Cass. com., 5 mai 1998, n° 96-15.383
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Métivet
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Vuitton
Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par M. X... que sur le pourvoi principal formé par la société Arti Moul SAAM ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Riom, 13 mars 1996) et du jugement qu'il a partiellement confirmé, que les capitaux propres de la société Arti Moul SAAM (la société SAAM) étant devenus inférieurs à la moitié du capital social, une assemblée générale extraordinaire avait été convoquée afin de décider s'il y avait lieu à dissolution anticipée, et dans la négative, de procéder à une augmentation de capital ; que la dissolution ayant été repoussée, l'augmentation de capital n'avait pu être adoptée à la majorité requise, par suite du refus de M. X..., détenteur de quarante pour cent des actions, de la voter ; que la société l'avait alors assigné pour voir dire que son attitude constituait un abus de minorité, obtenir la désignation d'un mandataire chargé de le représenter et de voter à une assemblée générale à venir le principe de l'augmentation de capital et sa condamnation au paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première et troisième branches :
Attendu que la société SAAM reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que le refus par M. X... de voter pour l'augmentation de capital a constitué un abus de droit, celle-ci étant une opération essentielle, indispensable à la préservation des intérêts sociaux, seule de nature à assurer la survie de l'entreprise et son fonctionnement normal, aucun crédit ne pouvant plus lui être accordé, à défaut, par les organismes bancaires ; qu'en estimant néanmoins, après avoir ainsi caractérisé elle-même une entrave dans le fonctionnement normal de la société, que l'existence d'un préjudice ne serait pas établie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du Code civil qu'elle a violé ; et alors, d'autre part, qu'il appartient aux juges du fond, s'ils ne s'estiment pas convaincus par la démonstration chiffrée de la victime, d'évaluer eux-mêmes au besoin en recourant, s'ils l'estiment nécessaire, à une expertise, le montant des dommages-intérêts de nature à réparer le préjudice invoqué ; qu'en rejetant sa demande en réparation, motif pris de l'impossibilité de vérifier son décompte, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil outre les articles 12, 143 et 144 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'existence des frais financiers dont faisait état la société SAAM au soutien de sa demande de dommages-intérêts ne résultait pas du refus de M. X... de voter l'augmentation de capital, c'est souverainement que la cour d'appel a considéré que la réalité du préjudice financier invoqué n'était pas établie ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :
Attendu que la société SAAM demande en outre la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts comme conséquence de la cassation d'un arrêt rendu le 17 juillet 1995 par la cour d'appel de Riom et faisant l'objet du pourvoi n° S 95-15.690 ;
Mais attendu que ce dernier pourvoi a été rejeté le 27 mai 1997 par la Chambre commerciale et financière de la Cour de Cassation ; que le moyen ne peut donc être accueilli en sa seconde branche ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait ordonné la convocation d'une assemblée générale extraordinaire pour voter le principe d'une augmentation de capital et nommé un mandataire ad hoc afin de voter le cas échéant en ses lieu et place dans l'intérêt de la société alors, selon le pourvoi, que l'abus de minorité se définit comme l'attitude des associés minoritaires qui porte atteinte à l'intérêt social, en empêchant la réalisation d'une opération essentielle pour la société, et dans le but unique de favoriser égoïstement leurs intérêts personnels ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que son opposition apparaissait dictée par des considérations purement personnelles, sans indiquer en quoi, selon elle, celui-ci agissait de la sorte dans le seul but de favoriser ses propres intérêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le refus de M. X... de voter l'augmentation de capital indispensable à la survie de la société, avait eu pour seul but d'entraver le fonctionnement de celle-ci et avait été dicté par des considérations purement personnelles, notamment son éviction du conseil d'administration et les intérêts qu'il possédait dans une société concurrente, dont son gendre, lui-même évincé de la société SAAM, détenait la majorité du capital ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.