CA Nancy, 1re ch. civ., 31 octobre 2016, n° 16/02384
NANCY
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme RICHET
Conseillers :
M. FERRON, M. CRETON
FAITS ET PROCÉDURE :
La société B., spécialisée dans la fabrication et la vente de vêtements professionnels, commercialise des vêtements destinés au personnel de santé sous la marque 'Clinic dress', notamment les modèles de blouses médicales dénommées 'Casaque'.
La société B., qui a pour activité la fabrication et la vente de vêtements de travail à destination des professionnels de la santé, notamment des chirurgiens-dentistes et de leur personnel, commercialise quant à elle deux modèles de blouses dénommées 'Louise' et 'Lucas'.
Considérant que ces modèles avaient été imités servilement par les modèles figurant sur le catalogue Clinic dress sous les références 179.679, 678 et 677 (blouse femme) et 179.722, 723 (blouse femme) sous la dénomination unique 'Casaque', la société B., se prévalant d'un droit d'auteur sur les modèles 'Louise' et 'Lucas' revendiquant en outre la titularité des modèles 'Louise' et 'Lucas' déposés par son gérant, M. S., le 8 mars 2010 et le 23 juillet 2010, a assigné en référé la société B. aux fins, notamment, de faire cesser immédiatement la commercialisation des blouses homme et femme 'Casaque' et de la condamner à lui payer la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice que lui ont causé les actes de concurrence déloyale commis par la société B..
Par ordonnance du 15 février 2013, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé en raison de l'existence d'une contestation sérieuse.
La société B. a assigné la société B. et M. S. aux fins, d'une part, de voir prononcer la nullité des dépôts par ce dernier des modèles de blouses médicales commercialisés par la société B. sous les dénominations 'Louise' et 'Lucas', d'autre part, de voir condamner la société B. et M. S. à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui ont causé les atermoiements procéduraux de la société B., la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre reconventionnel, la société B. a renouvelé les demandes qu'elle avait formées devant le juge des référés.
Par jugement du 6 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Nancy a :
- prononcé la nullité, en ce qui concerne la reproduction numéro 1-1, du dépôt de modèle effectué sous le numéro 2010-1297 le 8 mars 2010 par M. S. ;
- prononcé la nullité ,en ce qui concerne la reproduction numéro 9-1, du dépôt de modèle effectué sous le numéro 2010-3804 le 23 juillet 2010 par M. S. ;
- constaté que le modèle de blouses correspondant à la reproduction numéro 1-1 du dépôt de modèle du 8 mars 2010 numéro 2010-1297 et vendu par la société B. sous le nom de 'Louise' n'est pas protégeable au titre du droit d'auteur ;
- constaté que le modèle de blouses correspondant à la reproduction numéro 9-1 du dépôt de modèle du 23 juillet 2010 numéro 2010-1297 et vendu par la société B. sous le nom de 'Lucas' n'est pas protégeable au titre du droit d'auteur ;
- condamné in solidum M.S. et la société B. à payer à la société B. la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné la publication de l'intégralité du dispositif du jugement dans trois journaux ou publication au choix de la société B. et aux frais avancés de la société B., sans que le coût de chaque insertion n'excède 3 000 euros HT ;
- ordonné l'inscription de l'intégralité du dispositif du jugement au registre national des dessins et modèles ;
- condamné in solidum M. S. et la société B. à payer à la société B. la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté les demandes de la société B..
Sur la nullité des modèles déposés par M. S., le tribunal a retenu que les caractéristiques de ces modèles apparaissent particulièrement banales dans le domaine des blouses médicales et qu'en conséquence ils ne peuvent être qualifiés de nouveaux. Pour exclure le caractère propre de ces modèles, le tribunal a expliqué qu'aussi bien les différents éléments qui les composent que leur combinaison ne suscitent pas chez un observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle produite par des modèles antérieurement divulgués dans le domaine du vêtement professionnel, notamment médical. Il a précisé, s'agissant de la coupe, que la confection de blouses cintrées n'apparaît pas nouvelle, ainsi que le démontrent les catalogues de vêtements destinés aux professions médicales. Il a ajouté que les zips, qu'ils soient blancs ou de couleur, sont très répandus dans l'univers de la mode et sont utilisés depuis toujours dans les vêtements destinés aux professionnels de santé, qu'en outre le fait d'arrêter le zip avant le bord inférieur des pans du vêtement est une pratique utilisée de longue date pour les vêtements professionnels qui doivent être pratiques à porter, l'arrêt du zip avant le bord inférieur de la blouse permettant une meilleure aisance dans les mouvements. Le tribunal a également expliqué que la présence de liserés sur les poches est également un élément décoratif banal et couramment utilisé par les professionnels du vêtement depuis de nombreuses années. Il a retenu que les documents publicitaires produits par la société B. montrent que l'utilisation de couleurs pour distinguer les poches et donner un effet de contraste aux blouses constitue une technique classique et répandue dans la confection des blouses médicales. S'agissant de modèle 'Lucas', le tribunal a indiqué que le seul fait d'avoir des couleurs à l'intérieur du col ou sur les épaules n'est pas révélateur d'un esprit créatif particulier.
Sur l'inéligibilité des modèles à la protection du droit d'auteur, le tribunal a énoncé que l'association de caractéristiques connues du public ne leur confère pas une physionomie propre traduisant un effort créatif révélateur de la personnalité de son auteur.
Sur les agissements déloyaux reprochés à la société B., le tribunal a soutenu que le fait de procéder au dépôt d'un modèle non protégeable et d'opposer ce dépôt à un concurrent constitue une appropriation indue susceptible de causer un préjudice à ce dernier. Il a indiqué qu'en l'espèce les dépôts opposés à la société B. étaient manifestement destinés à faire obstacle à la commercialisation des blouses médicales de celle-ci afin de tenter de l'évincer du marché. Le tribunal a ajouté que ces agissements ont eu pour effet de désorganiser la politique commerciale de la société B. qui, par mesure de précaution, a retiré de son catalogue printemps-été 2013 les modèles injustement attaqués par la société B. devant le juge des référés, celle-ci ayant manifestement 'joué la montre' en s'abstenant de mener cette procédure avec la plus grande célérité alors qu'elle sollicitait des mesures urgentes.
La société B. et M. S. ont interjeté appel de ce jugement.
Ils font d'abord valoir que les modèles critiqués sont aptes à bénéficier de la protection des dessins et modèles déposés et/ou de celle du droit d'auteur.
Ils rappellent que :
1- la blouse 'Louise' présente la combinaison des éléments suivants :
- col en 'V' ;
- poche haute ornée d'une bande de couleur vive ;
- deux poches basses ornées chacune d'une bande de couleur vive et dont la partie supérieure est inclinée ;
- zip de couleur vive assorti aux autres parements, qui s'arrête dix centimètres avant la fin du pan ;
- coupe cintrée dont l'effet est accentué par la présence de trois coutures apparentes verticales ;
2 - la blouse 'Lucas' présente la combinaison des éléments suivants
- col dont l'intérieur est orné d'un liseré de couleur vive ;
- liseré de couleur vive sur les épaules ;
- poche passepoilée assortie d'un liseré de couleur vive ;
- zip de couleur vive assorti aux autres parements qui s'arrête cinq centimètres avant la fin du pan ;
- coupe cintrée dont l'effet est accentué par la présence de trois coutures apparentes verticales.
Ils soutiennent que cette combinaison d'éléments ornementaux, tous détachables de la fonction technique du vêtement, constitue une nouveauté.
Ils reprochent au tribunal de ne pas avoir apprécié la nouveauté du modèle dans son ensemble mais d'avoir examiné le modèle dans ses différents éléments pris isolément. Ils indiquent en effet que les blouses 'Louise' et 'Lucas' constituent chacune une combinaison nouvelle d'éléments connus et que l'utilisation de couleurs vives associée à une coupe moderne crée une impression visuelle d'ensemble unique dans un milieu aussi normé que le domaine médical où les blouses blanches sont encore légion.
S'agissant de l'éligibilité à la protection au titre du droit d'auteur, ils font valoir que la combinaison de ces éléments constitue non seulement un effort de création mais, s'agissant d'un produit qui s'adresse au milieu médical, une démarche commerciale audacieuse.
La société B. et M. S. soutiennent en outre qu'ils sont l'un et l'autre titulaires des droits de propriété intellectuelle attachés aux modèles litigieux.
Ils indiquent que M. S., déposant de ces modèles, est le titulaire de tout droit de propriété intellectuelle sur ceux-ci et qu'il a cédé les droits d'exploitation de tous modèles qu'il a créés ou créera à la société B. selon un contrat-cadre de 2002 et des lettres de cession signées modèle par modèle au fil de ses créations.
Ils font valoir que si les cessions n'ont pas été publiées, la qualité d'exploitant légitime doit être reconnue à la société B. qui exploite ces modèles au vu et au su de leur créateur et alors que celui-ci ne forme aucune demande en revendication de ces modèles.
Ils ajoutent qu'une personne morale exploitant une oeuvre bénéficie d'une présomption de titularité sur celle-ci, cette présomption s'appliquant en l'absence de revendication de la part des auteurs, fussent-ils identifiés.
Ils précisent que la société B. a commercialisé la blouse 'Louise' depuis la création de la première version en 2004 et la blouse 'Lucas' depuis son dépôt en 2010.
Ils produisent les factures de vente concernant ces blouses depuis ces dates.
Sur la contrefaçon, la société B. fait valoir qu'au-delà de différences de détail entre les blouses 'Louise' et 'Lucas' qu'elle commercialise et les blouses 'Cosaque' commercialisées par la société B., l'impression d'ensemble laissée par ces dernières a pour effet d'entretenir la confusion auprès des consommateurs moyens.
La société B. soutient également que la société B. a commis des actes de concurrence déloyale par la vente de produits contrefaisants à des prix inférieurs à ceux du marché.
La société B. évalue son préjudice à la somme de 180 116 euros correspondant à la perte de chiffre d'affaires pour le premier semestre 2012.
La société B. conteste d'abord la titularité des droits de la société B. sur le modèle 2010-1297 du 8 mars 2010 et sur le modèle 2010-3804 du 23 juillet 2010.
S'agissant du modèle 'Louise', elle indique que la lettre du 31 août 2004 adressée par la société B. à M. S. pour lui faire connaître son intention d'acquérir et d'exploiter le dessin de cette blouse, revêtue de l'acceptation de ce dernier, ne peut justifier des droits de la société B. sur un modèle qui n'a été déposé que le 8 mars 2010 par M. S. à titre personnel. Elle ajoute que la cession du modèle 'Louise' à la société B. postérieurement à son dépôt par M. S., selon les termes d'une lettre du 21 mai 2010, n'a pas été publiée, de sorte qu'elle lui est inopposable.
S'agissant du modèle 'Lucas', la société B. fait valoir que la cession postérieurement au dépôt par M. S., selon les termes d'une lettre du 1er octobre 2010, n'a pas été davantage publiée, ce qui la rend inopposable aux tiers.
Elle ajoute que la présomption de titularité prévue par l'article L. 113-1 du code de la propriété industrielle, qui est simple, est incompatible avec les enregistrements obtenus par M. S. à titre personnel, traduisant sa volonté de voir les droits de propriété intellectuelle rester dans son patrimoine personnel.
La société B. indique en outre que la société B. ne fournit aucune indication sur la date à laquelle elle aurait entrepris de commercialiser les modèles 'Louise' et 'Lucas'.
La société B. soutient ensuite que la société B. ne dispose d'aucune protection sur les modèles déposés par son gérant tant au titre des droits des dessins et modèles qu'au titre du droit d'auteur.
Concluant à la confirmation du jugement sur ces points, elle fait d'abord valoir d'une part que la société B. ne justifie pas du caractère nouveau de ces créations, ensuite que les vêtements correspondant aux modèles déposés ne procèdent d'aucun parti pris esthétique arbitraire portant l'empreinte de la personnalité et de la créativité de son auteur.
A titre subsidiaire, la société B. conteste avoir contrefait les blouses 'Louise' et 'Lucas' en commercialisant les blouses 'Casaque'.
S'agissant de la blouse 'Louise' dont la fermeture à glissière est de couleur, elle souligne que la fermeture à glissière du modèle 'Casaque' est blanche. Elle ajoute que la teinte orange ornant le modèle 'Casaque' est beaucoup plus douce que celle ornant le modèle 'Louise'. Elle explique encore que les empiècements de couleur soulignant les poches sont différents, cet empiècement étant droit sur la poche de la poitrine et sur les deux poches latérales sur le modèle 'Casaque', tandis que l'empiècement est droit pour la poche de la poitrine mais avec un effet effilé sur le modèle 'Louise'. Elle fait enfin remarquer que les deux modèles ne présentent aucune ressemblance dès lors que leur coupe, leurs coutures et la matière utilisée sont différentes.
S'agissant de la blouse 'Lucas', la société B. indique que le modèle 'Casaque', dont la fermeture à glissière est blanche, n'a pas repris la fermeture à glissière de couleur. Elle ajoute que la couleur verte ornant la blouse 'Casaque' est beaucoup plus douce et claire que la teinte retenue pour les éléments ornementaux de la blouse 'Lucas'. Elle fait également valoir que le modèle 'Casaque' comporte deux poches soulignées d'un empiècement de couleur, alors que le modèle 'Lucas' n'en comporte qu'un seul. Elle soutient enfin que les deux modèles n'ont pas la même coupe et que leurs coutures sont différentes.
La société B. conteste avoir commis des actes de concurrence déloyale.
Elle fait d'abord valoir, comme l'a admis le tribunal, qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les blouses 'Casaque' qu'elle commercialise et les blouses 'Louise' et 'Lucas' commercialisées par la société B. compte tenu des différences qui permettent de les distinguer et de la présence de l'étiquette insérée dans la couture latérale des vêtements 'Casaque', portant la marque 'Clinic dress' et visible sur l'endroit des vêtements. Elle indique qu'en outre ce risque de confusion est d'autant moins possible que ses blouses son vendues soit par correspondance, soit sur son site internet et que le catalogue 'Clinic dress' ne présente que des vêtements de cette marque.
Elle ajoute qu'il ne peut lui être fait grief de pratiquer des prix compétitifs pour la commercialisation de produits basiques et banals, obtenus grâce à la délocalisation de sa production.
Elle conteste enfin la réalité du préjudice allégué par la société B., la baisse de chiffre d'affaires de 2,59% entre l'année 2012 et l'année 2011 n'apparaissant pas significative, notamment dans un contexte de crise.
La société B. conteste également avoir commis des acte de concurrence parasitaire dès lors qu'aucun élément n'établit qu'elle a cherché à se placer dans le sillage de B. ni qu'elle a détourné à son profit les investissements réalisés par cette dernière, ces prétendus investissements n'étant d'ailleurs pas établis.
La société B. conclut ensuite à la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à son action en concurrence déloyale contre la société B..
Elle réclame enfin une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE :
1 - Sur la titularité des droits de la société B.
- Droits issus des dépôts de modèles
Attendu que le dépôt des modèles commercialisés sous l'appellation 'Louise' et 'Lucas' a été effectué par M. S. ; que si la société B. produit des lettres dont il ressort que celui-ci lui a cédé ses droits sur ces dépôts, les articles L. 513-3 et R. 512-13, 2° du code de la propriété intellectuelle imposent, sous peine d'inopposabilité aux tiers, d'inscrire au registre national des dessins et modèles tous 'les actes modifiant la propriété d'un dessin ou modèle...' ; qu'en l'absence de cette inscription, la cession des droits à la société B. n'est pas opposable à la société B. ; que la société B. n'est donc pas recevable à opposer les droits issus de ces dépôts à la société B. ;
- Droits d'auteur sur les modèles litigieux
Attendu que la société B. fonde également son action en contrefaçon sur le droit d'auteur qu'elle déclare détenir sur les blouses 'Louise' et 'Lucas' ;
Attendu que si l'auteur d'une oeuvre ne peut être qu'une personne physique et que cette qualité est présumée appartenir à celui sous le nom duquel l'oeuvre est divulguée, son exploitation par une personne morale sous son nom fait présumer, en l'absence de revendication par son ou ses auteurs, que cette personne morale est, à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon, titulaire des droits de propriété de l'auteur ;
Attendu qu'en l'espèce la société B. justifie par la production de factures avoir diffusé depuis la date des dépôts la blouse 'Louise' et la blouse 'Lucas' ;
Attendu que la société B. justifie ainsi commercialiser la blouse 'Louise' depuis 2004 et la blouse 'Lucas' depuis 2010 par la production d'éléments de preuve ayant date certaine ; qu'elle bénéficie en conséquence de la présomption de titularité des droits d'auteur sur ces vêtements sans avoir à justifier d'un processus de création spécifique ; qu'elle est donc recevable à agir en contrefaçon de droit d'auteur au titre de ces produits ;
2 - Sur la demande en nullité des modèles
Attendu que pour bénéficier de la protection attachée au dépôt, le modèle ou dessin doit être nouveau et présenter un caractère propre ;
Attendu que le modèle commercialisé par la société B. sous l'appellation 'Louise' présente les caractéristiques suivantes :
- col en 'V' ;
- poche haute ornée d'une bande de couleur vive ;
- deux poches basses ornées chacune d'une bande de couleur vive et dont la partie supérieure est inclinée ;
- zip de couleur vive assorti aux autres parements qui s'arrête à dix centimètres avant la fin du pan ;
- coupe cintrée dont l'effet est accentué par la présence de trois coutures apparentes verticales ;
Attendu que le modèle commercialisé sous l'appellation 'Lucas' présente la combinaison des éléments suivants :
- col dont l'intérieur est orné d'un liseré de couleur vive ;
- liseré de couleur vive sur les épaules ;
- poche passepoilée assortie d'un liseré de couleur vive ;
- zip de couleur vive assorti aux autres parements qui s'arrête cinq centimètres avant la fin du pan ;
- coupe cintrée dont l'effet est accentué par la présence de trois coutures apparentes verticales.
Attendu que la société B. fait état d'antériorités en versant aux débats des documents publicitaires émanant d'entreprises concurrentes ; que ne doivent cependant être pris en compte que les catalogues datés et antérieurs à celle des dépôts litigieux effectués en 2010 ;
Attendu que si l'on retrouve chacune des caractéristiques des blouses 'Louise' et 'Lucas' sur les antériorités dont fait état la société B., aucune d'entre elles ne présente une combinaison identique à celles de ces blouses ; que les modèles litigieux sont donc nouveaux ;
Attendu, sur l'exigence d'un caractère propre, qu'il convient de constater que si aucune des antériorités proposées par la société B. ne présente une combinaison identique des caractéristiques esthétiques et fonctionnelles que l'on trouve sur les blouses 'Louise' et 'Lucas', les modèles de vêtements destinés aux professions de la santé dès avant la date des dépôts litigieux associaient couramment une coupe cintrée, des zips blancs ou de couleur qui s'arrêtent souvent avant le bord inférieur des pans du vêtement, des liserés de couleur sur les poches ; que, tout en considérant la nature des produits, le secteur industriel dont ils relèvent ainsi que la faible marge de créativité laissée au créateur en raison des sujétions techniques et commerciales liés à la nature de ces produits, il apparaît qu'en raison des ressemblances avec les antériorités pertinentes, l'impression d'ensemble produite auprès d'un utilisateur averti par les blouses 'Louise' et 'Lucas' n'est pas très différente de celle laissée par ces dernières ; que s'agissant en outre plus particulièrement de la blouse 'Lucas, l'utilisation de couleur à l'intérieur du col et sur les épaules n'est pas non plus de nature à donner au vêtement un aspect permettant de le différencier clairement des antériorités produites ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation des dépôts litigieux effectués par M. S., à savoir le dépôt du modèlen°2010 1297 en ce qui concerne la reproductionn°1-1 et le dépôt du modèlen°2010 3804 en ce qui concerne la reproductinn°9-1 ;
3 - Sur l'action fondée sur le droit d'auteur
Attendu que la protection par le droit d'auteur s'applique à condition que les vêtements argués de contrefaçons soient originaux pour porter l'empreinte de la personnalité de leur auteur ;
Attendu que si les caractéristiques des blouses 'Louise' et 'Lucas' telles que décrites ci-dessus reflètent le parti pris moderne et esthétique de son auteur, il n'en résulte pas pour autant que la combinaison de ces caractéristiques, qui sont chacune dans le domaine public, présente une originalité qui en fait une oeuvre de l'esprit ; qu'en effet, fussent-elles appliquées à des vêtements professionnels, la combinaison de ces caractéristiques demeure banale compte tenu de la tendance de l'ensemble des fabricants à proposer à la clientèle des articles qui se distinguent des produits traditionnels, uniformément blancs et pour lesquels était exclue toute fantaisie ; qu'il ressort des pièces produites que pour atteindre cet objectif, les fabricants proposent des vêtements présentant les mêmes caractéristiques que celles des blouses de la société B. ;
4 - Sur l'action en contrefaçon
Attendu que les dépôts des modèles commercialisés sous les appellations 'Louise' et 'Lucas' ayant été déclarés nuls, M. S. n'est pas fondé à agir en contrefaçon sur le fondement du droit tiré de ces dépôts ; qu'en outre, ces modèles n'étant pas éligibles aux droits d'auteur, la société B. n'est pas fondée à agir en contrefaçon sur ce fondement ;
5 - Sur l'action en concurrence déloyale formée par la société B.
Attendu que si le dépôt d'un modèle non protégeable est susceptible de causer à un tiers un préjudice, la responsabilité de l'auteur du dépôt ne peut être engagée que s'il est démontré qu'il a commis une faute, notamment pour avoir, en toute connaissance de cause de l'absence de nouveauté ou de caractère propre de ce modèle, cherché à nuire à un concurrent en exerçant contre lui des actions destinées, sur le fondement des droits prétendument tirés de ce dépôt, à entraver son accès au marché ;
Attendu que si les modèles des blouses 'Louise' et 'Lucas' sont dépourvus de caractère propre, il n'est pas démontré que M. S., auteur des dépôts, a agi, seul ou avec la complicité de la société B., tout en sachant qu'il ne pouvait avoir de droits sur ces modèles, dans un tel but ; que dans ces conditions, l'action en concurrence déloyale exercée par la société B. contre M. S. et la société B. doit être déclarée mal fondée ;
6 - Sur la demande reconventionnelle en concurrence déloyale et parasitaire
- Sur la concurrence déloyale
Attendu que l'action en concurrence déloyale formée par la société B. est recevable alors même qu'elle ne peut se prévaloir d'un droit privatif ; que pour fonder son action, il lui appartient de prouver que les conditions dans lesquelles la société B. a reproduit les articles litigieux sont fautives et lui ont causé un préjudice ;
Attendu que la commercialisation d'un produit imité d'un produit préexistant non protégé par un droit intellectuel ne constitue un acte de concurrence déloyale que si les circonstances particulières accompagnant cette commercialisation caractérisent une faute ;
Attendu cependant, ainsi que l'a retenu le tribunal, qu'il ne peut exister aucune confusion entre les blouses 'Casaque' commercialisées par la société B. et les blouses commercialisées par la société B. sous les appellations 'Louise' et 'Lucas', les blouses 'Casaque' n'étant pas la copie servile de ces dernières compte tenu des différences qui permettent de les distinguer ; qu'en outre, les blouses 'Casaque' sont vendues exclusivement par correspondance ou sur internet, ce qui exclut qu'un client ait pu se méprendre sur l'origine du produit qu'il commande ; qu'enfin le risque de confusion est également écarté en raison de la présence sur les blouses 'Casaque' d'une étiquette insérée dans la couture latérale et visible sur l'endroit du vêtement, reproduisant de manière très apparente la marque 'Clinic dress' alors que les blouses 'Louise' et 'Lucas' comportent elles aussi une pièce reproduisant la marque insérée dans la poche de poitrine, également visible de l'endroit du vêtement ;
Attendu, en outre, que la commercialisation d'un produit similaire à un moindre prix est conforme au principe de la liberté du commerce et ne constitue pas un agissement fautif en l'absence de démonstration que le prix pratiqué est un vil prix ou que les produits sont vendus à perte ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le risque de confusion allégué n'est pas démontré ;
- Sur la concurrence parasitaire
Attendu que la société B. soutient également que les agissements de la société B. sont destinés à profiter des investissements qu'elle a réalisés pour proposer à la clientèle des produits attrayants et innovants ;
Attendu cependant que la société B. ne produit aucun élément de nature à justifier l'existence d'investissements financiers ou intellectuels relativement aux produits concernés ; qu'en conséquence elle n'établit pas l'existence des actes de parasitisme allégués ;
7 - Sur les autres demandes
Attendu qu'il n'y pas lieu d'ordonner la publication de la décision dans des journaux ;
Attendu qu'il convient enfin de condamner la société B. et M. S. à payer à la société B. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il condamne in solidum la société B. et M. S. à payer à la société B. la somme de CINQUANTE MILLE EUROS (50.000 €) à titre de dommages-intérêts, ordonne la publication de l'intégralité du dispositif du jugement dans trois journaux ou publication au choix de la société B. et aux frais avancés de la société B. dans la limite de la somme de TROIS MILLE EUROS (3.000 €) H.T. par publication ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées ;
Déboute la société B. de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;
Dit n'y avoir lieu à publication de la décision dans différents journaux ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile , rejette les demandes de la société B. et de M S. et les condamne in solidum à payer à la société B. la somme de CINQ MILLE EUROS (5.000 €) ;
Les condamne aux dépens qui pourront être recouvrés directement par la SCP G.-L. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;