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Décisions

Cass. crim., 8 janvier 2014, n° 13-80.087

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme de la Lance

Avocat général :

Mme Valdès Boulouque

Avocat :

SCP Thouin-Palat et Boucard

Angers, du 22 nov. 2012

22 novembre 2012

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Le procureur général près la cour d'appel d'Angers,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 22 novembre 2012, qui a renvoyé M. Jean-Pierre X... et M. Jacky Y... des fins de la poursuite, le premier des chefs de banqueroute, faux et usage, le second des chefs de complicité de banqueroute, abus de biens sociaux, faux et usage ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Y... était le dirigeant des sociétés Saum et Sofatec, M. X... le dirigeant de la société Plasti Parts ; qu'en raison des difficultés financières des deux dernières sociétés, leurs dirigeants, dans le but d'obtenir de la trésorerie, ont émis et accepté des lettres de change ne correspondant à aucune transaction commerciale, les unes étant tirées sur la société Saum au bénéfice de la société Plasti Parts, les autres sur la société Plasti Parts au bénéfice de la société Sofatec ; que, par jugement du 10 février 2010, la société Plasti Parts a été placée en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 1er janvier 2010 ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de la loi, des articles 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, insuffisance de motifs ;

Vu l'article 441-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que l'altération frauduleuse de la vérité, préjudiciable à autrui, constitue un faux pénalement punissable lorsqu'elle est commise dans un document faisant titre ;

Attendu que, pour relaxer MM. X... et Y... des chefs de faux et usage pour la période du 1er avril 2008 au 10 avril 2010, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que l'absence de provision des traites litigieuses ne ressort pas de la procédure en ce qui concerne celles acceptées par M. X... et n'est pas établie pour celles tirées sur la société Plasti Parts, dont la date de cessation des paiements ne remonte qu'au 1er janvier 2010 ; que les juges ajoutent que, lors de l'émission des titres, tant le tireur que le tiré étaient avisés du but poursuivi et les banques auprès desquelles ces effets ont été escomptés ont été désintéressées à l'échéance;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'une lettre de change acceptée par le tiré constitue un titre et l'inexistence, lors de son émission, d'une créance du tireur sur le tiré s'analyse en une altération frauduleuse de la vérité caractérisant un faux intellectuel de nature à causer un préjudice, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de la loi, des articles L. 654-2, 1°, du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, insuffisance de motifs ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour relaxer MM. X... et Y... des chefs, respectivement, de banqueroute par emploi de moyens ruineux et de complicité de ce délit, l'arrêt retient que, si l'escompte de titres de complaisance ayant permis à la société Plasti Parts d'obtenir de la trésorerie a généré un coût, celui-ci est conforme à la pratique bancaire ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la remise à l'escompte de traites non causées, génératrice de frais non susceptibles d'être couverts par un bénéfice commercial, n'a pu qu'aggraver la situation financière de l'entreprise, qui a ainsi eu recours à des moyens ruineux, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de la loi, des articles L. 242-6, 3°, du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, insuffisance de motifs ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour relaxer M. Y... de l'infraction d'abus de biens sociaux poursuivie à partir du 31 mai 2009, l'arrêt énonce que la situation débitrice de son compte courant d'associé, résultant de la prise en charge, par le prévenu, des encours impayés sur les effets de commerce tirés sur la société Saum, a été intégralement apurée le 3 février 2010 ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le crédit accordé par la société Saum à son dirigeant, dont le compte courant d'associé est resté débiteur pendant plusieurs mois, n'était pas contraire à l'intérêt social, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 22 novembre 2012, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.