. Sturlèse
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Foussard et Froger
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 24 avril 2014), que la société First Cale, locataire d'un fonds de commerce de café, journaux, bimbeloterie, brasserie, avec débit de tabac, dans un immeuble en copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires pour obtenir sa condamnation à effectuer des travaux de remise en état du plancher se trouvant entre le bar situé au rez-de-chaussée et la cave et à l'indemniser de divers préjudices ; que le syndicat des copropriétaires a reconventionnellement sollicité la condamnation de la société First Cale à faire exécuter lesdits travaux ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société First Cale fait grief à l'arrêt de la condamner à procéder à des travaux de réfection concernant une partie commune, s'agissant du plancher entre les locaux du rez-de-chaussée et la cave, à raison des désordres imputables à une fuite d'eau à l'époque de la présence d'un précédent locataire, alors, selon le moyen :
1°/ que la cession du fonds de commerce ne comprend ni les créances, ni les dettes du cédant ; qu'en l'espèce, les juges du fond constatent que la dégradation de la partie commune, constituée par le plancher séparant le rez-de-chaussée de la cave, est due à une fuite d'eau imputable à un précédent locataire ; que seul ce précédent locataire pouvait être tenu d'une obligation de réparer ; qu'en décidant que cette obligation de réparer avait été transmise à la société First Cale avec la cession du fonds de commerce, les juges du fond ont violé les articles 1134 du code civil et L. 141-5 du code de commerce, régissant les cessions de fonds de commerce ;
2°/ que si le fonds de commerce emporte bien transfert au profit du cessionnaire des droits et obligations du bail, la cession ne porte pas sur la dette du cédant à l'égard du bailleur, au titre des dégradations qu'il a pu faire dans les locaux ; que pour avoir décidé le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1134 du code civil et L. 141-5 du code de commerce ;
3°/ que si le cas échéant, il peut y avoir transmission d'une créance ou d'une dette du cédant au cessionnaire, ce ne peut être qu'en vertu d'une clause particulière ; que faute de constater que tel a été le cas en l'espèce, les juges du fond ont violé les articles 1134 du code civil et L. 141-5 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'aux termes de l'acte de cession du fonds de commerce, la société First Cale avait accepté de prendre le fonds avec tous ses éléments corporels et incorporels en dépendant dans l'état où il se trouvait sans recours contre le cédant pour quelque cause que ce soit, que la dégradation du plancher était la résultante d'une fuite ancienne sous évier imputable à l'un des locataires précédents et exactement retenu que les cessions successives d'un bail commercial opérant transmission des obligations en découlant au dernier titulaire du contrat, celui-ci devenait débiteur envers son bailleur de la réparation des dégradations commises par ses prédécesseurs et que le syndicat de copropriétaires, tiers au contrat, pouvait invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, le manquement contractuel de la société First Cale, tenue à réparation envers son bailleur, dès lors que ce manquement lui avait causé un dommage, la cour d'appel a pu en déduire, même en l'absence de clause particulière, que la société First Cale devait être condamnée à réparer le désordre atteignant le plancher ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société First Cale fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réparation par le syndicat de copropriétaires du plancher séparant le rez-de-chaussée de la cave, parties communes, et sa demande de dommages et intérêts, alors, selon le moyen, que si la jurisprudence, en cas d'atteinte à une partie commune révélatrice d'un vice de construction, réserve l'hypothèse où les désordres sont dus à la faute d'un tiers, encore faut-il que ce tiers puisse être déterminé et que les conditions de son comportement puissent être précisées de manière à pouvoir caractériser une faute ; qu'ayant constaté par motifs adoptés que si une fuite pouvait être évoquée, susceptible d'être imputée à un locataire précédent, il n'était pas possible de déterminer à quelle date elle était survenue ; qu'en s'abstenant de rechercher si, en l'état de ces circonstances, la faute d'un tiers pouvait être caractérisée, les juges du fond ont privé leur décision de base légale, au regard de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il ressortait du rapport d'expertise que le pourrissement du plancher était la conséquence d'une fuite ancienne provenant de l'évier du bar qui est un équipement privatif, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que la responsabilité du syndicat des copropriétaires, qui suppose qu'une partie commune soit à l'origine du dommage, ne pouvait être engagée sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.