CA Besançon, ch. soc., 3 janvier 2012, n° 11/00009
BESANÇON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Michalski
Défendeur :
Caisse Nationale du RSI
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Deglise
Conseillers :
Mme Boucon, Mme Lamboley-Cuney
Avocats :
Me Lanfumez, Me Picaud
Mr Christian Michalski a été affilié à la caisse nationale du régime social des indépendants (en abrégé RSI) en qualité de gérant non salarié de la Sarl JBPVC jusqu'au 31 août 2006, date de cessation d'activité de celle-ci, puis en qualité de gérant non salarié de la Sarl Districhauffe jusqu'au 30 mai 2008, date à laquelle il a cédé la totalité de ses parts sociales dans ladite société à la Sas Savelys, et a été remplacé par Mr Blondey, avant d'être embauché à compter du 1er juin 2008 en qualité de directeur opérationnel salarié.
Le RSI de Franche-Comté a néanmoins maintenu son affiliation après cette date et exigé le paiement de cotisations provisionnelles, considérant qu'il continuait à exercer une activité indépendante en qualité d'associé des sociétés en nom collectif Calius, Calitop, Calinov, Calinard, domiciliées à Pointe à Pitre en Guadeloupe.
C'est dans ces conditions qu'elle a été amenée à faire signifier à Mr Michalski trois contraintes en date respectivement des 30 octobre 2009, 13 janvier 2010 et 16 mars 2010, en vue du recouvrement des cotisations provisionnelles appelées au titre de l'année 2009, pour les montants de 13 660 €, 11 223 € et 13 224 €, outre majorations de retard.
Mr Michalski ayant formé opposition auxdites contraintes dans les formes et délais légaux, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montbéliard, par jugement en date du 15 novembre 2010 signifié aux parties les 7 et 9 décembre 2010, auquel il est référé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, a considéré que la caisse RSI avait maintenu à bon droit l'affiliation de Mr Michalski au delà du 1er juin 2008, dès lors qu'il reconnaissait sa qualité d'associé dans plusieurs sociétés en nom collectif et que le fonctionnement de celles-ci impliquait nécessairement de sa part une activité professionnelle consistant dans le contrôle et la surveillance de ces sociétés.
En conséquence, après avoir donné acte à la caisse RSI de ce qu'elle avait annulé les trois contraintes litigieuses et pris en charge les frais d'huissier y afférents, après avoir procédé à une révision des cotisations sur la base des revenus déficitaires de l'année 2009, a constaté, sur la demande reconventionnelle de Mr Michalski aux fins de remboursement des sommes versées à hauteur de 50 426 €, l'existence d'un trop perçu de 13 616 € sur les cotisations 2008 et 2009 et condamné la caisse RSI à rembourser celui-ci à Mr Michalski, en rappelant toutefois que cette condamnation pouvait faire l'objet d'une compensation légale avec une éventuelle créance de ladite caisse au titre des cotisations de l'année 2010.
Le tribunal a débouté par ailleurs le requérant de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mr Michalski a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 3 janvier 2011.
Il demande à la cour d'infirmer partiellement celui-ci et statuant à nouveau, de :
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu au maintien de son affiliation au régime social des travailleurs indépendants (RSI) à compter du 1er juin 2008, dès lors qu'il exerce depuis cette date une activité salariée et que la simple détention de parts de sociétés en nom collectif au titre de placements financiers, en l'absence de toute activité industrielle et commerciale ainsi que de toute activité de contrôle ou de surveillance desdites sociétés ne peut impliquer une affiliation au régime des travailleurs non salariés
- dire et juger en tout état de cause qu'en cas d'affiliation audit régime, aucune cotisation n'est due, en vertu des dispositions de l'article L 751-1 du code de la sécurité sociale, instituant une exonération de cotisations pour les sociétés en nom collectif situées dans les départements d'outre-mer.
- qu'enfin, s'agissant de l'année 2008, dire que son activité salariée doit être considérée comme son activité principale au sens de l'article R 613-3 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'aucune cotisation ne peut lui être réclamée au titre du régime des travailleurs indépendants
- condamner la caisse RSI à lui rembourser la somme de 50 426 € versée au titre de la période ayant pris effet le 1er juin 2008, avec intérêts au taux légal à compter du 17 août 2010, date de ses conclusions de première instance
- condamner également la caisse RSI à lui payer une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse nationale du régime social des indépendants demande pour sa part à la cour de :
- confirmer l'affiliation de Mr Michalski au régime social des travailleurs indépendants au titre de son statut d'associé de SNC de défiscalisation
- constater que les contraintes des 30 octobre 2009, 13 janvier 2010 et 16 mars 2010 étaient fondées en leur principe et leur montant au moment de leur signification
- constater que celles-ci ont été annulées du fait du recalcul des cotisations et de la réaffectation des versements effectués en 2008 et qu'elle a pris en charge les frais de signification y afférents
- constater que le dossier de Mr Michalski est en cours de transfert auprès de la CG SS de la Guadeloupe
- constater que la caisse régionale RSI Franche-Comté détient un crédit d'un montant de 27 731 € qui sera affecté sur les cotisations et contributions sociales dont le requérant est redevable auprès de CGSS de la Guadeloupe.
Elle fait valoir :
- qu'il résulte de l'article D. 632-1 du code de la sécurité sociale et d'une jurisprudence constante que tout associé de société en nom collectif est considéré comme travailleur indépendant ; que l'activité d'associé est assimilée à l'exercice d'une activité professionnelle consistant dans le contrôle et la surveillance de la société et entraîne leur affiliation obligatoire au régime social des travailleurs indépendants, même s'ils n'exercent aucune activité dans l'entreprise, peu important qu'il s'agisse de sociétés en nom collectif de défiscalisation
- que s'agissant de SNC de défiscalisation ayant leur siège dans les Dom, les associés qui apportent la preuve de l'exercice exclusif de leur activité dans les Dom peuvent bénéficier de la réglementation sociale des Dom prévoyant des exonérations
- que cependant, Mr Michalski ne peut prétendre à l'exonération totale de ses cotisations et contribution sociales pour 24 mois, alors qu'il n'est pas créateur d'activité dans les Dom mais considéré comme poursuivant une activité relevant du RSI puisqu'antérieurement affilié au titre de sa gérance de la Sarl JB PVC
- que l'exercice d'une activité salariée à partir du 1er juin 2008 à titre principal , ne le dispense ni de l'affiliation au RSI, ni du paiement des cotisations au titre de l'activité indépendante exercée simultanément, fût-elle accessoire, étant observé au surplus que son recours ne concerne que les cotisations de l'année 2009 et non pas celles de l'année 2008
- qu'après régularisation des cotisations effectivement dues au titre des années 2008 et 2009, les contraintes décernées en 2009 et 2010 sur la base des revenus de l'année N-2, soit l'année 2007 (revenus de 120 918 €) ont été annulées sans que soit remis en cause le bienfondé de celles-ci dans leur principe et leur montant lors de leur signification
- que l'affiliation et le calcul des cotisations dues au titre des sociétés en nom collectif de défiscalisation dont le requérant est associé relève de la CGSS de Guadeloupe, seule habilitée à appliquer l'exonération partielle liée à la domiciliation de celles-ci dans les Dom
- que contrairement à ce que soutient l'appelant, le trop perçu ne s'élève pas à 50 426 € ; que celui-ci a versé la somme de 55 434 € du 15 janvier 2008 au 5 septembre 2011 et était redevable au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 août 2008 de la somme de 27 282 €, de sorte que la caisse RSI de Franche-Comté détient un trop-perçu de 27 731 € dont une partie permettra le règlement des cotisations dont le requérant est redevable auprès de la CGSS de Guadeloupe à compter du 1er septembre 2008, que le solde lui sera remboursé en fonction du montant de cotisations restant dû.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le maintien de l'affiliation de Mr Michalski au régime social des indépendants
Aux termes de l'article D. 632-1 du code de la sécurité sociale sont obligatoirement affiliées, en application de l'article L. 622-7, aux caisses de base du régime social des indépendants, en ce qui concerne les sociétés dont l'activité est industrielle ou commerciale, les personnes physiques énumérées ci-après :
1°) les associés des sociétés en nom collectif, les associés de fait, les associés commandités des sociétés en commandite simple et en commandite par actions ;
2°) les gérants de sociétés à responsabilité limitée qui ne sont pas assimilés aux salariés pour l'application de la législation sur la sécurité sociale ;
3°) les associés majoritaires non gérants d'une Sarl exerçant une activité rémunérée au sein de l'entreprise et qui ne sont pas assimilés aux salariés pour l'application de la législation sur la sécurité sociale.
S'agissant des associés des sociétés en nom collectif, qui ont tous la qualité de commerçants en vertu de l'article L 221-1 du code de commerce, cette obligation est générale et d'ordre public et concerne indifféremment les associés gérants ou non gérants des sociétés en nom collectif ayant pour objet de faire bénéficier ces derniers de mesures de défiscalisation, dès lors qu'il s'agit de sociétés commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet et que leur fonctionnement implique nécessairement de la part de leurs associés une activité professionnelle consistant dans le contrôle et la surveillance de la société, étant rappelé que ceux-ci ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales.
La jurisprudence est constante en ce sens et a été réaffirmée dans un arrêt du 16 décembre 2010 de la cour de cassation, 2ème chambre civile.
En l'espèce, il est établi et constant en fait que Mr Michalski n'exerce plus les fonctions de gérant non salarié de la Sarl Districhauffe et occupe un emploi de directeur salarié au sein de celle-ci depuis le 1er juin 2008 ; qu'il est par ailleurs associé de plusieurs sociétés en nom collectif dénommées Calius, Calitop, Calinov et Calinart ayant leur siège social à Pointe à Pitre (Guadeloupe).
Son affiliation au régime général des salariés à compter du 1er juin 2008, n'est absolument pas exclusive de celle au régime social des indépendants.
Il résulte en effet des dispositions de l'article L 613-4 du code de la sécurité sociale que les personnes exerçant simultanément plusieurs activités dont l'une relève de l'assurance obligatoire des travailleurs non salariés des professions non agricoles sont affiliées et cotisent simultanément aux régimes d'assurance maladie et maternité dont relèvent ces activités.
De même, s'agissant de l'affiliation aux régimes d'assurance vieillesse, l'article L 622-2 du code de la sécurité sociale dispose que lorsqu'une personne exerce simultanément une activité salariée et une activité non salariée, elle est affiliée à l'organisation d'assurance vieillesse dont relève son activité non salariée, même si cette activité est exercée à titre accessoire, sans préjudice de son affiliation au régime des travailleurs salariés, et que les avantages qui lui sont dus au titre de ses cotisations à chacun des régimes se cumulent.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit bien fondé le maintien de l'affiliation de Mr Michalski au régime social des indépendants au-delà du 1er juin 2008, en raison de son statut d'associé de sociétés en nom collectif.
Sur la demande de Mr Michalski en remboursement d'un trop perçu des cotisations
Mr Michalski ne peut prétendre au remboursement intégral des cotisations versées par lui au RSI en 2008 et 2009, alors qu'il a exercé à titre principal une activité de gérant non salarié de la société Districhauffe du 1er au 31 mai 2008 et à titre accessoire une activité non salariée d'associé de sociétés en nom collectif à compter du 1er juin 2008, parallèlement à son activité salariée de directeur de la société Districhauffe.
Il résulte des écritures et pièces de la caisse intimée :
- que les cotisations provisionnelles de l'année 2008, calculées sur la base des revenus déclarés en 2006 (N-2) de 116 946 € s'élevaient à la somme de 39 936 € auxquelles s'ajoutaient des régularisations dues au titre de 2006 et 2007 (6231 €) de sorte que Mr Michalski a réglé au total 46 167 € en 2008
- qu'en fonction de ses revenus réels 2008, le recalcul des cotisations effectivement dues s'est élevé à un montant de 27 021 €, d'où un trop-perçu de 19 146 €
- que le montant des cotisations provisionnelles appelées en 2009 sur la base des revenus 2007 (120 918 €) s'élevait à 42 581 €
- que Mr Michalski n'a effectué qu'un versement de 4 259 € en 2009
- qu'après régularisation en fonction des revenus réels 2009 perçus au titre de son activité non salariée, (déficit de 545 €), Mr Michalski n'était plus redevable que de 2 020 € de cotisations au titre d'une base annuelle minimale, ce qui a entraîné l'annulation des contraintes décernées au titre de l'appel des cotisations provisionnelles
- que sous réserve du bénéfice d'exonération partielle ou totale de cotisations au titre des années 2008 et 2009, en application de la réglementation de sécurité sociale applicable aux activités exercées dans les départements d'outre-mer, que la cour n'est pas en état de calculer, le trop perçu à la date du 31 décembre 2009, s'élève à la somme minimale de:
2008 : 19 146 €
2009 : 2 239 €
21 385 €
La caisse intimée ne saurait s'opposer à la restitution de celui-ci, en prévision d'une compensation avec d'éventuelles cotisations dues au titre des années 2010 et 2011, alors qu'il s'agit de cotisations appelées à titre provisionnel au titre d'exercices ayant déjà donné lieu à régularisation ; que Mr Michalski a versé à titre de cotisations provisionnelles au titre de l'année 2010, 2 267 € le 5 mai 2010 et 2 267 € le 7 juin 2010 ;
Que la caisse RSI, au vu des revenus non salariés encaissés par le requérant en 2010 a procédé à l'annulation d'une contrainte décernée pour les cotisations appelées au 3ème trimestre 2010 ; qu'aucun document de régularisation n'est produit par elle et qu'il résulte des documents produits par l'appelant relatifs aux comptes annuels 2010 des sociétés Calinard, Calival, Calius et Calitop que ceux-ci sont déficitaires.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de remboursement d'un trop-perçu de cotisations au titre des années 2008 et 2009 de 21 385 €, sans préjudice d'éventuelles exonérations à intervenir, et des régularisations afférentes aux années 2010 et 2011.
Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La caisse RSI ayant procédé à une rétention abusive de cotisations versées à titre provisionnel après régularisation des montants effectivement dus, il apparaît inéquitable de laisser à la charge de l'appelant l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a exposés dans l'instance.
Il y a lieu de faire droit à sa demande dans la limite de 1 500 €.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dit l'appel recevable et partiellement fondé,
Confirme le jugement rendu le 15 novembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montbéliard, en ce qu'il a dit que le maintien de l'affiliation de Mr Michalski au régime social des indépendants était justifié au titre de sa qualité d'associé de sociétés au nom collectif à compter du 1er juin 2008 et en ce qu'il a donné acte à la caisse RSI de l'annulation des contraintes litigieuses et pris en charge les frais d'huissier afférents à celles-ci,
Infirme ledit jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Condamne la caisse du régime social des indépendants à rembourser à Mr Christian Michalski la somme de vingt et un mille trois cent quatre vingt cinq euros
(21 385 €) à titre de trop-perçu sur cotisations appelées en 2008 et 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2010, date des conclusions du redevable aux fins de répétition de l'indû, sans préjudice des régularisations à intervenir ultérieurement,
Déboute Mr Christian Michalski du surplus de sa demande en l'état,
Condamne également la caisse RSI à payer à Mr Christian Michalski une somme de mille cinq cents euros (1 500 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.