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Décisions

Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-19.263

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frouin

Rapporteur :

Mme Guyot

Avocat général :

M. Aldigé

Avocat :

SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Aix-en-Provence, du 11 avr. 2013

11 avril 2013

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et dix autres salariés ont été employés sur le site de La Ciotat, sur des périodes allant de novembre 1965 à décembre 1978, par la société des Chantiers navals de La Ciotat (CNC) dont l'activité chantiers navals a été reprise le 3 novembre 1982 par la société les Chantiers du Nord et de la Méditerranée (ci-après Normed), nouveau nom de la société de Participations et de constructions navales ( SPCN) dans le cadre d'une cession partielle d'actif, l'apport étant placé sous le régime juridique des scissions ; que la Normed a été mise en redressement judiciaire le 30 juin 1986, puis en liquidation judiciaire le 27 février 1989 ; que par arrêté du 7 juillet 2000, l'activité de réparation et de construction navale de la Normed a été inscrite sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) au profit des salariés concernés pour la période comprise entre 1946 et 1989 ; que les salariés ont saisi la juridiction prud'homale le 19 septembre 2011 d'une demande en réparation de leur préjudice d'anxiété et de bouleversement dans les conditions d'existence à l'encontre du liquidateur de la Normed et de l'AGS-CGEA ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles L. 236-3, L. 236-20 et L. 236-22 du code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité d'apport, l'apport partiel d'actif emporte lorsqu'il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle de la société apporteuse à la société bénéficiaire de tous les biens, droits et obligations dépendant de la branche d'activité qui fait l'objet de l'apport ;

Attendu que pour déclarer les salariés irrecevables en leurs demandes, les arrêts retiennent qu'il résulte de l'article 11 du traité d'apport partiel d'actif que la SPCN, devenue la Normed a repris sans recours contre la société apporteuse les obligations contractées par cette dernière en application des seuls contrats de travail transférés dans les conditions prévues aux articles L. 122-12 et L. 132-7 du code du travail ; que les salariés ayant cessé leur activité antérieurement à 1982 n'ont jamais été salariés de la société Normed et que celle-ci n'a pas repris les obligations contractées par le précédent employeur dont les contrats de travail ne lui ont pas été transférés ;

Qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants tirés du transfert légal des contrats de travail en cours, sans qu'il résulte de ses constatations que l'obligation était étrangère à la branche d'activité apportée ou expressément exclue par le traité d'apport, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'article 26-II de cette même loi et l'article 2224 du code civil ;

Attendu que les arrêts retiennent qu'en admettant que la Normed soit tenue de répondre des contrats de travail rompus antérieurement à 1982, les demandes des salariés, compte tenu de la date de rupture des contrats de travail et de celle de la saisine de la juridiction prud'homale, resteraient néanmoins irrecevables par l'effet de la prescription, plus de trente ans s'étant écoulés entre ces deux dates ;

Attendu cependant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que les salariés, bénéficiaires de l'ACAATA, avaient eu connaissance du risque à l'origine de l'anxiété à compter de l'arrêté ministériel ayant inscrit l'activité de réparation et de construction navale de la Normed sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de ce régime légal spécifique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'ils rejettent l'exception d'incompétence, les arrêts rendus le 11 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.