Cass. com., 22 avril 1997, n° 94-18.953
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. BEZARD
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, Me Bouthors
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 juin 1994), que la société Iveco France (société Iveco) a proposé à la société Mabo de lui vendre des véhicules neufs à un certain prix; que la société Mabo a, le 28 juin 1990 commandé un certain nombre de camions mais en exigeant la reprise de véhicules d'occasion au prix de 1 525 000 francs hors taxes, en stipulant que le contrat devrait être signé avant le 15 juillet 1990, et en versant un acompte de 20 000 francs; que par lettre du 6 juillet 1990 la société Iveco a confirmé la commande des véhicules neufs mais en ne donnant pas son accord sur le chiffre des reprises; que les conditions générales de vente précisaient que l'acompte devait être égal à 10 % du montant de la commande; que par courrier (correspondance) du 20 juillet 1990 la société Iveco a proposé 1 425 000 francs hors taxes pour la reprise; que, par "fax" du 31 juillet 1990, invoquant un défaut de réponse de la part de la société Mabo, la société Iveco a informé cette société qu'elle ne pouvait confirmer la commande, qu'elle lui restituait l'acompte de 20 000 francs; que la société Mabo, qui avait, par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juillet, accepté les conditions de la reprise, a assigné la société Iveco en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Iveco fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Mabo la somme de 300 000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la rupture des pourparlers entre les parties, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en se bornant à retenir que la société Mabo n'avait pas commis de faute en répondant dans les dix jours à la proposition de reprise de la société Iveco, pour déclarer cette dernière responsable de la rupture des pourparlers, sans préciser en quoi la volonté de la société Iveco de ne pas poursuivre la négociation aurait été fautive et sans indiquer en quoi le retrait de son offre aurait été abusif, la cour d'appel a privé sa décision de fondement légal au regard de l'article 1382 du Code civil; alors, d'autre part, que la société Iveco établissait que la date ultime de conclusion de l'accord définitif était déjà dépassée depuis cinq jours au moment de son offre de reprise et que la société Mabo n'avait versé à cette date qu'un acompte réduit très inférieur au montant normalement requis; qu'elle déduisait de ces circonstances qu'elle était en droit d'exiger de sa partenaire une réponse très rapide à sa dernière offre de reprise et que le retrait, au 31 juillet 1991, de sa proposition à laquelle il n'avait toujours pas été répondu à cette date, était légitime; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces éléments pertinents de nature à exclure toute responsabilité de la société Iveco France dans la rupture des négociations en cours, la cour d'appel a privé sa décision de fondement légal au regard de l'article 1382 du Code civil; et alors, enfin, qu'en condamnant la société Iveco à réparer le préjudice prétendument occasionné à la société Mabo du fait de la rupture des pourparlers sans préciser en quoi consistait ce dommage spécifique nécessairement distinct du préjudice lié à l'inexécution de la commande litigieuse, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a retenu qu'en faisant une nouvelle offre de reprise le 20 juillet, après la date fixée pour la passation du contrat, la société Iveco avait implicitement prorogé la date d'option, qu'en notifiant à la société Mabo son refus de confirmer la commande, elle n'avait pas fait état de l'insuffisance de l'acompte ou du dépassement de la date de commande définitive; qu'elle a constaté que les propositions des deux parties sur le prix de reprise n'étaient différentes que de 100 000 francs, ce qui ne démontrait pas une incompatibilité de point de vue entre elles; qu'elle a observé que, dans sa lettre du 20 juillet, la société Iveco n'avait fixé aucun nouveau délai et avait employé la formule sauf "meilleurs délais" remarquant qu'une réponse dans un délai de 10 jours devait être considérée comme ayant été faite dans un délai raisonnable ;
qu'en l'état de ces constatations les juges du fond ont fait ressortir que la société Iveco avait rompu brutalement et unilatéralement des négociations très engagées, et avait manqué aux règles de bonne foi dans les relations commerciales ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant caractérisé la faute de la société Iveco c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé que la brutale rupture des pourparlers avait causé à la société Mabo un préjudice dont elle a apprécié le montant par l'évaluation qu'elle en a faite ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.