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Décisions

Cass. 1re civ., 16 juin 1998, n° 96-10.718

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Chartier

Avocat général :

M. Sainte-Rose

Avocats :

SCP Rouvière et Boutet, Me Choucroy

Paris, du 24 oct. 1995

24 octobre 1995

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu que, au cours du mois de juin 1988, puis de l'année 1990, M. Louis Y..., expert en tableaux, a effectué à la demande de M. Christian X..., commissaire-priseur, diverses expertises ; que, n'ayant pas été réglé de certains de ses honoraires, il a assigné M. X... en paiement ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 1995) de l'avoir condamné à payer à M. Y... la somme de 371 259,19 francs, avec intérêts, alors, selon le moyen : que, d'une part, il appartenait à M. Y..., demandeur à l'action, de prouver l'existence d'une convention le liant à M. X... et lui garantissant, honoraires d'inventaire payés ou non au commissaire-priseur, une rétribution de 2 % du montant des évaluations faites, de sorte qu'en affirmant que M. X... devait prouver que l'expert avait renoncé à ses honoraires, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve ; alors que, d'autre part, la cour d'appel, qui qualifie de mandat les relations contractuelles liant le commissaire-priseur à l'expert, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, le mandat étant gratuit sauf convention contraire qu'il appartenait à M. Y... de prouver, ce qu'il n'a pas fait, et a ainsi violé les articles 1984 et 1986 du Code civil ; alors que, ensuite, en admettant même qu'il ait existé un usage professionnel consistant en un partage entre M. X... et M. Y..., la cour d'appel ne pouvait condamner le commissaire-priseur sans rechercher au préalable si le client lui avait lui-même réglé des honoraires d'inventaire, et que l'arrêt est ainsi entaché de manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors que, en outre, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de M. X... faisant valoir, justificatifs à l'appui, que ses clients n'avaient réglé aucun honoraire d'inventaire ; alors que, enfin, la cour d'appel ne pouvait sans se contredire admettre, d'une part, que selon les usages professionnels les honoraires d'inventaire sont partagés entre le commissaire-priseur et l'expert, tout en considérant, d'autre part, que le taux de 2 % est conforme à cet usage ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant retenu, par un motif non critiqué, que M. Y... exerce la profession d'expert en tableaux pour laquelle il est normalement rémunéré par ses clients, c'est sans inverser la charge de la preuve qu'elle a jugé qu'il incombait à M. X... de démontrer que M. Y... avait renoncé à ses honoraires ;

Attendu, ensuite, que, gratuit par nature, le mandat est présumé salarié lorsqu'il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle ;

Attendu, en outre, sur les troisième et quatrième branches, que la renonciation par M. X... à ses propres honoraires, consentie dans ses rapports avec ses clients, étant étrangère à la mission confiée par celui-ci à M. Y..., et ne lui étant pas opposable, celles-ci sont inopérantes ;

Et attendu, enfin, que c'est sans se contredire que, dans l'exercice de son pouvoir souverain, la cour d'appel à laquelle il appartenait d'apprécier les honoraires dus, s'est référée aux usages professionnels et aux honoraires versés à M. Y... par M. X... à l'occasion d'autres expertises ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.