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Décisions

Cass. com., 7 octobre 2020, n° 19-14.755

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Delamarre et Jehannin, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Nîmes, du 28 févr. 2019

28 février 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 février 2019), par un acte du 28 mars 2008, la Compagnie foncière de crédit, aux droits de laquelle est venue la société Crédit foncier de France (le CFF), a consenti une ouverture de crédit à la société Nîmotel pour financer l'acquisition d'un ensemble immobilier, la créance du CFF étant garantie par un cautionnement consenti par la société Almendricos, société mère de la société Nîmotel.

2. Le 25 novembre 2011, la société Nîmotel a été mise en sauvegarde. La créance du CFF a été admise et un plan de sauvegarde a été arrêté par un jugement du 30 avril 2013.

3. Par un acte du 30 juillet 2013, la société Almendricos a fait apport, sous le régime de la fusion-absorption, à la société Nîmotel, qui a adopté simultanément la dénomination sociale Almendricos, de la totalité de son actif, à charge pour elle de payer la totalité de son passif. Cette fusion a pris effet le 24 septembre 2013 et la société Almendricos (ancienne) a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 4 octobre 2013.

4. Le CFF a fait opposition à cette fusion sur le fondement de l'article L. 236-14 du code de commerce en se prévalant de sa créance contre la société absorbée au titre du cautionnement que celle-ci lui avait consenti. Un arrêt, devenu irrévocable, du 30 avril 2015, a fait droit à l'opposition du CFF à l'opération de fusion-absorption de la société Almendricos par la société Nîmotel devenue Almendricos, a ordonné le paiement par la société Almendricos, anciennement Nîmotel, de la créance du CFF et dit qu'à défaut de remboursement, la fusion-absorption resterait inopposable au CFF.

5. Le 2 février 2017, la résolution, pour inexécution, du plan de sauvegarde de la société Almendricos a été prononcée. Le 15 février 2017, cette société a été mise en redressement judiciaire.

6. Le 17 mai 2017, le CFF a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la société Almendricos, que celle-ci a contestée.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Almendricos et la société Etude Balincourt, en sa qualité de commissaire à l'exécution de son plan de redressement, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à l'annulation de la saisie-attribution, alors « que l'inopposabilité de la fusion au créancier d'une société absorbée ne l'autorise pas à pratiquer une saisie entre les mains de la société absorbante, dès lors qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société absorbante postérieurement à la naissance de la créance contre la société absorbée ; qu'en retenant pourtant que "la procédure collective ouverte contre la nouvelle société Almendricos ne saurait faire échec à l'action du CFF à l'égard duquel la personnalité juridique de la société absorbée n'a pas disparu", la cour d'appel a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

8. En cas de fusion-absorption, un créancier titulaire sur la société absorbée d'une créance antérieure à cette opération et qui bénéficie, en application de l'article L. 236-14 du code de commerce, d'une décision exécutoire lui déclarant la fusion inopposable, conserve le droit de recouvrer sa créance sur le patrimoine de la société absorbée dissoute. Il en résulte qu'il ne peut se voir opposer l'arrêt ou l'interdiction des procédures d'exécution, prévus par l'article L. 622-21, II, du code de commerce, résultant de l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante.

9. Dès lors, abstraction faite du motif erroné mais surabondant selon lequel la personnalité juridique de la société absorbée n'a pas disparu, c'est à bon droit que l'arrêt retient qu'opposer la règle de l'arrêt des procédures d'exécution contre la nouvelle société Almendricos aux créanciers privilégiés antérieurs à l'ouverture de la procédure collective et à la fusion, reviendrait à priver de toute voie d'exécution sur les actifs transmis à la société absorbante le créancier auquel la fusion a été déclarée inopposable, en rendant possible l'utilisation de la procédure de fusion-absorption pour faire disparaître la société caution absorbée et faire obstacle à l'action du créancier sur les actifs ainsi transmis.

10. Le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.

Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

11. La société Almendricos et la société Etude Balincourt, ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'à supposer même que le créancier de la société absorbée à l'égard duquel la fusion est inopposable puisse pratiquer une saisie en vue d'obtenir paiement d'une dette antérieure à l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante, c'est à la condition de justifier que l'objet même de la saisie est constitué des seuls actifs de la société absorbée ; qu'en retenant pourtant en l'espèce qu' "eu égard à la fongibilité des comptes bancaires saisis, le CFF peut agir en recouvrement à l'encontre de la société absorbante dans la limite de la créance fixée par arrêt du 30 avril 2015 sans se voir opposer une absence de traçabilité des actifs saisis" la cour d'appel a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce ;

2°/ qu'à supposer même que le créancier de la société absorbée à l'égard duquel la fusion est inopposable puisse pratiquer une saisie en vue d'obtenir paiement d'une dette antérieure à l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante, c'est à la condition de justifier que l'objet même de la saisie est constitué des seuls actifs de la société absorbée ; que le juge de l'exécution a cependant retenu en l'espèce qu' "afin d'obtenir la nullité de la mesure d'exécution forcée, le demandeur a effectivement la faculté d'établir que les fonds saisis ne peuvent être revendiqués par le créancier en vertu de son titre exécutoire. Or, cette preuve n'est pas rapportée en l'état par la société Almendricos et la société Etude Balincourt" ; qu'en statuant ainsi, à supposer ce motif adopté, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce, ensemble l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

12. Dans le cas d'une saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires dont est devenue titulaire une société absorbante par un créancier à qui l'opération de fusion-absorption a été déclarée inopposable en application de l'article L. 236-14 du code de commerce, l'effet attributif de la saisie s'étend à la totalité des soldes créditeurs de ces comptes, sauf pour le débiteur saisi, avisé de la saisie dans les conditions prévues par l'article R. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, à établir que ces soldes sont constitués, en tout ou partie, de fonds ne provenant pas de la société absorbée, qui comme tels devraient être exclus de l'assiette de la saisie.

13. C'est dès lors à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que l'arrêt retient qu'eu égard à la fongibilité des comptes objet de la saisie-attribution, le CFF peut, dans la limite de la créance constatée par son titre exécutoire, agir en recouvrement contre la société absorbante sans avoir à établir préalablement l'origine des fonds saisis.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.