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Décisions

Cass. com., 17 février 1998, n° 95-15.952

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Apollis

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Balat, Me Capron

Aix-en-Provence, du 13 avr. 1995

13 avril 1995

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 avril 1995), que la société Goldner a passé une commande de vêtements à la société Shinawatra Fashion House, domiciliée en Thaïlande ; qu'estimant qu'elle n'avait pas été livrée dans les délais, la société Goldner a refusé de payer le prix de la marchandise et a demandé la réparation de son préjudice commercial à la société Shinawatra ; que celle-ci a reconventionnellement réclamé le paiement de sa facture ;

Attendu que la société Goldner fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande et de l'avoir condamnée à payer à sa cocontractante le prix réclamé, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, énoncer d'abord que la date du 2 avril 1991 ne pouvait pas même être retenue comme celle au-delà de laquelle le non-respect du délai de livraison serait effectif, tout en tenant ensuite pour acquise, l'existence d'un retard lié au temps écoulé entre le 20 mars 1991, date de la remise au transporteur, et le 18 avril 1991, date de la réception, ce qui revenait à postuler qu'à compter de la première des deux dates (20 mars 1991), la livraison intervenait hors délais, qu'en statuant ainsi qu'elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que le seul non-respect d'un délai impératif suffit à établir le manquement du débiteur et ouvre droit à réparation du préjudice en ayant résulté ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait condamner la société Goldner au paiement de l'intégralité du prix des commandes, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, malgré les prorogations auxquelles, de fait, celle-ci avait dû se résoudre pour des motifs commerciaux, le non-respect des délais convenus, ne se trouvait pas, eu égard aux contraintes liées au caractère saisonnier du marché du prêt-à-porter, à l'origine d'un préjudice ouvrant droit à réparation ; que la cour d'appel n'a donc pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134, 1146, 1147 et 1610 du Code civil ; alors, de plus, que dans ses conclusions d'appel, la société Goldner soutenait, pièces à l'appui qu'elle s'était résolue à réceptionner la marchandise, sous la réserve expresse d'obtenir une remise de 50 % et à charge de reprise des invendus par le fournisseur ; qu'en cet état, les juges du fond ne pouvaient condamner la société Goldner au paiement du prix intégral de la commande, sans répondre à ce moyen dirimant, puisque de nature à établir que l'acceptation de la marchandise était conditionnelle et que, partant, la société acheteuse s'était réservé toute possiblité de réclamer, sous quelque forme que ce soit, réparation ; que la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que la renonciation ne se présume pas et doit résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en se bornant, pour justifier la condamnation de la société Goldner au paiement de l'intégralité de la commande, à relever que postérieurement au 2 avril 1991, celle-ci avait continué de réclamer la marchandise, qu'elle avait ensuite réceptionnée puis conservée, toutes circonstances que rendaient pourtant ambiguës le non-paiement du prix, de même que les réserves émises lors de l'enlèvement de la marchandise, la cour d'appel n'a pas caractérisé la renonciation de celle-ci à réclamer réparation de son préjudice et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; et alors, enfin, que le débiteur défaillant ou en retard doit réparation au créancier, sauf à établir l'existence d'une cause étrangère exonératoire ;

qu'en refusant d'indemniser la société Goldner du préjudice consécutif au dépassement du délai du 15 mars 1991, motif pris de ce qu'il n'était pas exclu que ce retard fût imputable au transporteur ou à des évènements extérieurs, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles 1315 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu que si l'arrêt relève que la marchandise litigieuse n'a été réceptionnée par la société Goldner que le 18 avril 1991, tandis que, par télex du 13 mars 1991, celle-ci réclamait d'être livrée dans la semaine, il constate que le mandataire de la société Goldner a inspecté, le 19 mars, la marchandise chez la société venderesse et l'a remise ensuite au transporteur pour qu'elle soit expédiée par avion le 20 mars 1991 ; que par ces seuls motifs, d'où il résulte qu'à la date du 19 mars 1991 la société Shinawatra avait rempli son obligation de délivrance conforme, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.