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Décisions

Cass. com., 25 novembre 1997, n° 95-17.631

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pasturel

Rapporteur :

Mme Aubert

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Foussard, Me Odent

Agen, 1re ch., du 29 mai 1995

29 mai 1995

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 29 mai 1995) que les sociétés Z..., Z... frères, Sodia, Vatech, STAC des deux Vallées, Conserveries du Marmandais ont été mises en redressement judiciaire les 14 et 24 avril 1992 puis en liquidation judiciaire le 23 octobre 1992 ; que MM. A... et X..., administrateurs judiciaires, et M. Y..., liquidateur, ont demandé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 et le prononcé de la faillite personnelle à l'encontre de MM. Jean, Claude, Michel et Patrick Z... (les consorts Z...) ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts Z... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande de sursis à statuer alors, selon le pourvoi, que lorsque la procédure pénale est susceptible d'éclairer le juge civil sur le rôle des différents gérants de droit de l'entreprise en redressement judiciaire, celui-ci doit surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ; qu'en décidant de rejeter la demande de sursis à statuer en se bornant à affirmer que les procédures pénales et de redressement judiciaire étaient indépendantes les unes des autres sans rechercher si la procédure pénale n'était pas de nature à éclairer le juge civil sur le rôle des différents gérants de droit dans l'entreprise, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 4, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'en matière de "faillite", les instances dont sont saisies les juridictions civiles et pénales n'envisagent pas les faits sous le même rapport, n'en déduisent pas les mêmes conséquences et ne tendent pas aux mêmes fins et qu'en l'espèce la procédure pénale en cours est sans influence sur la décision à prendre sur les actions introduites par les mandataires de justice contre les dirigeants de droit des sociétés du groupe Z...; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les consorts Z... reprochent à l'arrêt d'avoir écarté la nullité du rapport d'expertise alors, selon le pourvoi, que l'expertise est nulle lorsque l'expert a procédé à ses investigations sans respecter le principe du contradictoire et notamment lorsqu'il s'abstient de convoquer les parties à une réunion d'expertise même si l'expert a été désigné dans le cadre d'une procédure non contradictoire; qu'en décidant que le cabinet ECAF n'était nullement astreint à convoquer les consorts Z... ni, de manière générale, à respecter les dispositions prévues par le nouveau Code de procédure civile dans le cadre de sa mission, dès lors qu'il avait été désigné par une ordonnance du juge-commissaire des redressements judiciaires des sociétés du groupe Z... en date du 5 mai 1992 rendue sur requête des administrateurs au redressement judiciaire desdites sociétés, dans la mesure où cette ordonnance sur requête était une décision provisoire non contradictoire, la cour d'appel a violé les articles 16, 160, 175, 232, 263 et 276 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que le rapport produit dans l'instance poursuivie par les mandataires de justice à l'encontre des dirigeants de droit des sociétés du groupe Z... avait été établi par l'expert-comptable désigné par le juge-commissaire en application de l'article 10 de la loi du 25 janvier 1985 pour examiner la situation comptable et économique de ces sociétés; qu'elle a souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve contenus dans ce rapport régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Michel Z... en sa qualité de dirigeant de droit alors, selon le pourvoi, que le dirigeant d'une personne morale ne peut faire l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, à raison des pratiques observées par une autre personne morale, sauf à constater la fictivité des personnes morales concernées ou la confusion de leurs patrimoines; qu'en décidant de prononcer le redressement judiciaire de Michel Z... à raison de la mobilisation de créances fictives pratiquée par la société Z... frères, sans rechercher si Michel Z... n'était pas le dirigeant de cette société si, à défaut, les sociétés Vatech et Z... frères n'étaient pas fictives ou s'il n'existait pas une confusion des patrimoines entre elles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832 du Code civil et 182.4° de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que Michel Z... avait mobilisé des créances fictives de la société Vatech dont il était le président du conseil d'administration et que, dès lors il avait poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui devait conduire la société Vatech à la cessation des paiements, fait visé au 4° de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985; que le moyen manque en fait ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il est, aussi, reproché à l'arrêt d'avoir ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Patrick Z... alors, selon le pourvoi, qu'il appartient au demandeur à l'action en redressement judiciaire des dirigeants de démontrer l'existence des faits invoqués à l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985; qu'en décidant que Patrick Z... ne versait aucune pièce de nature à conforter l'affirmation selon laquelle la prestation fournie par la société Larroche Participation à la société Conserveries du Marmandais consistait en la mise en place d'un projet de traitement des déchets de maïs doux conforme aux exigences de l'administration de l'environnement, les juges du fond ont inversé la charge de la preuve et, ce faisant, violé les articles 9 du nouveau Code de procédure civile, 182.3° et 182.5° de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que, sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel a apprécié souverainement que l'avance faite par Patrick Z... au nom de la société Conserveries du Marmandais à une autre société dans laquelle il était intéressé directement était sans contrepartie dans la mesure où la prestation alléguée était dépourvue de justification et en a déduit exactement que cette avance révélait un usage des biens de la première société contraire aux intérêts de celle-ci; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le cinquième moyen :

Attendu qu'il est, enfin, fait grief à l'arrêt d' avoir ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre des MM. Jean, Claude, Michel et Patrick Z... et d'avoir prononcé la faillite personnelle de Jean et Claude Z... alors, selon le pourvoi, que dès lors qu'elle constatait que les personnes morales en cause n'étaient pas fictives et qu'il n'existait aucune confusion de patrimoines entre les différentes personnes physiques et morales en cause, la cour d'appel se devait de rechercher, pour chacun des dirigeants, s'il avait commis l'un des actes visés par l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 dans le cadre de la gestion de la personne morale qu'il dirigeait; d'où il suit qu'en se bornant à adopter implicitement mais nécessairement l'approche globale de la gestion du groupe Z... effectuée par les premiers juges pour décider que d'une manière générale les agissements de MM. Jean, Claude, Michel et Patrick Z... étaient constitutifs des faits prévus par l'article 182, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832 du Code civil, 182 et 188 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, que la cour d'appel a retenu que MM. Jean et Claude Z... avaient des comptes courants débiteurs au sein de la société Z... frères dont le premier était président du conseil d'administration et le second directeur général, qu'ils avaient mobilisé des créances fictives de cette société et cédé une créance de celle-ci à leur frère, Patrick Z... dans des conditions anormalement avantageuses pour ce dernier; que, dès lors ils avaient disposé des biens de la société Z... frères comme des leurs propres, avaient fait des biens de cette société un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles et poursuivi abusivement dans leur intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire la société Z... frères qu'à la cessation des paiements, faits visés par les articles 182 et 188 de la loi du 25 janvier 1985; qu'elle a ainsi procédé à la recherche prétendument omise en ce qui concerne MM. Jean et Claude Z...; qu'à l'égard de MM. Michel et Patrick Z..., il résulte de la réponse faite aux troisième et quatrième moyens que la cour d'appel a procédé également à la même recherche; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.