Livv
Décisions

Cass. com., 1 juillet 2003, n° 99-19.328

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Colmar, 1re ch. B, du 3 févr. 1999

3 février 1999

Sur le premier et le second moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 3 février 1999), que MM. Antoine, Ettore et René X... ont constitué en 1976 la société Mécano soudure (la société) au capital réparti entre Antoine (850 parts), Ettore (840 parts) et René (860 parts) ; que M. Ettore X..., gérant de la société, était rémunéré pour cette fonction et bénéficait d'une procuration générale de M. René X... pour le représenter lors des assemblées générales ; que, par délibérations prises au cours des assemblées générales ordinaires tenues les 27 juin 1992 (3e résolution) et 26 juin 1993 (3e résolution), les associés ont décidé d'affecter aux réserves de la société les bénéfices des exercices 1991 et 1992 ; qu'ils ont également, au cours des assemblées générales ordinaires tenues le 18 décembre 1991 et le 12 décembre 1992 (1res résolutions), accordé une prime de bilan au gérant pour les exercices 1991 et 1992 et approuvé, lors de l'assemblée générale ordinaire des 27 juin 1992 et 26 juin 1993 (4es résolutions), pour les mêmes exercices, la rémunération versée à la gérance ; que, sur demande de M. Antoine X... du 3 août 1993, la cour d'appel a annulé, d'une part, les troisièmes délibérations des assemblées des 27 juin 1992 et 26 juin 1993 en tant qu'elles avaient décidé d'affecter les bénéfices aux réserves sous forme d'un compte "report à nouveau", d'autre part, les premières résolutions des assemblées des 18 décembre 1991 et 12 décembre 1992 ayant accordé une prime de bilan au gérant pour les exercices 1991 et 1992 et, enfin, les quatrièmes résolutions des assemblées des 27 juin 1992 et 26 juin 1993 ayant approuvé pour les mêmes exercices la rémunération versée à la gérance ;

Attendu que la SARL Mécano soudure et MM. René et Ettore X... font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1°) que l'intérêt d'une société commerciale est distinct de celui de ses membres et que la non-distribution des bénéfices sociaux et leur incorporation aux capitaux propres permettent à la société de mieux pouvoir faire face à l'avenir ; qu'il s'ensuit que viole l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui considère que la décision systématique des associés majoritaires d'incorporer le bénéfice de l'exercice aux capitaux propres ne correspond pas à l'intérêt social ;

2°) qu'après avoir constaté que M. Ettore X..., associé majoritaire était seul gérant, ne justifie pas légalement sa solution au regard de l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui, faute d'avoir précisé en quoi aurait pu consister la "substantielle rémunération" de M. René X..., associé majoritaire non gérant, et d'indiquer de quelle manière sa situation aurait été différente de celle de M. Antoine X..., associé minoritaire, considère que "les associés majoritaires s'octroyaient de substantielles rémunérations" au détriment de M. Antoine X..., "privé par l'absence de dividendes du seul avantage issu de sa qualité d'associé" ;

3°) que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que la cour d'appel a considéré que la décision prise par les associés majoritaires d'incorporer le bénéfice de l'exercice aux capitaux propres avait eu pour conséquence de priver "l'ensemble" des associés de la rémunération de leurs apports ;

4°) qu'enfin, les parts sociales étant représentatives de l'actif net de la société, ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles 34 et suivants de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 l'arrêt attaqué qui considère que l'incorporation des bénéfices au capital d'une SARL n'a pas pour effet de valoriser les parts des associés ;

5°) qu'ayant constaté que seul l'un des deux associés majoritaires (M. Ettore X...) était gérant, ne justifie pas légalement sa solution au regard de l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui considère que les décisions d'augmenter la rémunération du gérant et de ne pas distribuer de dividendes permettaient de compenser au profit des seuls associés majoritaires la perte de l'avantage correspondant à la répartition de dividendes, sans préciser en quoi aurait consisté la "compensation" dont aurait bénéficié M. René X..., associé majoritaire non gérant ;

6°) qu'ayant constaté que les décisions litigieuses avaient eu pour effet de n'accorder qu'à un seul associé majoritaire, M. Ettore X..., "les fruits de la prospérité de l'entreprise", se contredit dans ses explications, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui énonce ensuite que lesdites décisions permettaient "de compenser au profit des seuls associés majoritaires (à savoir MM. Ettore X... et René X...) la perte de l'avantage correspondant à la répartition des dividendes" ;

7°) qu'en outre, ne justifie pas légalement sa solution au regard de l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui retient l'existence d'un abus de majorité au motif que M. Ettore X... (détenteur de 840 parts aux côtés de M. René X..., détenteur de 860 parts et de M. Antoine X..., détenteur de 850 parts) était un associé majoritaire pour l'unique raison qu'il disposait d'une procuration de M. René X... à l'assemblée générale ordinaire des associés ;

8°) qu'après avoir constaté que la situation de la société Mécano soudure apparaissait "florissante", ne justifie pas légalement sa solution au regard de l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui considère que la prime de bilan allouée au gérant aurait été d'un montant abusif, faute d'avoir vérifié si le montant global de la rémunération annuelle du gérant, salaire et prime de bilan comprise, avait un caractère excessif au regard de la situation financière de la société et des fonctions effectives de l'intéressé ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'entre 1988 et 1995, les bénéfices d'exploitation de l'entreprise sont venus systématiquement accroître le montant des capitaux propres, qui s'élevait en décembre 1995 à la somme de 1 927 814 francs dont 1 647 314 francs au titre du "report à nouveau", sans que cette mise en réserve n'ait eu aucun effet sur la politique d'investissement de l'entreprise tandis que les associés majoritaires ont voté des résolutions octroyant au gérant une prime de bilan de 340 000 francs pour les exercices 1991 et 1992 correspondant à deux fois le montant du bénéfice de l'exercice 1991 et à quatre fois le montant du bénéfice de l'exercice 1992, et approuvant pour les mêmes exercices la rémunération versée à la gérance de 270 920 francs pour 1991 et de 279 110 francs pour 1992 ; que la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que l'affectation systématique des bénéfices aux réserves n'a répondu ni à l'objet ni aux intérêts de la société et que ces décisions ont favorisé les associés majoritaires au détriment de l'associé minoritaire, a caractérisé l'abus du droit de majorité ; que l'abus commis dans l'exercice du droit de vote d'une assemblée générale affecte par lui-même la régularité des délibérations de cette assemblée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.