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Décisions

CA Versailles, 14e ch., 11 mai 2017, n° 16/05403

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Boulangerie La Grâce De Dieu (SARL)

Défendeur :

Actipierre 3 (Sté), Boulangerie Du Lac 1878 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sommer

Conseillers :

Mme Grison-Pascail, Mme Soulmagnon

CA Versailles n° 16/05403

10 mai 2017

FAITS ET PROCÉDURE,

Par acte authentique du 29 mars 1990, M. et Mme L., aux droits desquels vient la société Actipierre 3, ont consenti à M. et Mme D. un bail portant sur des locaux à usage commercial situés [...].

Par acte en date du 10 avril 1998, M. et Mme D. ont cédé leur fonds de commerce à la société Le Canotier, qui l'a elle-même cédé, selon acte du 19 décembre 2008, à la société Boulangerie du Lac.

Selon acte sous-seing privé du 6 janvier 2010, la société Actipierre 3 a renouvelé au profit de la société Boulangerie du Lac le bail commercial pour une durée de neuf ans à effet rétroactif au 1er octobre 2009.

Par acte authentique du 30 janvier 2010, la société Boulangerie du Lac (dénommée maintenant la société Boulangerie la Grâce de Dieu) a cédé son fonds de commerce à la société Boulangerie du Lac1878.

Le 30 septembre 2014, la société Actipierre 3 a fait délivrer à la société Boulangerie du Lac1878 un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue au bail, pour un montant de 8.420,43 euros au titre de l'arriéré locatif du au 2 septembre 2014.

Ce commandement a été dénoncé à la société Boulangerie la Grâce de Dieu par acte d'huissier du 9 décembre 2014.

Ce commandement étant resté infructueux, la société Actipierre 3 a fait assigner le 29 janvier 2014 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles la société Boulangerie du Lac1878 et la société Boulangerie la Grâce de Dieu aux fins de:

- constater l'acquisition de la clause résolutoire,

- ordonner l'expulsion avec l'assistance de la force publique et l'enlèvement des meubles,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation,

- condamner la société Boulangerie du Lac1878 au paiement d'une somme de 11.621,09 euros au titre des arriérés de loyers arrêtés au 31 octobre 2014 avec les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2014 et capitalisation des intérêts,

- condamner la société Boulangerie la Grâce de Dieu à relever et garantir la société Boulangerie du Lac1878 au bénéfice de la société Actipierre 3, à hauteur du montant des condamnations prononcées contre la société Boulangerie du Lac1878,

- condamné solidairement la société Boulangerie du Lac1878 et la société Boulangerie la Grâce de Dieu au paiement d'une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance en date du 23 avril 2015, le juge des référés a:

- Renvoyé les parties à se pourvoir au principal mais dès à présent,

- Constaté la résiliation à la date du 31 octobre 2014 du bail conclu entre la société Actipierre 3 d'une part et la société Boulangerie du Lac1878 d'autre part et portant sur des locaux commerciaux sis [...],

- Dit que les lieux loués à la société Boulangerie du Lac1878 devront être libérés dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et à défaut, ordonne l'expulsion de la société Boulangerie du Lac1878 et de tous occupants de son chef à l'expiration de ce délai, avec l'assistance de la force publique et l'enlèvement des meubles si nécessaire,

- Fixé l'indemnité d'occupation due par la société Boulangerie du Lac1878 au montant du loyer majoré des charges,

- Condamné la société Boulangerie du Lac1878 à payer à la société Actipierre 3 la somme de 11.621,09 euros à titre de provision, avec les intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2014 et capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière,

- Condamné la société Boulangerie La Grâce de Dieu à relever et garantir la société Boulangerie du Lac 1878, au bénéfice de la société Actipierre 3, à hauteur du montant des condamnations prononcées par la présente ordonnance contre la société Boulangerie du Lac1878,

- Rejeté le surplus de la demande,

- Condamné solidairement la société Boulangerie du Lac1878 et la société Boulangerie La Grâce de Dieu aux dépens.

La société Boulangerie la Grâce de Dieu a interjeté appel le 15 juillet 2016 de la décision.

Par dernières conclusions reçues au greffe le 20 janvier 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Boulangerie la Grâce de Dieu demande à la cour de:

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la société Boulangerie la Grâce de Dieu,

- infirmer l'ordonnance de référé du 23 avril 2015 qui l'a condamnée à régler solidairement à la société Actipierre 3 la somme de 11 621, 09 euros, les intérêts, de même que les dépens ;

Statuant à nouveau,

- relever la société Boulangerie la Grâce de Dieu de toute garantie solidaire à l'égard de la société Boulangerie du Lac1878,

- rejeter les demandes plus amples et contraires de la société Actipierre 3,

- condamner la société Actipierre 3 à verser la somme de 2 000 euros à la société Boulangerie la Grâce de Dieu au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Actipierre 3 aux entiers dépens dont distraction au profit de Me P. conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Par dernières conclusions reçues au greffe le 23 janvier 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Actipierre 3 demande à la cour de:

- confirmer l'ordonnance du 23 avril 2015 en toutes ses dispositions,

- débouter la société Boulangerie la Grâce de Dieu de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Boulangerie la Grâce de Dieu à payer à la société Actipierre 3 une somme

de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction, pour ceux le concernant, au profit de Me G., avocat au barreau de Versailles.

Par dernières conclusions reçues au greffe le 30 janvier 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Boulangerie du Lac 1878 sollicite de la cour de:

- confirmer l'ordonnance de référé du 23 avril 2015 en toutes ses dispositions ;

- débouter la société Boulangerie la Grâce de Dieu de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions :

- condamner la société Boulangerie la Grâce de Dieu à payer à la société Boulangerie du Lac1878 une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Boulangerie la Grâce de Dieu aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me P., avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 février 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

La société Boulangerie la Grâce de Dieu fait valoir que les dispositions de l'article L. 145-16-2 du code de commerce issues de la loi du 18 juin 2014 sont applicables depuis le 1er septembre 2014 à tous les baux commerciaux conclus avant ou après la promulgation de la loi Pinel et elle considère dès lors que sa garantie solidaire, née de la cession de son fonds de commerce le 30 janvier 2010, ne peut être appelée.

Elle sollicite en conséquence l'infirmation de l'ordonnance qui l'a condamnée au paiement solidaire de la dette locative avec le cessionnaire, la société Boulangerie du Lac1878.

La société Actipierre 3 et la société Boulangerie du Lac1878 considèrent que cet article de la loi Pinel ne régit que les cessions de bail commercial intervenues depuis le 19 juin 2014, date de publication de la loi et n'est donc pas applicable à la cession intervenue le 30 janvier 2010.

Elles demandent dès lors la confirmation de l'ordonnance rendue.

L'article L. 145-16-2 du code de commerce dispose que 'si la cession du bail commercial s'accompagne d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l'invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail.'

Les parties ne critiquent ni les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives à l'acquisition de la clause résolutoire et à la résiliation du bail ni celles relatives au montant de la condamnation provisionnelle et à la fixation de l'indemnité d'occupation.

L'appel de la société Boulangerie la Grâce de Dieu porte uniquement sur l'application dans le temps de la garantie de la société cédante.

Il n'est pas discuté que dans l'acte de cession du fonds de commerce du 30 janvier 2010 en page 7 conclu entre la société Boulangerie du Lac et la société Boulangerie du Lac1878, le cédant, c'est à dire la société Boulangerie du Lac dénommée maintenant la société Boulangerie la Grâce de Dieu, s'est engagé à rester garant et solidaire du paiement des loyers ainsi qu'il résulte des charges et conditions du bail commercial initial annexé au contrat de cession.

L'article L. 145-16-2 issu de la loi Pinel a modifié la portée de la clause de garantie puisque, jusqu'à présent, cette garantie pouvait être mise en jeu jusqu'à la fin du bail en cours, alors que désormais, elle ne peut plus l'être que pour trois ans à compter de la cession.

L'article 21 de la loi du 18 juin 2014 portant dispositions transitoires ne vise pas l'article 8 de la loi, devenu le nouvel article L. 145-16-2 du code de commerce.

Il en résulte que cette disposition nouvelle est d'application immédiate et est entrée en vigueur au 20 juin 2014, c'est à dire le lendemain de la publication de la loi. Pour autant, elle ne peut trouver à s'appliquer, en application du principe de non rétroactivité de la loi, aux contrats en cours lors de son entrée en vigueur.

Par conséquent la demande de la société Boulangerie la Grâce de Dieu d'application du nouvel article L. 145-16-2 du code de commerce issu de la loi du 18 juin 2014 sera rejetée, la modification de l'application de la loi nouvelle n'étant pas applicable à la cession intervenue le 30 janvier 2010.

La décision du premier juge sera dès lors confirmée en toutes ses dispositions.

En cause d'appel, l'équité conduit à condamner la société Boulangerie la Grâce de Dieu à verser tant à la société Actipierre 3 qu'à la société Boulangerie du Lac1878 la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront à la charge de la société Boulangerie la Grâce de Dieu.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société Boulangerie la Grâce de Dieu à payer tant à la société Actipierre 3 qu'à la société Boulangerie du Lac1878 la somme de1.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE la société Boulangerie la Grâce de Dieu aux dépens d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.