CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 12 avril 2016, n° 15/12234
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
The Governement Of The United States Of America
Défendeur :
Monsieur le Directeur General de L’INPI
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Auroy
Conseillers :
Madame Douillet, Madame Andrieu
Vu la décision du 16 mars 2015, notifiée le 23 mars 2015, par laquelle le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a rejeté la demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n° 08C0003 déposée le 18 janvier 2008 par le gouvernement des Etats Unis d'Amérique, sur le fondement du règlement CE n° 1768/92 du 18 juin 1992, portant sur le produit 'Protéines L1 de papillomavirus humain de type 16" ;
Vu le recours en annulation formé le 16 juin 2015 contre cette décision par le gouvernement des Etats Unis d'Amérique, représenté par le 'secretary of the department of health & human services', et ses mémoires reçus au greffe les 15 juillet 2015 et 4 février 2016 ;
Vu les observations écrites du représentant du directeur général de l'INPI reçues au greffe le 13 janvier 2016 ;
Le ministère public entendu en ses observations ;
SUR CE,
Considérant que l'obtention d'un certificat complémentaire de protection (CCP) vise, en prolongeant les droits du propriétaire d'un brevet pharmaceutique, à compenser en partie la période écoulée entre le dépôt du brevet et l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché qui permet la commercialisation effective du médicament ; que pour parvenir au juste équilibre entre les intérêts en jeu, et notamment ceux liés à l'augmentation des dépenses de santé et de sécurité sociale, ce dispositif repose sur le principe que la protection ne peut obtenue qu'une fois par produit
1:
Extrait de l'exposé des motifs de la proposition de règlement du conseil concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments :
'11- (...) la proposition de règlement est limitée aux nouveaux médicaments. Il ne s'agit pas de délivrer un certificat pour tout médicament breveté autorisé à être mis sur le marché. Il ne peut en effet être délivré qu'un seul certificat par produit, le produit étant entendu au sens strict de substance active ; des changements mineurs apportés au médicament tels un nouveau dosage, l'emploi d'un sel ou d'un ester différent, une forme pharmaceutique différente, ne sont pas susceptibles de donner lieu à un nouveau certificat'
;
Que la protection par certificat complémentaire de protection et les conditions requises pour l'obtenir sont fixées par les articles 2 et 3 du règlement CE 1768/92 du 18 juin 1992 ainsi libellés :
'Article 2 - Champ d'application
Tout produit protégé par un brevet sur le territoire d'un Etat membre et soumis, en tant que médicament, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d'autorisation administrative en vertu de la directive 65/65/CEE ou de la directive 81/851/CEE peut, dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement, faire l'objet d'un certificat.
Article 3 - Conditions d'obtention du certificat
Le certificat est délivré si, dans l'Etat membre où est présentée la demande visée à l'article 7 et à la date de cette demande :
a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ;
b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à la directive 65/65/CEE ou à la directive 81/851/CEE suivant les cas ;
c) le produit n'a pas déjà fait l'objet d'un certificat ;
d) l'autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament.' ;
Que l'objet et les effets de la protection conférée par le CCP sont ainsi définis :
'Article 4 - Objet de la protection
Dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le certificat s'étend au seul produit couvert par l'autorisation de mise sur le marché du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l'expiration du certificat.
Article 5 - Effets du certificat
Sous réserve de l'article 4, le certificat confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations.' ;
Que l'article 1- b du règlement désigne le produit comme 'le principe actif ou la composition de principes actifs d'un médicament' ;
Considérant que la demande de certificat complémentaire de protection déposée le 18 janvier 2008 par le gouvernement des Etats Unis d'Amérique mentionnait un brevet de base EP 0 662 132 intitulé 'Protéines de capsides de virus de papillome HPV16 recombinées à auto-assemblage' ; que cette demande faisait référence également à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire octroyée le 20 septembre 2007 sous le n° EU/1/07/419/001 pour une spécialité pharmaceutique de type vaccin, dénommée CERVARIX, ayant pour principe actif :'Protéine L1 de Papilloma virus humain de type 16" ;
Considérant que pour rejeter la demande de certificat complémentaire de protection déposée le 18 janvier 2008, le directeur général de l'INPI, dans la décision contestée, a retenu, notamment et en substance, que le produit pour lequel le CCP n° 08C0003 était demandé, défini successivement par le demandeur comme 'protéines L1 de papillomavirus humain de type 16", 'protéines L1 de papillomavirus humain de type 16, C-terminalement tronquée', 'protéines L1 de papillomavirus humain de type 16, C-terminalement tronquée et se terminant en Gln 471", et enfin 'protéine L1 sous forme de pseudo particules virales non infectieuses produites par la technique de l'ADN recombinant avec un système d'expression utilisant le Baculovirus et les cellules Hi-5 RIX4446 dérivées de Trichoplusia ni', cette dernière définition visant des protéines L1 de papilloma virus humain de type 16 obtenues dans des cellules d'insectes, était le même produit 'Protéine L1 de Papilloma virus humain de type 16" qui avait déjà fait l'objet d'un CCP n° 07C0020 délivré le 23 juillet 2012 (correspondant à une AMM n° 1/06/357/001 octroyée le 20 septembre 2006 pour un vaccin dénommé GARDASIL) et couvrant toutes les formes de la protéine L1 de papilloma virus humain (HPV) 16, quels que soient sa forme ou son mode de production ;
Que dans le cadre de son recours, le gouvernement des Etats Unis d'Amérique soutient que la protéine L1 de HPV 16 obtenue dans des cellules d'insectes, objet de la demande de CCP n° 08C0003, constitue un produit différent de la protéine L1 de HPV 16 obtenue dans des cellules de levures, objet du CCP n° 07C0020, les différences étant liées à la glycosylation (réaction enzymatique consistant à lier des chaînes de glucides à un composé) et à la chaîne d'acides aminés, variables selon le type de cellules (levures ou insectes) dans lesquelles la protéine est exprimée ; que le requérant en déduit que les AMM qui correspondent, respectivement, au GARDASIL et au CERVARIX portent sur des médicaments ayant des principes actifs différents et que le CCP n° 07C0020 et la demande de CCP n° 08C0003 concernent des produits différents ; qu'il argue en outre qu'en application des articles 4 et 5 du règlement CE 1768/92, un CCP ne peut conférer des droits s'étendant à un produit qui n'est pas celui concerné par l'autorisation de mise sur le marché ;
Considérant cependant que le directeur de l'INPI fait justement observer, d'une part, que le brevet de base revendique (revendication 1) une 'structure de capsomère HPV 16 isolée comprenant la protéine de capside L1" qui n'est pas caractérisée par son mode de production, et que le brevet n'explicite pas les différences entre les protéines invoquées par le requérant, se référant au demeurant à divers modes de production (cellules d'insecte comme dans le CERVARIX, de levure comme dans le GARDASIL, voire de mammifère (cf. page 20 du brevet), d'autre part, que les différences invoquées ne se trouvent pas davantage mentionnées dans les AMM fournis à l'appui des deux demandes de CCP qui font référence de façon accessoire au mode de fabrication sans en tirer de conséquence quant à la structure de la protéine, enfin, que la demande de CCP n° 08C0003 visait initialement - avant les précisions apportés par le demandeur quant aux formes et mode de production, à la suite des réserves formulées par l'INPI au cours de la procédure d'examen de la demande - un produit défini comme 'Protéines L1 de papillomavirus humain de type 16", cette définition étant précisément celle mentionnée dans la demande de CCP n° 07C0020 déposée le 20 mars 2007 ;
Que l'article 1 du règlement précité définit le produit comme 'le principe actif ou la composition de principes actifs d'un médicament', sans aucune référence au procédé de fabrication du principe actif ;
Qu'il se déduit de ces éléments que la protéine L1 de HPV 16 entrant dans la composition du CERVARIX et celle entrant dans la composition du GARDASIL constituent un seul et même produit au sens du règlement précité, nonobstant leurs différences éventuelles quant à leur forme et mode de fabrication ;
Qu'il résulte des articles 4 et 5 du règlement que la protection et les droits conférés par le CCP sont délimités par le brevet de base et que l'AMM sert à déterminer le produit objet de la protection ; qu'il est donc indifférent, au regard du bien fondé de la décision de rejet de la demande de CCP n° 08C0003, que cette demande soit basée sur une AMM obtenue spécialement pour le médicament CERVARIX, lequel est, même s'il vise à traiter les mêmes pathologies, un médicament différent du GARDASIL, objet d'une AMM distincte, dès lors que la protéine L1 de HPV 16 entrant dans la composition des deux médicaments est la même ;
Que dans ces conditions, c'est à juste raison que le directeur général a estimé que le CCP n° 07C0020 délivré le 23 juillet 2012 s'appliquait également à la protéine L1 de HPV 16 entrant dans la composition du CERVARIX, fût-elle obtenue dans des cellules d'insectes, et qu'il a rejeté la demande de CCP n° 08C0003 déposée le 18 janvier 2008 par le gouvernement des Etats Unis d'Amérique ;
Que le recours en annulation du gouvernement des Etats Unis d'Amérique sera, par conséquent, rejeté ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR ,
Rejette le recours formé par le gouvernement des Etats Unis d'Amérique à l'encontre de la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle du 16 mars 2015, notifiée le 23 mars 2015,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, par lettre recommandée avec accusé de réception.