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Décisions

Cass. com., 10 février 1998, n° 96-13.380

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Leclercq

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Monod, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Colmar, 1re ch. civ., du 31 oct. 1995

31 octobre 1995

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un certain nombre de commerçants ont souscrit, par l'intermédiaire d'agents de la société Crésus, deux contrats de prestations de services télématiques et publicitaires avec cette société, et avec une autre société liée à elle, ainsi qu'un contrat de location d'un matériel et d'un logiciel informatiques avec la société Locagest, aux droits de laquelle se trouve le Crédit de l'Est;

qu'il était convenu que les loyers dus à celle-ci seraient pris en charge par l'une des sociétés du groupe Crésus;

que les sociétés de ce groupe ont été mises en liquidation judiciaire;

que le Crédit de l'Est a réclamé à M. X..., locataire de matériel et logiciel, ainsi qu'à Mme X..., en sa qualité de caution, le paiement des loyers y afférents ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1116 du Code civil ;

Attendu que, pour écarter la demande reconventionnelle en annulation du contrat de location, fondée sur le dol qui aurait été commis à leur encontre par les agents de la société Crésus, l'arrêt retient que M. et Mme X... ne prouvent pas de manoeuvre dolosive imputable à la société Locagest, celles qui auraient été commises par les représentants du groupe Crésus ne lui étant pas opposables dès lors qu'ils n'étaient pas ses mandataires ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le démarcheur de la société prestataire de services, s'il a, comme M. et Mme X... l'ont prétendu, été chargé par l'établissement de crédit de proposer ses financements aux clients potentiels, puis de les recommander à son approbation, n'est pas, pour la conclusion des contrats, un tiers, et que les manoeuvres dolosives de ce démarcheur, viciant le consentement des clients, sont, en ce cas, opposables à l'établissement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 1217 et 1218 du Code civil ;

Attendu que, pour écarter la demande reconventionnelle en résiliation du contrat de location, en conséquence de celle des contrats conclus avec les sociétés du groupe Crésus, l'arrêt retient que l'interdépendance de ces trois contrats ne peut être simplement subjective, mais doit résulter des termes mêmes du contrat de location, celui-ci indiquant, au contraire, que son objet est limité à la fourniture du matériel informatique et rien ne prouvant que la société Locagest s'est associée au montage des opérations ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher si la simultanéité de la conclusion et de la mise à exécution des contrats de location et de prestations de services, l'étroite coordination entre les dates d'échéances des loyers et celles prévues pour le versement de leurs montants aux commerçants par le groupe Crésus, la seule intervention d'un préposé d'une société de ce groupe pour négocier les contrats dans l'intérêt commun de son employeur, et de l'établissement de financement, l'absence de vérifications ou sélections de la part de celui-ci, après de tels démarchages de nouveaux clients, n'impliquaient pas l'organisation préalable d'une collaboration entre les représentants du groupe Crésus et la société Locagest, ou tout au moins une nécessaire information de cette dernière sur la finalité et les modalités des opérations menées par le groupe et si, dès lors, ses financements n'avaient pas été consentis en considération des prestations promises par ce groupe aux commerçants adhérents, ce dont résulterait une indivisibilité de l'ensemble des relations contractuelles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 octobre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.