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Décisions

Cass. crim., 29 avril 2014, n° 14-80.060

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Duval-Arnould

Avocat général :

M. Salvat

Avocat :

SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

ch. instr. Paris, du 6 déc. 2013

6 décembre 2013

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 11 février 2014, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 du code de procédure pénale, 432-12, 111-4 du code pénal, 8 de la Déclaration des droits de l'homme, 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de prescription de l'action publique opposée par M. X... à raison des prestations effectuées par son épouse pour le compte des Laboratoires Servier pour la période antérieure au 19 février 2008, en l'état du réquisitoire introductif daté du 18 février 2011 ;

" aux motifs propres que la prise illégale d'intérêts, à supposer l'infraction constituée, s'est réalisée en 2003 quand le secrétaire général et la directrice juridique du groupe Servier se sont rendus au cabinet de Me Y... X..., épouse d'Eric X..., et que sur leur proposition, Maître Y... X... a accepté de devenir l'avocat du groupe Servier ; que cette prise illégale d'intérêt s'est poursuivie chaque fois que Me X..., en exécution de l'accord préalablement conclu et non dénoncé par elle-même, a accepté un dossier confié par le groupe Servier ; que l'infraction commise en 2003 a perduré jusqu'au 29 septembre 2008, date de la dernière note de frais et n'était pas prescrite le 18 février 2011, date du réquisitoire introductif ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande aux fins de constater la prescription des faits antérieurs au 19 février 2008 ;

" et aux motifs adoptés que les prestations de l'épouse de M. X... au profit du groupe pharmaceutique Servier ont débuté en 2003 et se sont poursuivies de façon continue jusqu'en 2008 ; que les écritures, notes de frais et honoraires révèlent en effet des diligences et une relation d'affaires permanente au profit du groupe Servier, sur toute la période 2003 à 2008, avec un montant total d'honoraires de 87 889 euros ; que le mis en examen a conservé de 2003 à 2008 un intérêt dans une entreprise dont il avait la charge d'assurer la surveillance ; que le délit devient alors continu ; que la prescription n'a commencé à courir qu'à compter du jour où la situation délictueuse a cessé ;

" alors que la prise illégale d'intérêt par une personne chargée d'une mission de service public, à l'occasion de prestations effectuées par son conjoint pour le compte d'un laboratoire dont il aurait eu la charge d'assurer la surveillance, est une infraction instantanée et les faits poursuivis sous cette qualification sont prescrits après trois ans révolus à compter du jour où le dernier acte constitutif de chaque infraction a été commis ; qu'un tel délit ne devient continu que si l'ingérence a consisté dans la conservation d'un intérêt pendant une période durable et continue ; qu'en affirmant que l'épouse du mis en examen avait accepté de devenir l'avocat du groupe Servier au terme d'un contrat conclu en 2003 alors qu'il résulte des pièces du dossier et notamment de la description des prestations de Me Y... X... (cotes D 2202, D 2273 et D 2274 prod. 2) et surtout du procès-verbal d'interrogatoire de la société Axios, expert-comptable de Servier confirmé par un courrier du 19 juin 2012 (cote D 2201/ 1 à 5 et prod. 3), que « les prestations de Me Y... X... n'ont pas fait l'objet de contrat car les notes d'honoraires décrivent les prestations assurées conformément aux usages habituels s'agissant de prestations ponctuelles », ce dont il résultait que le groupe Servier ne considérait pas Maître Y... X... comme son avocat habituel mais comme son conseil occasionnel, en matière de publicité des médicaments ; qu'en refusant de faire droit à l'exception de prescription pour les faits antérieurs au 19 février 2008, la cour a entaché sa décision d'un défaut de base légale et violé les textes susvisés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que M. X..., médecin diabétologue, a exercé différentes fonctions au sein de l'Agence du médicament puis de l'Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (AFSSAPS) et du comité des spécialités pharmaceutiques au niveau européen ; qu'il a notamment, entre 2003 et 2008, exercé successivement au sein de l'AFSSAPS les fonctions de chef du département de l'évaluation thérapeutique, chef du service de l'évaluation thérapeutique et des procédures d'AMM et conseiller scientifique auprès du directeur général de l'AFSSAPS et assuré les fonctions de président du Comité des spécialités pharmaceutiques ; qu'à la suite de l'ouverture d'une information judiciaire des chefs de tromperie sur les qualités substantielles du Médiator avec mise en danger pour l'homme et d'autres infractions, M. X... a été, le 14 février 2013, mis en examen du chef de prise illégale d'intérêts, de 2003 à 2008, en raison de la charge qui lui incombait, dans l'exercice de ses fonctions, d'assurer la surveillance du groupe Servier et de la réalisation durant cette période par Mme Y...-X..., son épouse, de prestations d'avocat pour le compte de ce groupe ; que M. X... a déposé une requête tendant à voir constater la prescription de l'action publique pour les faits antérieurs au 19 février 2008 ; que le juge d'instruction, retenant l'existence d'une relation d'affaires permanente de Mme Y...-X... au profit du groupe Servier de 2003 à 2008, avec une facturation d'honoraires à hauteur de 87 889 euros, la conservation par M. X... durant cette période d'un intérêt au sein de ce groupe et le caractère continu du délit, en a déduit que la prescription a commencé à courir, le 29 septembre 2008, jour où la situation délictueuse a cessé, et été interrompue le 18 février 2011 par le réquisitoire introductif et a, en conséquence, rejeté cette requête ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt attaqué retient que la prise illégale d'intérêts, à supposer l'infraction constituée, s'est réalisée en 2003 quand le secrétaire général et la directrice juridique du groupe Servier se sont rendus au cabinet de Mme Y...-X... et que, sur leur proposition, elle a accepté de devenir l'avocat de ce groupe et que cette prise illégale d'intérêts s'est poursuivie en exécution de l'accord préalablement conclu qu'elle n'a pas dénoncé ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'elle a constaté la concomitance entre cette exécution et le contrôle exercé par M. X... et qu'elle s'est fondée sur la conservation par ce dernier d'un intérêt dans l'entreprise dont il avait la charge d'assurer la surveillance, conférant en l'espèce à l'infraction un caractère continu, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.