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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 8 octobre 1999, n° 1997/06377

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sanchez Turon

Défendeur :

Caisse Centrale des Banques Populaires (SA), Banque La Benin (SA), Anjou Madeleine (Sté), Spafica (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Desgrange

Conseillers :

M. Douche, M. Savatier

Avoués :

Me Pamart, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau, SCP Valdelièvre-Garnier

Avocats :

Me Rives-Lange, Me Smilevitch, Me Cohen-Steiner, Me Chardigny

T. com. Paris, 2e ch., du 7 janv. 1997, …

7 janvier 1997

La société en nom collectif RODEFI, marchand de biens, dont le capital était détenu par MM. SANCHEZ TURON et BOUSQUET a acquis, en 1989, un immeuble pour un prix de 62.373.000 F paye à l'aide d’un prêt consenti par la BANQUE WORMS. En juin 1991, la caisse centrale des banques populaires (CCBP) agissant pour son compte et pour celui de la BANQUE LA HENIN, a accordé à la société RODEFI une ouverture de crédit d'un montant global de 98.000.000 F pour lui permettre de rembourser la BANQUE WORMS et assurer le portage financier de I'immeuble jusqu’à sa vente.

Confronté à des difficultés liées à la crise touchant les activités immobilières, M. BOUSQUET a demandé un règlement amiable de la loi du 1er mars 1984, des problèmes rencontrés avec ses créanciers. Un accord a ainsi été conclu avec la CCBP le 30 juin 1992, relatif à l'opération entreprise par la société RODEFI. Aux termes de cet acte M. BOUSQUET s'est engagé, d'une part, à convoquer une assemblée générale extraordinaire de la société RODEFI à l'effet d'augmenter le capital de celle-ci, augmentation de capital réservée à la CCBP ou son substitué et à M. SANCHEZ TURON, d'autre part, à céder sa participation dans la société à la CCBP ou à toute société de son groupe.

A la suite de l'exécution de ce protocole, le capital de la société RODEFI s'est trouvé ainsi reparti : M. SANCHEZ TURON 1250 parts, la société SPAFICA (filiale de la CCBP) 625 parts, la société ANJOU MADELEINE (filiale de la BANQUE LA HENIN) 625 parts.

La société RODEFI a consenti, en avril 1994, une promesse de vente de I'immeuble à la société MEUNIER PROMOTION, mais à un prix insuffisant pour permettre à la société RODEFI de rembourser ses dettes bancaires. La BANQUE LA HENIN et la CCBP ont alors accepté la réalisation de l'opération, mais à la condition que les associés apportent, en compte courant, la différence entre le prix obtenu et les sommes restant dues au titre des crédits consentis. M. SANCHEZ TURON a versé 1. 144.270 F et a signé le 12 avril 1994 un acte par lequel “en sa qualité d’associé de la société RODEFI et à raison de l’incapacité de ladite société à rembourser la banque du solde des sommes par elle dues dans le cadre de l’ouverture de crédit, [il] se reconnait débiteur à l’égard de la banque de 24 000 000 F”. Des délais pour le paiement du solde exigible lui étaient accordés.

M. SANCHEZ TURON a ensuite été révoqué de ses fonctions de gérant de cette société et un administrateur a été désigné aux fins de procéder à la vente de I'immeuble promis à la société MEUNIER PROMOTION.

M. SANCHEZ TURON a demandé la restitution des sommes versées à la CCBP en soutenant que, par l'effet des dispositions de l’accord conclu le 30 juin 1992 par celle-ci avec M. BOUSQUET, déchargeant cet associé, solidairement tenu des dettes sociales de la société RODEFI, les autres associés se trouvaient libérés de leurs obligations envers la banque.

II a demandé la nullité de la convention mettant à sa charge et à celle des autres associés de la société RODEFI, les sommes qu'elles y ont apportées. II a réclamé aussi que soit versé à celle-ci le produit de la vente de I'immeuble et des dommages intérêts. Enfin, M. SANCHEZ TURON a demandé réparation du préjudice causé par sa révocation, alléguée abusive, de ses fonctions de gérant.

Par jugement du 7 janvier 1997, le Tribunal de Commerce de Paris a, notamment, rejeté l'intégralité des demandes présentées par M. SANCHEZ TURON agissant personnellement et au nom de la société RODEFI. Le tribunal a constaté que la dette de la société RODEFI à l’égard de la CCBP s’élève à la somme de 54 000 000 F, a ordonné au séquestre du prix de vente de l'immeuble de verser à cette dernière la somme de 44 600 000 F, a condamné M. SANCHEZ TURON à lui verser la somme de 6 000 000 F.

M. SANCHEZ TURON et la société RODEFI "agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité" à son siège ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs conclusions récapitulatives déposées le 9 septembre 1998, ils font valoir :

- que la société est valablement représentée par M. SANCHEZ TURON, puisque tous les associés sont cogérants faute que celui-ci ait été remplacé après sa révocation.

- qu’ils sont en droit de se prévaloir de la convention de règlement amiable du 30 juin 1992, qui a été versée aux débats par les sociétés SPAFICA et ANJOU MADELEINE.

- qu’en application de l’article 1285 du Code civil, ils sont libérés de la dette à raison de la remise consentie à leur codébiteur solidaire, M. BOUSQUET par l’acte du 30 juin 1992.

- qu’ils en sont également déchargés par application de l’article 1281 du Code civil, une novation par changement de débiteur étant intervenue le 25 janvier 1993 ce qui résulte d’une lettre de la société SPAFICA à M. BOUSQUET, laquelle a été acceptée par la CCBP.

- que M. SANCHEZ TURON est en droit d’agir en répétition des sommes qu'il a payées dans l’ignorance de sa libération.

-  que la révocation de celui-ci de ses fonctions de gérant est intervenue sans juste motif de sorte qu’il est fonde à en demander réparation.

Subsidiairement ils font encore valoir qu’en application de l’article 1210 du Code civil, il faut déduire la part de M. BOUSQUET des sommes qui peuvent leur être réclamées.

Ils demandent, en conséquence, l’infirmation du jugement, le rejet des demandes des autres parties et que soit jugé :

- que les actifs de la société RODEFI seront répartis entre ses associés au prorata de leur quote-part dans le capital.

- que le prix de vente de l’immeuble sera versé entre les mains de cette société.

- que la CCBP remboursera les frais de mainlevée d’hypothèques à hauteur de 400 000 F, ainsi que l’acompte de 5 000 000 F versé lors de la promesse de vente.

- que l’accord du 12 avril 1994 est nul.

- que la CCBP doit rembourser à M. SANCHEZ TURON la somme de 25 144 270,81 F, indument versée, avec intérêts au taux légal à compter de chacun des versements effectués, et à compter du 10 novembre 1995, date de l’assignation.

et, subsidiairement, si la cour fait application de l’article 1210 :

- qu’il soit constaté que la société RODEFI est libérée, de sorte que le prix de vente lui sera attribué et les frais de mainlevée d’hypothèques remboursés.

- que la CCBP soit condamnée à payer à M. SANCHEZ TURON la somme de 72 135,41 F en remboursement de l’indu, ou celle de 25 072 135,40 F s’il n’était pas fait droit à la demande de la société.

M. SANCHEZ TURON demande encore que les sociétés SPAFICA et ANJOU MADELEINE soient condamnées solidairement à lui payer la somme de 500 000 F de dommages intérêts pour l’avoir révoqué sans juste motif.

II sollicite la condamnation solidaire de la CCBP de la BANQUE LA HENIN et des sociétés SPAFICA et ANJOU MADELEINE à lui verser la somme de 100 000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La CCBP, par conclusions récapitulatives déposées le 6 octobre 1998, conteste la recevabilité de l'appel en ce qu’il est interjeté par la société RODEFI, l’organe social indique étant dépourvu de pouvoir.

Elle soulevé la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt de M. SANCHEZ TURON à agir dans l'intérêt de la société RODEFI.

Au fond, elle conteste la libération dont ceux-ci se prévalent. Elle soutient que l’associé en nom collectif n’est pas débiteur principal de l’obligation contractée par la société, que les associés ne sont pas codébiteurs entre eux. Elle indique qu’elle n’a pas consenti une remise de dette à M. BOUSQUET et que les articles 1281 et 1285 du Code civil ne sont pas applicables en l’espèce, des lors que l'accord de 1992 est intervenu dans le cadre d’une procédure de règlement amiable.

Elle fait valoir que l’accord du 12 avril 1994 est valable puisqu’il a été conclu avec un professionnel de l'immobilier qui connaissait l’existence de la convention de 1992.

La CCBP demande la confirmation du jugement et que M. SANCHEZ TURON soit condamné à lui verser les sommes de 200 000 F à litre de dommages intérêts, et de 50 000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La BANQUE LA HENIN et la société ANJOU MADELEINE, dans leurs conclusions récapitulatives déposées le 8 octobre 1998, présentent des moyens identiques à ceux de la CCBP. Elles font valoir que les lettres invoquées par les appelants pour soutenir qu’une novation serait intervenue n’établissent pas celle-ci, la société SPAFICA, acquéreur des parts dans la société en nom collectif de M. BOUSQUET, se bornant à indiquer à celui-ci qu’elle ferait son affaire des dettes sociales auxquelles il demeurait tenu.

Elles soutiennent qu’en définitive M. SANCHEZ TURON n’a pas supporté plus que sa part dans la dette puisqu’il s’est seulement engagé à verser la moitié des sommes restant à charge des associés après la vente. Elles invoquent le caractère abusif de la procédure.

Elles demandent au fond la confirmation du jugement, la condamnation de M. SANCHEZ TURON à leur payer la somme de 300 000 F à litre de dommages intérêts pour procédure abusive et celle de 100 000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société SPAFICA, dans ses conclusions récapitulatives du 6 octobre 1998, présente les mêmes moyens d’irrecevabilité et, au fond, soutient qu’il existait un motif de révoquer M. SANCHEZ TURON de ses fonctions de gérant, puisqu’il entendait obtenir mainlevée pure et simple de I'inscription hypothécaire dont bénéficiait le créancier de la société et le remboursement par celui-ci des sommes versées entre ses mains, cela au mépris des actes de prêts et sans contrepartie, ce qui risquait de provoquer la non réalisation de la promesse de vente et l’execution forcée de celle-ci avec versement de dommages intérêts.

Elle demande la confirmation du jugement et la condamnation de M. SANCHEZ TURON à lui payer les sommes de 50 000 F à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et de 30 000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur l’exception d’irrecevabilité de l’appel :

Considérant qu’il est constant que l’assemblée générale de la société RODEFI en date du 13 novembre 1995 a révoqué l’unique gérant, M. SANCHEZ TURON, sans qu’un successeur lui ait été désigné, faute d’accord des associés ; que les statuts n’avaient pas prévu cette situation ; que s’ils indiquent, notamment en leur article 14, § 1, que “la société est administrée par un gérant associé en nom”, ils n’excluent pas, pour autant, la possibilité d’une co-gérance ; qu’au contraire, les articles 13, 22 et 27 envisagent expressément la co-gérance ; qu’ainsi, en l’absence de stipulation contraire des statuts et de désignation d’un gérant unique, chacun des associés se trouvait être gérant, comme le prévoit l’article 12 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Qu’il s’ensuit que M. SANCHEZ TURON a pu, en qualité de co-gérant, agir au nom de la société RODEFI et former appel au nom de celle-ci; que la déclaration d’appel n’est donc pas entachée de l’irrégularité invoquée par les intimés qui ne justifient pas s’y être expressément opposées ;

Considérant que la fin de non-recevoir tirée de ce que M. SANCHEZ TURON agirait à titre personnel dans l’intérêt de la société RODEFI est sans portée dès lors qu’est reconnue la recevabilité à agir de celle-ci et qu’elle forme elle-même les demandes dont font état les intimées ;

Sur la nature des liens existant entre la société en nom collectif et ses associés :

Considérant qu’aux termes de l’article 10 de la loi du 24 juillet 1966, les associés en nom collectif répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales; que, pour autant, ils ne sont pas codébiteurs de la société, notamment parce qu’ils ne se sont pas engagés personnellement avec elle; que leur obligation, qui tient de la loi et ne peut être modifiée par les statuts, n’a qu’un caractère subsidiaire, la société devant être poursuivie avant eux ; que, d’ailleurs, la dette étant une dette de la société, l'associé qui l'aurait payée peut en demander le remboursement intégral à celle-ci ;

Considérant qu’il en résulte que la société RODEFI n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 1285 pour soutenir être déchargée de ses obligations de remboursement de I'ouverture de crédit, que la CCBP lui avait consentie, en invoquant l’acte du 30 juin 1992 intervenu entre ses créanciers et M. BOUSQUET, l’un des associés ;

Considérant que, des lors que la société demeure tenue de la dette l’un des associés ne saurait s’en prétendre libéré, fut-ce partiellement, en invoquant la décharge consentie par le créancier de la société à un autre associé ; qu’en effet cela contredirait les dispositions de l'article 10 ; qu’ainsi, M. SANCHEZ TURON demeure tenu, à l’égard des créanciers, de toute la dette ;

Sur la nature des liens existant entre les associés de la société en nom collectif:

Considérant, cependant, que l'associé qui a payé conserve la possibilité d’exercer un recours pour sa part contributive contre l’autre associé tenu solidairement avec lui ; que c’est d’ailleurs ainsi que les parties à l'acte du 30 juin 1992 avaient analyse la portée de leur accord de ne pas poursuivre M. BOUSQUET, puisqu’elles avaient pris soin de prévoir que ce dernier serait garanti au cas de recours récursoire de l’un de ses coobligés solidaires ;

Considérant qu’il y a encore lieu d’observer que par cet acte, le créancier n’avait pas consenti une remise de dette à M. BOUSQUET, mais avait accepté de renoncer à le poursuivre en conséquence de la signature d’une convention par laquelle celui-ci s’engageait à céder au nominal sa participation dans le capital de la société RODEFI à la CCBP ; qu’il apparait ainsi que cette renonciation à lui demander paiement de la dette de la société RODEFI, intervenue au cours d’un règlement amiable, était la contrepartie de la cession, dont il n’est pas contestable qu’intervenue dans le cadre d’une procédure de règlement amiable, elle s’apparentait à un abandon de biens ; qu’en outre, seule cette renonciation permettait à M. BOUSQUET d’avoir l’assurance d’échapper aux poursuites, puisque la cession de ses parts sociales n’avait pas pour effet de le libérer de son obligation à la dette de la société, celle-ci étant née antérieurement à la cession ;

Considérant enfin que l’absence de volonté de la CCBP de consentir une remise de dette ressort des dispositions de l’article 4 de l'acte du 30 juin 1992 par lesquelles celle-ci accorde à M. BOUSQUET sa garantie “contre les conséquences de toutes actions récursoires de co-débiteurs qui auraient payés plus que leur part” ; qu’en effet, à suivre la thèse développée par M. SANCHEZ TURON, qui se prévaut de cet acte, si celui-ci avait comporté une remise de dette, dont pouvait se prévaloir la société et l'autre associé, il n’était pas besoin de prévoir une telle garantie, le recours récursoire n’ayant, selon cette thèse, plus d’objet, la dette étant éteinte à regard de tous ; qu’au contraire, cette clause s’explique puisque, malgré la cession de ses parts sociales, M. BOUSQUET demeurait tenu de la dette de la société née avant la cession ;

Considérant encore que, contrairement à ce que soutient M. SANCHEZ TURON, il n’y a pas eu novation par changement de débiteur, puisque si le nouvel associé, la société SPAFICA, s’est considérée tenue de la dette par suite du rachat des parts de M. BOUSQUET, ce n’est pas par un effet de la volonté des parties, mais par application des dispositions de l’article 10 de la loi précitée, le nouvel associé étant garant de tout le passif de la société, fut-il né antérieurement à son entrée dans celle-ci ;

Sur la validité de l’accord du 12 avril 1994, et le caractère indu des paiements :

Considérant que M. SANCHEZ TURON ne saurait prétendre que son consentement a été vicié par l’effet du dol de la CCBP qui ne lui aurait pas communiqué les termes de l’accord du 30 juin 1992, lorsque, par acte du 12 avril 1994, il a accepté de verser la somme de 24 000 000 F en remboursement de l'ouverture de crédit consentie à la société RODEFI;

Que, professionnel averti de l’immobilier, il s’est nécessairement tenu informé des dispositions de l’accord intervenu entre la CCBP et M. BOUSQUET, son unique associé dans la société en nom collectif, à l’issue d’une procédure de règlement amiable à laquelle il a été convoqué ; que M. BOUSQUET a d’ailleurs fait état dans cet acte de l’accord de principe de M. SANCHEZ TURON ; que ce dernier a concouru à son exécution en participant à l’augmentation de capital prévue, et en acceptant la cession des parts sociales de M. BOUSQUET dans les conditions stipulées ; que la connaissance qu’il avait de cet accord ressort aussi des termes de la note du 21 janvier 1993 qui en fait état et qui émane du groupe REALMUR qu’il anime ;

Considérant qu’enfin, il ne saurait prétendre que cet engagement serait entaché d’erreur et dépourvu de cause, alors qu’en sa qualité d’associé il était tenu de la dette et que, comme il a été dit, il ne pouvait se prévaloir d’une libération fondée sur les articles 1281 ou 1285 du Code Civil;

Considérant qu’il s’ensuit que les paiements effectués par M. SANCHEZ TURON ne sont pas indus ; que le moyen pris de ce chef n’est donc pas fondé ;

Sur la part de la société RODEFI et M. SANCHEZ TURON:

Considérant que la société RODEFI restait tenue de l’intégralité de la dette qu’elle avait contractée, qu’elle n’est donc pas fondée à prétendre en être partiellement libérée à proportion de la part de M. BOUSQUET dans le capital social, par l’effet de la décharge de solidarité bénéficiant à celui-ci qu’elle invoque ;

Considérant que M. SANCHEZ TURON a versé une somme totale de 25 144 270 F qui représente moins de la moitié de la dette sociale que le tribunal a fixé à 54 000 000F sans être critiqué ; qu’associé participant au capital social pour moitié, il n’a donc pas versé plus que la part à laquelle il devait contribuer ;

Considérant que contrairement à ce qui est prétendu par les appelants, la CCBP n’a jamais été associée de la société RODEFI, puisque c’est la société SPAFICA qui a souscrit à l'augmentation de capital et acquis les parts de M.BOUSQUET;

Que les moyens des appelants pris de l’application des articles 1210, 1300 et 1301 du Code civil manquent donc en fait et ne peuvent qu’être rejetés;

Sur la demande de dommages intérêts présentée par les appelants :

Considérant que les appelants imputent aux sociétés SPAFICA et ANJOU MAINE, ainsi qu’à leurs sociétés mères, des manoeuvres “dans le seul but que la CCBP et la BANQUE LA HENIN perçoivent 50 000 000 F” ;

Que, cependant, il ne saurait être imputé à faute aux associés de la société RODEFI, tenus des dettes sociales de celle-ci, d’avoir agi pour libérer la société et eux-mêmes de ces dettes ; que la volonté de parvenir à la réalisation de la vente de l'immeuble social ne caractérise pas une faute dès lors qu’il n’est pas établi que cette vente serait intervenue dans des conditions défavorables aux intérêts de la société RODEFI;

Considérant que les appelants soutiennent aussi que la révocation de M. SANCHEZ TURON par l'assemblée générale des associés de la société RODEFI le 13 novembre 1995 serait intervenue sans juste motif;

Considérant cependant qu’il est constant qu’en sa qualité de gérant M. SANCHEZ TURON s’opposait aux opérations de vente de l'immeuble social dans les conditions acceptées par le créancier de la société RODEFI, alors que l’échec de cette vente aurait conduit la CCBP à engager une procédure de vente forcée, ce qui aurait été préjudiciable à la société ; qu’en réclamant à la CCBP mainlevée des suretés réelles lui bénéficiant et en lui réclamant la restitution des sommes qu’elle avait reçues en remboursement des crédits qu’elle avait consentis, il ne pouvait que provoquer un conflit avec le créancier de la société et pousser celui-ci à agir en remboursement des sommes qui lui étaient dues ;

Considérant que les autres associés, en désaccord sur cette stratégie qui s’est révélée, au résultat de la présente instance, mal fondée en droit, avaient donc un juste motif de révoquer le gérant dont l’action était directement contraire à l’intérêt social;

Considérant que la demande présentée de ces chefs par les appelants n’est donc pas fondée ;

Considérant qu’ainsi, aucun des moyens et aucune des prétentions de la société RODEFI et de M. SANCHEZ TURON ne peuvent être accueillis ; que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Sur les demandes de dommages intérêts présentées par les intimées :

Considérant que les appelants n’ont pas hésité à soutenir en première instance et en appel une thèse qui conduirait à les dispenser de toute part dans la dette de la société RODEFI, dette dont ils ne contestaient pourtant pas la réalité du fait du défaut de remboursement de l’ouverture de crédit qui avait été consentie à cette société, de sorte qu’en supportant seulement sa part dans l’augmentation du capital social, porte de 25 000 F à 250 000 F, prévu à la convention du 30 juin 1992 , M. SANCHEZ TURON soutenait avoir droit à sa part en sa qualité d’associé dans le prix de vente de l’immeuble s’élevant à 50 000 000 F, soit la moitié de celui-ci; qu’en soutenant de tels moyens qui ont été rejetés, par le tribunal et par la cour, au mépris de la reconnaissance de dette signée par M. SANCHEZ TURON le 12 avril 1994, et alors qu’il ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnel de l’immobilier, les efforts qu’avaient consentis les banques à la suite de cette opération, et en poursuivant en appel la procédure, M. SANCHEZ TURON, qui n’a pas agi de bonne foi, a commis une faute dont il doit réparation aux sociétés intimées;

Que la cour trouve dans les circonstances de la cause les éléments pour fixer leurs préjudices comme il sera indiqué au dispositif;

Considérant que l’équité commande de condamner M. SANCHEZ TURON à verser au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, les sommes qui seront indiquées au dispositif;

PAR CES MOTIFS :

Déclare recevables les appels formés par la société RODEFI et M. SANCHEZ TURON,

Y ajoutant,

Condamne M. SANCHEZ TURON à payer : - à la CAISSE CENTRALE DES BANQUES POPULAIRES la somme de 100 000 F à litre de dommages intérêts, outre celle de 50 000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à la BANQUE LA HENIN et à la société ANJOU MADELEINE la somme de 100 000 F à titre de dommages intérêts, outre celle de 50 000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à la société SPAFICA la somme de 20 000 F à titre de dommages intérêts, outre celle de 30 000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne M. SANCHEZ TURON aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avoués concernés comme il est dit à l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.