Livv
Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 17 décembre 2015, n° 14/01854

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Les Jardins (SNC), Caisse Régionale De Crédit Agricole Mutuel Toulouse 31 (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salmeron

Conseillers :

M. Pellarin, M. Sonneville

T. com. Toulouse, du 5 mars 2014, n° 201…

5 mars 2014

EXPOSÉ DU LITIGE

La S.N.C Les Jardins, créée en 1994 ayant pour activité la construction, vente d'immeubles et gestion de biens locatifs, avait pour associés à compter du 21 juin 2004 M. Jean-Pierre G. pour 98,45% des parts et Mme Danièle A. épouse G. pour 1,55%. Elle bénéficiait d'un compte auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole devenue CRCAM Toulouse 31.

Le 17 novembre 2009, la CRCAM Toulouse 31 a consenti à la S.N.C Les Jardins un prêt de 130.000 € au taux de 9%, remboursable en une mensualité de 141.700 € à l'issue d'un délai de 12 mois. Le même jour, M. Jean-Pierre G. s'est porté caution solidaire de la S.N.C Les Jardins pour 156.000 € sur une durée de trois ans. La S.N.C Les Jardins a également fourni une promesse d'affectation hypothécaire d'un bien.

Après mise en demeure infructueuse du 19 avril 2012 délivrée à la S.N.C Les Jardins et à M. Jean-Pierre G., la CRCAM Toulouse 31 a fait assigner par acte du 15 juin 2012 la S.N.C Les Jardins ainsi que ses deux associés en paiement du solde dû au titre du découvert en compte courant et du prêt.

Par jugement du 5 mars 2014 assorti de l'exécution provisoire le tribunal de commerce de Toulouse

- a déclaré l'action de la CRCAM Toulouse 31 recevable,

- a condamné solidairement la S.N.C Les Jardins, M. Jean-Pierre G. et Mme Danièle G. à lui payer les sommes de 9.814,31 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2012 au titre du solde débiteur du compte, et 161.409,24 € avec intérêts au taux contractuel de 9 % à compter du 16 avril 2012 au titre du prêt,

- a accordé un délai de trois mois aux débiteurs pour se libérer de leur dette,

- les a condamnés solidairement à une indemnité de 2.400 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mme Danièle G. puis la S.N.C Les Jardins ont successivement interjeté appel de cette décision les 9 et 30 avril 2014. Les instances ont été jointes.

Les parties ont respectivement notifié leurs dernières écritures par R.P.V.A aux dates suivantes :

- Mme Danièle G. le 11 septembre 2015,

- la S.N.C Les Jardins et M. Jean-Pierre G. le 2 décembre 2014,

- la CRCAM Toulouse 31 le 18 septembre 2015.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2015.

A l'audience, la cour a interrogé la CRCAM Toulouse 31 sur la clôture du compte courant, et celle-ci a été autorisée à produire une note en délibéré en application des articles 442 et 445 du code de procédure civile.

Par note contradictoire du 27 octobre 2015, la CRCAM Toulouse 31 précise que le compte courant n'est pas clôturé, que sa créance est cependant constituée par le dépassement de l'ouverture de crédit qu'elle a ainsi dénoncé par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 avril 2012.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Il est fait expressément référence, pour plus ample exposé des moyens, aux conclusions visées.

Mme Danièle G. conclut au principal à l'irrecevabilité des demandes à son encontre au visa de l'article L 221-1 du code de commerce, faute par la CRCAM Toulouse 31 d'avoir mis préalablement en demeure la S.N.C Les Jardins, l'action étant poursuivie à une même date contre tous. Subsidiairement, elle conclut au débouté aux motifs qu'elle a cédé l'intégralité de ses parts les 13 et 14 février 2014, durant le délibéré de première instance, et qu'elle n'est plus associée, que le prêt n'entre pas dans l'objet social de la S.N.C Les Jardins ; très subsidiairement elle sollicite les plus larges délais et demande à être relevée et garantie à hauteur de 100% ou à tout le moins de 98,45%, et réclame une indemnité de 3.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La S.N.C Les Jardins et M. Jean-Pierre G. concluent par infirmation du jugement au débouté de la CRCAM Toulouse 31 au motif que le prêt n'entre pas dans l'objet social de la société, et subsidiairement sollicitent les plus larges délais de paiement.

La CRCAM Toulouse 31 conclut à la confirmation du jugement aux motifs que le prêt destiné à obtenir de la trésorerie pour financer une acquisition immobilière entre dans l'objet de la société, que l'assignation et le défaut de paiement à huit jours permettent de fonder les demandes contre les associés, à l'irrecevabilité comme nouvelle de la demande de Mme Danièle G. tendant à être mise hors de cause, subsidiairement à son débouté au motif que l'obligation à la dette de l'associé s'apprécie au jour de l'exigibilité de la dette, et réclame la condamnation solidaire des appelants ainsi que de M. Jean-Pierre G. à une indemnité de 2.500 € en remboursement de ses frais de défense.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la recevabilité des demandes contre Mme Danièle G.

Il ressort des articles L 221-1 et R 221-10 du code de commerce que les créanciers d'une société en nom collectif ne peuvent poursuivre le paiement des dettes contre un associé qu'après avoir vainement mis en demeure la société par acte extrajudiciaire, la vanité de la mise en demeure résultant d'un défaut de paiement ou de constitution de garanties huit jours après la mise en demeure.

L'action contre les associés constitue en effet une action subsidiaire. Or en l'espèce, la CRCAM Toulouse 31 a assigné simultanément la S.N.C Les Jardins et les deux associés en paiement par trois actes du même jour sans justifier avoir délivré à la société un autre acte extrajudiciaire de mise en demeure antérieur, et ce faisant, elle a méconnu les dispositions précitées.

Dans ces conditions, elle est irrecevable en son action engagée prématurément à l'encontre de Mme Danièle G., qui n'est poursuivie qu'en sa seule qualité d'associée, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la situation ayant suivi cette assignation, et notamment du non-paiement par la S.N.C Les Jardins des sommes réclamées, l'irrecevabilité étant constatée lors de l'introduction de l'action.

- sur les demandes au titre du prêt

Aux termes de l'article L 221-5 du code de commerce, le gérant engage la société envers les tiers par les actes qui entrent dans son objet social. L'objet social de la S.N.C Les Jardins est la construction en vue de la vente de tous biens immeubles, la gestion immobilière, et 'généralement toutes opérations immobilières ou mobilières concourant directement ou indirectement à la réalisation de cet objet'.

Pour les motifs pertinents du jugement que la cour adopte, le tribunal a exactement retenu que le prêt in fine contracté auprès de la CRCAM Toulouse 31, entrait bien dans l'objet social de la S.N.C Les Jardins. En effet selon les propres mentions contenues dans l'acte, il s'agissait d'obtenir de la trésorerie en vue d'un investissement de 130.000 €, la CRCAM Toulouse 31 faisant observer qu'elle a obtenu en garantie une promesse d'affectation hypothécaire sur un bien immobilier.

Le prêt est dès lors présumé utilisé conformément à l'objet social et M. Jean-Pierre G. et la S.N.C Les Jardins ne démontrent pas une utilisation différente.

Le jugement est confirmé en ce qu'il condamne solidairement la S.N.C Les Jardins et M. Jean-Pierre G. au paiement des sommes dues dont le montant, conforme aux stipulations contractuelles, n'est pas discuté.

- sur les demandes au titre du solde débiteur du compte courant

Au vu des précisions fournies par la CRCAM Toulouse 31, il est acquis que le solde réclamé correspond à un compte courant non clôturé. La CRCAM Toulouse 31 affirme que sa créance est exigible en raison du dépassement du découvert autorisé de 3.850 €, dépassement dénoncé par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 avril 2012. Cependant, la seule pièce versée au soutien de sa demande est le relevé du compte, et il n'est produit ni conditions générales ni conditions particulières du compte courant, pas plus que l'autorisation du découvert allégué. Dès lors, en l'absence de justification de clauses contractuelles susceptibles de rendre le solde débiteur exigible avant clôture du compte, la banque ne peut qu'être déboutée de sa demande tant à l'égard de la S.N.C Les Jardins que de la caution. En effet, durant le fonctionnement d'un compte courant, il ne peut y avoir de créance exigible au profit d'une partie à l'égard de l'autre. Seule la clôture rend la créance constituée du solde certaine, liquide et exigible.

- sur la demande de délais de paiement

Cette demande fondée sur l'article 1244-1 du code civil est formée par la S.N.C Les Jardins et M. Jean-Pierre G. sans que ces derniers ne fournissent la moindre indication sur leurs situations financières respectives et sur les moyens d'acquitter la dette dans le délai réclamé. Elle est donc rejetée.

En application de l'article 700 du Code de procédure civile , il est alloué à Mme G. l'indemnité fixée au dispositif de cette décision.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu'il condamne solidairement la S.N.C Les Jardins et M. Jean-Pierre G. au paiement des sommes dues au titre du prêt n° T1E0AT010PR, en ce qu'il condamne les mêmes à une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance.

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Déclare la CRCAM Toulouse 31 irrecevable en son action à l'encontre de Mme Danièle A. épouse G..

Déboute la CRCAM Toulouse 31 de sa demande en paiement du solde du compte courant 10283120151.

Déboute la S.N.C Les Jardins et M. Jean-Pierre G. de leur demande en délais de paiement.

Condamne la CRCAM Toulouse 31 à payer à Mme Danièle A. épouse G. une indemnité de 1.200 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la CRCAM Toulouse 31 en cause d'appel.

Dit que les dépens d'appel seront supportés pour 1/3 par la CRCAM Toulouse 31 et pour 2/3 par la S.N.C Les Jardins et M. Jean-Pierre G., dont distraction au profit du conseil de la CRCAM Toulouse 31 par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.