Cass. com., 27 mai 2014, n° 13-15.540
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Canivet-Beuzit
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 13 février 2013), que le 12 avril 2007, la société Le Kangourou a cédé à la société Mic mag les titres qu'elle détenait dans le capital de la société Wakoa ; que la société Mic mag a été mise en liquidation judiciaire le 26 septembre 2007, la date de cessation des paiements étant reportée au 1er avril 2006 ; que le liquidateur judiciaire (le liquidateur) a assigné la société Le Kangourou en annulation de la cession et restitution du prix de vente ;
Attendu que la société Le Kangourou fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulle cette cession et de l'avoir condamnée à payer au liquidateur la somme de 150 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2007 et celle de 165 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2007, alors, selon le moyen :
1°/ que, sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les contrats commutatifs dans lesquels les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ; que le juge ne peut, par ailleurs, fonder sa décision sur des faits ou allégations qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant, pour déclarer nulle la cession du 12 avril 2007, qu'il n'y « a aucun motif de suspecter le mandataire liquidateur d'avoir faussé ce bilan dans le dessein d'étayer sa demande dirigée contre l'appelante », en l'absence de toute allégation en ce sens, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les articles L. 632-1 I 2 du code de commerce et 7 du code de procédure civile ;
2°/ que la cour d'appel a elle-même constaté que le bilan de la société Wakoa avait été établi « sans tenir compte d'une quelconque dépréciation », en énonçant encore qu'une telle dépréciation « aurait dû être constatée dans les comptes de la société Wakoa », ce dont il se déduisait que les comptes et le bilan de la société Wakoa fondant la demande en nullité étaient erronés ; qu'en retenant néanmoins que la cession du 12 avril 2007 était nulle, sur la base de tels éléments irréguliers, qui ne permettaient pas d'établir le caractère prétendument déséquilibré de la cession en cause, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé derechef l'article L. 632-1 I 2 du code de commerce, ensemble l'article L. 123-23 du même code ;
3°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Le Kangourou faisait expressément valoir que le bilan de la société Wakoa, sur lequel se fondait la demande en nullité, était irrégulier parce qu'établi sans inventaire, au sens des articles L. 123-12 et R. 123-177 du code de commerce ; qu'elle en déduisait que les comptes sociaux avaient été établis irrégulièrement, et qu'ils ne pouvaient donc être invoqués par leur auteur à son profit, en application de l'article L. 123-23 du même code ; qu'en déclarant nulle la cession du 12 avril 2007, sans répondre au moyen déterminant de l'appelante de nature à remettre en cause l'appréciation du dit bilan et du caractère prétendument déséquilibré de la cession, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Le Kangourou faisait également valoir qu'une analyse pertinente de la situation financière de la société Wakoa devait prendre en compte l'origine des pertes constatées, en permettant ainsi, le cas échéant, de procéder à des réintégrations, seules de nature à fournir une image financière fidèle et exacte de la situation financière de la société et en conséquence, de la valeur des actions cédées ; qu'en déclarant nulle la cession du 12 avril 2007, sans répondre au moyen déterminant de l'appelante de nature à établir la valeur réelle des actions cédées et à exclure tout déséquilibre notable du contrat commutatif en cause, la cour d'appel n'a là encore pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la cession des titres de la société Mic mag avait été effectuée pendant la période suspecte, l'arrêt relève que les capitaux propres de la société Wakoa, dont le capital social était de 3 600 000 euros, s'établissaient à 1 920 233 euros au 31 mars 2007, quand ils étaient de 2 815 986 euros un an auparavant, cette dégradation s'expliquant par de lourdes pertes d'exploitation en 2006 et 2007 ; qu'il relève encore que les participations de la société Wakoa, qui constituaient l'essentiel de son actif immobilisé, étaient inscrites au bilan pour un montant de 2 516 640 euros , correspondant à leur valeur d'apport en 2004, sans qu'une quelconque dépréciation ait été prise en compte, quand la société Wakoa entreprise, sa filiale, dont elle détenait l'intégralité du capital social, connaissait de sérieuses difficultés financières et que les capitaux propres de cette filiale , dont le capital social était de 885 600 euros, s'élevaient à seulement 205 697 euros au 31 mars 2007 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que l'actif net étant négatif à cette date, les titres cédés n'avaient plus aucune valeur, et abstraction faite du motif surabondant évoqué à la première branche, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a caractérisé le déséquilibre notable des prestations réciproques au détriment de la société Mic mag, justifiant la nullité de la cession litigieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.