Cass. 1re civ., 12 novembre 1998, n° 96-18.041
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
M. Savatier
Avocat général :
M. Gaunet
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin
Attendu que Jean X... est décédé le 29 mai 1959 en laissant sa veuve, Mme X..., légataire de l'usufruit sur l'universalité des biens de la succession, et leurs trois enfants, alors mineurs, Mme Danièle Y..., Mme Martine Z... et M. Jean-Michel X... ; qu'il dépendait de la succession un portefeuille de valeurs mobilières sur le sort duquel Mme Y... s'est opposée à sa mère et à ses cohéritiers, les consorts X... ; que, par un premier jugement du 12 octobre 1988, la liquidation et le partage de la succession ont été ordonnés ; qu'un second, en date du 26 février 1990, a donné acte aux parties de leur accord sur le partage en nature des actions de la société La Dépêche du Midi et Le Petit Toulousain, a invité les notaires à confectionner des lots d'égale valeur pour le partage des titres déposés à la banque Courtois, lesquels ont fait l'objet d'un partage par acte du 12 avril 1991, et a ordonné une expertise afin de rechercher les éléments de la masse à partager ; que, le 6 décembre 1994, le juge de la mise en état a liquidé provisoirement, à la somme de 2 240 000 francs, l'astreinte assortissant sa précédente décision ordonnant aux consorts X... de communiquer à Mme Y... les mouvements enregistrés sur le portefeuille, depuis l'ouverture de la succession et l'inventaire des titres dépendant de celle-ci, jusqu'au 1er janvier 1993 ; qu'un troisième jugement du 5 octobre 1995 a ordonné, d'une part, une nouvelle expertise afin de rechercher la valeur actuelle du portefeuille de valeurs mobilières figurant à la déclaration de succession établie en 1959 et des titres qui ne se retrouvent pas dans l'indivision successorale, et, d'autre part, a décidé que seule Mme X... devait payer l'astreinte qu'il a liquidée au 19 janvier 1995, en ajoutant à celle déjà prononcée une somme de 1 400 000 francs ; que l'arrêt attaqué a infirmé ce dernier jugement de ces chefs et ordonné la restitution des sommes versées au titre des astreintes ;
Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;
Et sur les quatre premières branches du deuxième moyen :
Vu les articles 815 et 815-2 du Code civil, ensemble les articles 578 et 587 du même code ;
Attendu que pour décider que Mme X... n'avait pas à " rapporter " les titres et valeurs mobilières, figurant à la déclaration de succession de 1959, qui manquent après les deux partages partiels, ou leur valeur, de sorte qu'il n'y avait lieu d'ordonner ni une expertise pour rechercher ces éléments, ni la communication des pièces sur les mouvements du portefeuille, la cour d'appel relève que l'article 587 du Code civil n'est pas applicable aux titres et actions et que l'usufruitier pouvant jouir des choses sur lesquelles porte son usufruit, la demande de Mme Y... relative à la vie des divers portefeuilles et aux titres manquants n'est pas recevable ; que l'arrêt attaqué énonce encore que les portefeuilles de valeurs mobilières " constituent une universalité (distincte de ses éléments constitutifs) qui est fongible et appartient à celui qui les détient ", de sorte que c'est seulement à la fin de son usufruit que Mme X... devra justifier que la substance a été conservée ; qu'enfin, la cour d'appel retient que la dispense de caution a pour effet de conférer à l'usufruitier le droit de disposer des titres au porteur ;
Attendu, cependant, d'une part, que Mme Y..., nue-propriétaire indivise avec ses cohéritiers du portefeuille de valeurs mobilières dépendant de la succession de Jean X..., pouvait prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis et en demander le partage ; qu'elle était donc fondée à demander à Mme X..., usufruitière de ce portefeuille, de lui en indiquer la consistance et la valeur, éléments nécessaires pour que la nue-propriété en soit partagée ; que, d'autre part, si l'usufruitier d'un portefeuille de valeurs mobilières, lesquelles ne sont pas consomptibles par le premier usage, est autorisé à gérer cette universalité en cédant des titres dans la mesure où ils sont remplacés, il n'en a pas moins la charge d'en conserver la substance et de le rendre, la circonstance que l'usufruitier ait été dispensé de donner caution étant indifférente à cet égard ; qu'ainsi, en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et enfin, sur le troisième moyen :
Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ;
Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
Attendu que la cour d'appel a ordonné la restitution des sommes versées par Mme X... en exécution du jugement qui a liquidé l'astreinte prononcée par le juge de la mise en état et qui était assorti de l'exécution provisoire de ce chef ; qu'elle a assorti sa décision d'une condamnation aux intérêts au taux légal à compter des versements ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a statué sur les demandes relatives aux valeurs mobilières dépendant de la succession et sur la liquidation de l'astreinte, l'arrêt rendu le 29 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée.