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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 9 avril 2015, n° 14/01618

CAEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briand

Conseillers :

Mme Beuve, Mme Boissel Dombreval

TGI Coutances, prés., du 27 févr. 2014

27 février 2014

M. X et Mme X ont, le 16 mai 2006, créé la SNC Y qui, par acte sous seing privé du 29 juin 2006, a acquis un fonds de commerce exploité sous l'enseigne "Bar du Havre et épicerie Proxi" à Quineville, pour un prix de 122.000 euros outre le stock tabac et les marchandises.

Le prix de vente a été financé par deux prêts d'un montant de 119.000 euros et 51.000 euros consentis par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie à M. X et Mme X, selon acte sous seing privé des 10 et 12 juillet 2006.

L'acte prévoit un nantissement du fonds de commerce au profit du prêteur qui l'a inscrit le 19 juillet 2006.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie a consenti à la SNC Y, le 9 juillet 2007, un prêt de 35.000 euros et inscrit à ce titre un nantissement sur le même fonds de commerce le 12 juillet 2007.

La SNC Y a, suivant acte reçu par Maître A le 30 juin 2009, cédé le fonds de commerce pour un prix de 185.000 euros.

Après règlement des créanciers inscrits du chef de la SNC Y, la SCP A a consigné la somme de 158.644,44 euros à la Caisse des Dépôts et de Consignations.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie a, par actes des 28,29 novembre et 3 décembre 2013, fait assigner Maître A, M. X, Mme X et la SNC Y aux fins de voir juger que, sur présentation de l'ordonnance à intervenir, le notaire, séquestre des fonds, devra lui remettre la somme de 160.000 euros augmentée des intérêts réglés depuis la consignation.

La SCP A a appelé sur l'instance M. B en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. X.

Vu l'ordonnance de référé rendue le 27 février 2014 par le président du tribunal de grande instance de Coutances rejetant les prétentions de la demanderesse.

Vu les conclusions déposées au greffe pour :

- la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie - CRCAM de Normandie -, appelante, le 19 août 2014

- Mme X et la SNC Y, intimées et appelantes incidentes, le 23 octobre 2014

- M. B en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. X, intimée, le 18 novembre 2014

- la SCP A, intimée, le 27 octobre 2014

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 janvier 2015.

MOTIFS

La CRCAM de Normandie conteste les dispositions ayant retenu que le nantissement constitué sur un bien dont les constituants n'étaient pas propriétaires n'était pas valable.

Elle invoque les règles relatives aux engagements pris au nom des sociétés en formation et soutient que la SNC Y s'est substituée aux époux X.

Elle fait valoir, à titre subsidiaire, que la souscription des prêts qui entre dans l'objet social de la SNC Y s'est inscrite dans le cadre d'une gestion d'affaires.

La SNC Y et Mme X concluent également à l'infirmation des dispositions rejetant la demande de remise de fonds présentée par la banque.

M. B déclare que la liquidation judiciaire de M. X, prononcée au titre de son activité artisanale, est clôturée pour insuffisance d'actif et sollicite sa mise hors de cause.

Elle ajoute ne s'être jamais opposée à la remise des fonds à la banque.

Il est constant que la SNC Y a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés et a donc acquis la personnalité morale avant la souscription des prêts de sorte que les dispositions de l'article 1843 du code civil et 201-6 du code du commerce ne trouvent pas application.

Les prêts pour lesquels a été constitué le nantissement sur le fonds de commerce acquis par la SNC Y ont été souscrits par les deux seuls associés de la société qui en sont également les gérants.

Or, l'article L. 221-5 du code du commerce prévoit que dans les rapports avec les tiers, le gérant d'une société en nom collectif engage la société par les actes entrant dans l'objet social.

Les époux X, co-emprunteurs et gérants, ont donc consenti, dans l'acte de prêt, à la constitution d'un nantissement sur le fonds de commerce.

Il n'est, par ailleurs, pas contesté que les échéances du prêt ont été réglées par la SNC Y.

La dette garantie correspondant à une dette sociale dés lors qu'elle a pour objet le financement de l'acquisition du fonds de commerce, le nantissement constitue un acte entrant dans l'objet social.

C'est dés lors à tort que le premier juge a refusé de faire produire effet au nantissement consenti par les deux associés de la SNC Y sur le fonds de commerce.

La décision déférée est par suite infirmée.

La CRCAM de Normandie demande la restitution des fonds détenus par le notaire à hauteur de 160 000 euros.

La SCP A rétorque qu'ayant réglé la somme de 26 824,54 euros au titre du prêt de 35 000 euros contracté par la SNC Y, la CRCAM de Normandie ne peut réclamer qu'une somme de 119 307,20 €.

Cette dernière somme correspond au décompte établi par la banque au titre du prêt de 170 000 € nanti et n'est pas contestée.

La SCP A justifie avoir réglé à la banque, au titre du prêt nanti de 35 000 euros, la somme de 26.824,54 euros conformément au décompte qui lui avait été adressé par la banque.

Le nouveau décompte produit mentionne les intérêts de retard postérieurs et une indemnité de recouvrement calculée conformément au contrat versé aux débats.

La CRCAM de Normandie est donc fondée à obtenir une somme complémentaire de 5063,12 euros.

Il n'est en revanche pas justifié que le compte n° <...> bénéficie d'une garantie sur le prix de vente du fonds de commerce.

Il est donc fait droit à la demande de la banque à hauteur de 124 370,32 euros.

La demande de mise hors de cause de M. B, à bon droit appelée sur l'instance, est dépourvue d'intérêt.

Les dépens de première instance et d'appel sont supportés par la CRCAM de Normandie qui est à l'origine du contentieux et dans l'intérêt exclusif de laquelle a été engagée l'instance.

Elle est condamnée à régler à la SNC Y et à Mme X une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à 1000 €.

Les autres parties intimées sont, pour des considérations tenant à l'équité, déboutées de leurs demandes présentées sur le fondement susvisé.

Les dispositions ayant alloué une indemnité sur ce même fondement à la SCP A sont réformées.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement.

Infirme la décision déférée à l'exception des dispositions relatives aux dépens de première instance et à l'indemnité allouée à Mme X et à la SNC Y.

Ordonne à la SCP A de remettre à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 124 370,32 euros consignée par Maître A.

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie à régler à Mme X et à la SNC Y une indemnité unique de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

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