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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 31 mai 2012, n° 10/22129

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cannes Balnéaire (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schmitt

Conseillers :

Mme Elleouet-Giudicelli, Mme Durand

Avoués :

SCP Blanc Cherfils, SCP Primout Faivre

Avocats :

Selarl Boulan-Cherfils-Imperatore, Me Rossanino, Me Lec, Me Saraga-Brossat, Me Gailhbaud

T. com. Cannes, du 4 nov. 2010, n° 2009F…

4 novembre 2010

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Messsieurs FIASELLA, GUEDJ, GUIRAUD, LOSA et Mesdames DUDA épouse GIBSON, PURIN, BLANCHOT épouse RAIMOND, étaient employés de jeux de la société CASINO DE LA POINTE CROISETTE, dite LCLP, qui exploite le CASINO PALM BEACH à CANNES.

Ils ont sollicité la condamnation de leur employeur à leur payer des rappels de salaires pour la période de 1991 à 1998.

Par 7 arrêts de la Cour d'appel de NÎMES du 16 décembre 2008, rendus sur renvoi de cassation, la société LCLP a été condamnée à leur verser diverses sommes.

Ces décisions frappées d'un nouveau pourvoi non suspensif sont exécutoires par provision.

Devant la Cour de cassation, les procédures ont été radiées à la demande des salariés par des ordonnances du 24 septembre 2009 en application de l'article 1009-1 du Code de procédure civile et n'ont pas été remises au rôle depuis.

Les intéressés ont engagé diverses procédures d'exécution à l'encontre de leur employeur.

Soutenant n'avoir pu recouvrer la totalité des sommes dues, les précités ont fait assigner le 12 novembre 2009 la SA CANNES BALNÉAIRE PALM BEACH CASINO, associé commandité à 98 % de la société en commandite simple LCLP, devant le Tribunal de commerce de CANNES, sur le fondement de l'article L 221-1 du code de commerce, qui prévoit que tous les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçants et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales, pour avoir paiement des sommes leur revenant après déduction des règlements effectués par la débitrice principale.

La société CANNES BALNÉAIRE, faisant valoir être le véritable employeur des demandeurs, a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce au profit de celle du Conseil des Prud'hommes.

Le 11 janvier 2010 l'assemblée générale extraordinaire de la société LCLP a décidé de transformer la société en commandite simple en SAS et la société défenderesse a soulevé une fin de non-recevoir tirée de sa perte de la qualité d'associé en commandite à la date du jugement.

Par un premier jugement du 8 juillet 2010 le Tribunal a :

Dit recevables les exceptions de procédure soulevées,

Débouté la société CANNES BALNÉAIRE de son exception d'incompétence d'attribution,

L'a déboutée de sa fin de non-recevoir pour défaut de qualité à défendre et de sa demande de sursis à statuer en l'attente de la décision de la Cour de cassation,

Sur le fond, après avoir constaté que les défendeurs n'avaient pas conclu au fond,

A renvoyé l'affaire à l'audience du 9 septembre 2010,

Puis par jugement du 4 novembre 2010 le Tribunal a :

Condamné la société CANNES BALNÉAIRE à payer à :

M. FIASELLA la somme de 87.030,22 euros moins celle de 13.054,55 euros

M. GUEDJ la somme de 88.701,21 euros moins celle de 13.355,19 euros,

M. GUIRAUD la somme de 45.611,79 euros moins celle de 6.841,76 euros

M. LOSA la somme de 45.801,57 euros moins celle de 6.870,23 euros,

Mme GIBSON DUDA la somme de 46.109,46 euros moins 6.916,42 euros,

Mme, PURIN la somme de 39.279,67 euros moins celle de 5.891,95 euros,

Mme RAIMOND BLANCHOT 25.803,48 euros moins celle de 3.870,52 euros,

Outre intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 1998,

Devant également être déduits de ces condamnations les acomptes versés en août 2010 et non détaillés,

Requalifié la demande de délais formée par la société CANNES BALNÉAIRE en demande de rééchelonnement,

L'en a déboutée,

Prononcé la fixation d'une astreinte de 200 euros par jour de retard dans l'exécution des condamnations à compter du huitième jour de la signification du jugement,

S'est réservé la liquidation de l'astreinte,

Condamné la société CANNES BALNÉAIRE aux entiers dépens et à payer à chacun des demandeurs une indemnité de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonné l'exécution provisoire,

Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 10 décembre 2010 la société CANNES BALNÉAIRE a interjeté appel des deux jugements précités.

Elle a été déboutée, par ordonnance de référé du Premier Président de la Cour d'appel de céans en date du 18 mars 2011, de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 21 mars 2012, tenues ici pour intégralement reprises, elle demande à la Cour de :

La recevoir en ses appels les déclarer bien fondés,

Infirmer les deux jugements,

Statuant à nouveau,

Constater qu'elle n'avait plus au jour des décisions la qualité d'associé commandité de la société LCLP et qu'elle ne pouvait plus être tenue aux dettes sociales de cette dernière,

Dire qu'en ne recherchant pas si les commandements aux fins de saisie vente étaient réellement demeurés infructueux st si la société LCLP devait être regardée comme notoirement insolvable le Tribunal a manifestement ajouté aux termes clairs et précis de l'article L. 222-1 du code de commerce,

Déclarer les intimés irrecevables en leurs demandes,

Les déclarer irrecevables en leurs demandes dirigées à son encontre non plus en sa qualité d'associée commanditée mais de loueur de fonds donné en location gérance en vertu de l'article L. 144-7 du code de commerce,

Constater que ce contrat a été publié le 3 octobre 2002 dans un journal d'annonces légales soit 6 mois avant la demande en paiement,

Dire qu'elle ne peut être tenue solidairement des dettes d'exploitation de la société LCLP devenue la SAS CASINO DE LA POINTE CROISETTE,

Les déclarer infondés en leurs demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

Lui accorder des délais de paiement qui ne sauraient être inférieurs à deux ans en application de l'article 1244-1 du code civil,

Condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que le 30 août 2011 la société LCLP a versé une somme de 234.567,79 euros entre les mains de l'avocat des intimés.

Par conclusions déposées et notifiées le 7 juin 2011, tenues aussi pour intégralement reprises, Messieurs FIASELLA, GUEDJ, GUIRAUD et Mesdames GIBSON et RAIMOND, demandent à la Cour de :

Vu l'article L. 221-1 du Code de commerce

Vu l'article L. 144-7 du Code de commerce,

Confirmer les deux jugements attaqués,

Condamner la société CANNES BALNÉAIRE au paiement chacun de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils font valoir que toutes les tentatives d'exécution contre la société LCLP sont demeurées vaines et précisent que si la société LCLP a été transformée en SAS, les associés en nom collectif restent tenus des dettes sociales existant avant la transformation.

Madame PURIN et Monsieur LOSA assignés à personne n'ayant pas constitué avocat il sera statué par arrêt réputé contradictoire à leur encontre.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'appelante :

Attendu qu'en application de l'article L. 222-1 les associés commandités d'une société en commandite simple, ont le statut d'associés en nom collectif ;

Attendu en conséquence qu'ils répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales de la société en application de l'article L. 221-1 du code de commerce ;

Attendu qu'il est constant que la société CANNES BALNÉAIRE était associé commandité de la SNC LCLP dont elle détenait 98 % des titres ;

Attendu que la circonstance qu'en cours de procédure la société LCLP ait changé de forme sociale, étant transformée en SAS, et que la société CANNES BALNÉAIRE n'ait plus depuis cette transformation la qualité d'associé commandité ait sans incidence sur son obligation de répondre indéfiniment et solidairement des dettes sociales antérieures à cette transformation ;

Attendu qu'elle ne peut pas plus faire utilement valoir que la dette serait antérieure à son entrée dans la société dès lors qu'elle est devenue responsable de l'intégralité du passif social de la société LCLP, quelle que soit son origine, fût-elle antérieure à son entrée dans la société, en tant qu'associé commandité ;

Attendu qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté cette fin de non-recevoir ;

Sur le fond du litige :

Attendu que les retards de salaires au paiement desquels la société LCLP a été condamnée sont des dettes sociales ;

Attendu que l'article 16.5 des statuts de la société LCLP stipulait que les créanciers de la société ne pourraient poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé commandité à défaut de paiement ou de constitution de garantie par la société que huit jours au moins après mise en demeure de celle-ci demeurée sans effet ;

Attendu que l'article L. 221-1 du Code de commerce dispose que cette mise en demeure procède d'un acte extra judiciaire ;

Attendu qu'en l'espèce il est constat que Messieurs FIASELLA, GUEDJ, GIRAUD, LOSA, Mesdames GIBSON et RAIMOND ont fait chacun délivrer en date du 24 juillet 2009 à la société LCLP par acte d'huissier commandement de leur payer les montants des condamnations prononcées à son encontre par la Cour d'appel de Nîmes,

que Madame PURIN a également fait délivrer par huissier de justice à la société LCLP, le 4 août 2009, commandement de lui payer la somme de 52.561,37 euros en exécution de l'arrêt du 16 décembre 2008 ;

Attendu que ces commandements de payer sont demeurés infructueux malgré les tentatives d'exécution opérées ensuite par les créanciers ;

Attendu qu'au 12 novembre 2009, date de l'assignation de l'associé commandité, leurs créances n'étaient pas apurées ;

Attendu que l'action engagée à l'encontre de la société CANNES BALNÉAIRE est en conséquence bien fondée ;

Attendu que si la société LCLP a procédé à divers versements en cours de procédure, il est constant que les arrêts de la Cour d'appel du Nîmes n'ont pas été intégralement exécutés par la débitrice principale ;

Attendu que les jugements querellés seront en conséquence confirmés, et la société CANNES BALNÉAIRE condamnée à verser à chacun des intimés le montant des condamnations prononcées à leur bénéfice par la Cour d'appel de Nîmes, sous déduction des acomptes versés par la société LCLP, dont le dernier le 8 septembre 2009 ;

Attendu que l'astreinte prononcée sera confirmée mais son point de départ fixé au 15ème jour suivant la signification de l'arrêt ;

Attendu que la société CANNES BALNÉAIRE ne justifie pas, par les documents qu'elle produit relatifs au seul exercice clos en 2009, être, à ce jour, dans une situation justifiant que des délais de paiement lui soient accordés, étant relevé que l'ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de céans du 18 mars 2011 a notamment noté une progression de son chiffre d'affaires et de sa capacité à mobiliser ses actifs sans mettre en péril sans trésorerie ;

Attendu que la société appelante sera, en conséquence, déboutée de ses demandes et condamnée à verser à chacun des 5 intimés ayant constitué avocat une somme de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que, partie perdante, elle sera condamnée aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions, sauf à préciser que :

Seront également déduits des condamnations prononcées les acomptes versés le 30 août 2011 pour des montants non détaillés individuellement,

Le point de départ de l'astreinte prononcée à défaut d'exécution de la décision est fixé au 15ème jour suivant la signification du présent arrêt,

Y ajoutant,

Déboute la société CANNES BALNÉAIRE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Condamne la société CANNES BALNÉAIRE à régler à chacun des 5 intimés ayant constitué avocat une indemnité de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.