CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 4 mars 2022, n° 20/13051
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
SNCF Mobilités (EPIC), Gares & Connexions (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chokron
Conseillers :
Mme Lehmann, Mme Marcade
Vu le jugement contradictoire rendu le 6 août 2020 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l'appel interjeté le 15 septembre 2020 par la M. Luciano G.,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 octobre 2021 de M. G., appelant,
Vu les deux jeux de conclusions remis au greffe et notifiés par voie électronique, le 12 mars 2021, d'une part de l'établissement public SNCF Mobilités, intimée, demandant sa mise hors de cause et d'autre part de la société SNCF Gares et Connexions intervenante volontaire indiquant venir aux droits de la société SNCF Mobilités (SNCF),
Vu l'ordonnance de clôture du 18 novembre 2021.
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
M. G. indique être un artiste plasticien et restaurateur reconnu de peintures et précise régulièrement travailler pour le Ministère de la Culture, des Musées et des Monuments Historiques.
Entre 1900 et 1907, un auteur inconnu et l'artiste Jean-Baptiste O. ont peint, sur la partie supérieure d'un mur de la salle des guichets de la Gare de Lyon à Paris, 10 tableaux représentant des villes desservies par la ligne Paris-Mento à savoir Lyon, Avignon, Nîmes, Montpellier, Marseille, Toulon, Nice, Monte-Carlo, Menton et Venise.
En 1979, la SNCF a lancé un appel d'offres pour la rénovation des dites fresques et la création de 11 nouveaux tableaux constituant une nouvelle fresque, sur une nouvelle partie du mur, la salle des guichets ayant été agrandie.
Le 26 novembre 1979, l'Atelier G., répondant à cet appel d'offre, établissait un devis d'un montant de 519.000 francs HT (24000 francs HT pour la restauration et 455.000 francs HT pour la création des nouveaux tableaux).
Le 21 décembre 1979, la SNCF donnait son accord sur les termes du devis.
Un procès-verbal de réception des travaux était dressé le 22 mai 1981 constatant une réception au 13 mai 1981.
Les 11 tableaux constituant la nouvelle fresque représentent les villes de Paris, Fontainebleau, Auxerre, Vézelay, Semur-en-Auxois. Dijon, Beaune, Autun, Tournus, Cluny et Paray-le-Monial.
La salle des fresques de la gare de Lyon était inscrite sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques classés par arrêté du 28 décembre 1984.
A compter de l'année 2008, la SNCF a décidé de mettre en oeuvre des travaux d'aménagement importants dans la salle des pas perdus de la Gare de Lyon, comprenant notamment la restauration des fresques.
M. G. qui avait été informé de ce projet et convié à une réunion le 8 décembre 2009, a adressé le 9 décembre 2009 un courrier avec accusé de réception faisant valoir son droit moral de l'auteur sur l'oeuvre réalisée en 1980-1981 et compte tenu de ses compétences en restauration de peintures, il indiquait être le seul qualifié pour en assurer la rénovation et interdisait qu'il soit fait appel à quiconque autre que lui.
Alors que la procédure de délivrance du permis de construire était en cours, un incendie s'est déclaré dans la salle des pas perdus de la gare dans la nuit du 18 au 19 juin 2014 et un constat établi par huissier de justice était dressé le 26 août 2014 afin de décrire l'état des fresques.
Le 2 septembre 2014, la préfecture de police a délivré le permis de construire en vue de la rénovation de la salle des fresques après les avis favorables de l'architecte des bâtiments de France et du conservateur régional des monuments historiques.
Le 30 septembre 2014, M. G., par son avocate, adressait une mise en demeure à la SNCF de cesser toute intervention sur l'oeuvre de son client et d'organiser une réunion afin de constater l'état réel de l'oeuvre et d'envisager les mesures propres à sa sauvegarde.
Par lettre du 13 octobre 2014, la SNCF répondait que la paternité sur les peintures composant la fresque était également revendiquée par M. Jean-Paul L. et qu'il appartenait à M. G. de justifier de ses droits d'auteur.
L'avocate de M. G. apportait, par courrier du 21 octobre 2014 des éléments justifiant selon elle de la qualité d'auteur de celui-ci et précisait que M. L. était salarié de M. G. et à ce titre un des exécutants de la fresque sous sa direction.
Le 21 juillet 2015, M. G. a fait dresser un procès-verbal de constat par huissier de justice pour décrire l'état des fresques, en présence d'un représentant de la SNCF.
Par lettre du 29 septembre 2015 la SNCF a indiqué qu'en application du droit de la commande publique, elle allait procéder à un appel d'offre pour les opérations de rénovation des fresques, que la qualité d'auteur revendiquée par M. G. ne lui conférait aucun droit exclusif pour effectuer ces opérations, qu'elle s'engageait cependant, dans un souci d'une plus grande protection quant à la forme et l'esprit des fresques, à solliciter, à l'occasion des études préalables à l'appel d'offre l'avis de M. G. sur les conditions de réalisation des opérations de restauration des fresques.
Par courrier du 7 octobre 2015, le conseil de M. G. a indiqué à la SNCF que son client allait candidater à l'appel d'offre mais rappelait que la SNCF avait commis une faute du fait de son inaction à préserver l'intégrité de l'oeuvre et en faisant intervenir des personnes non autorisées par lui qui ont contribué à la dégradation des tableaux et sollicitait une indemnisation à hauteur de 250.000 euros pour violation de son droit moral d'auteur.
A l'issue de l'appel d'offre, la rénovation des fresques, constituant le lot n° 1, a été confiée à l'entreprise Parant-Andaloro.
Un procès-verbal de réception des travaux effectué par l'entreprise Parant- Andaloro a été dressé le 15 novembre 2018, indiquant une date d'achèvement au 14 novembre 2018.
M. G. a fait assigner la SNCF devant le tribunal de grande instance de Paris en violation de son droit moral d'auteur par acte d'huissier de justice délivré le 3 octobre 2018.
Le jugement dont appel a :
- jugé M. G. irrecevable en ses demandes ne justifiant pas sa qualité d'auteur,
- débouté la SNCF de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné M. G. à payer à la SNCF la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. G. sollicite de la cour d'appel d'infirmer le jugement et de :
- reconnaître sa qualité d'auteur des fresques de la Gare de Lyon réalisées en 1980,
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans deux publications ou magazines au choix du demandeur et aux frais avancés du défendeur sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant à partir du quinzième jour suivant la signification du jugement,
- condamner la SNCF au paiement de la somme de 204.600 euros à titre de réparation du préjudice lié à la violation de son droit moral d'auteur assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la requête introductive d'instance,
- l'autoriser à se rendre sur place afin de vérifier si la restauration a bien été faite dans les règles,
- en tout état de cause, enjoindre la SNCF d'effectuer les réparations et de remettre en état à l'identique les fresques sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement (sic),
- condamner la SNCF en tous les dépens de première instance et d'appel,
- condamner la SNCF au paiement de la somme de 25.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir (sic).
L'établissement public SNCF Mobilités sollicite sa mise hors de cause du fait de l'intervention volontaire de la société SNCF Gares & Connexions venant à ses droits.
La SNCF Gares et Connexions sollicite de la cour de :
- prendre acte que SNCF Gares & Connexions, à la suite de la réorganisation légale et réglementaire intervenue, vient aux droits de l'ancien établissement public SNCF Mobilités et que SNCF Gares & Connexions est intervenue volontairement à l'instance.
1. S'agissant de la demande de réparation de son préjudice lié à la violation de son droit moral d'auteur, juger :
A titre principal, que M. G. ne justifie pas de sa qualité à agir dès lors qu'il ne justifie pas être l'auteur des Fresques de 1980,
A titre subsidiaire, que M. G. ne saurait disposer d'un quelconque droit moral sur les Fresques de 1980,
A titre très subsidiaire, que l'action de M. G. est prescrite,
A titre infiniment subsidiaire, au fond, que la SNCF n'a commis aucune faute en lien avec un préjudice de M. G.,
En conséquence, confirmer le jugement entrepris et débouter M. G. de toutes demandes,
Si, par extraordinaire, le tribunal de céans (sic) retenait la qualité à agir de M. G., considérait que son action n'était pas prescrite et établissait une faute de la SNCF, fixer son préjudice à 1 euro symbolique.
2. S'agissant de la demande de M. G. de remise en état des fresques :
Vu que la restauration des fresques de 1980 a été considérée conforme par la DRAC le 14 novembre 2018 et que la demande de remise en état des Fresques de 1980 est sans objet,
Débouter M. G. de toutes demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause :
- condamner M. G. à payer à la SNCF Gares & Connexions une indemnité de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente instance, - confirmer la condamnation de M. G. à payer à la SNCF Gares & Connexions une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
- condamner M. G. aux dépens d'instance dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La cour constate qu'il n'est pas formé d'appel incident de la SNCF en ce qu'elle a été déboutée de sa demande formée sur le fondement de l'abus de procédure. Le jugement est dès lors irrévocable de ce chef.
Sur l'intervention de la société SNCF Gares & Connexions
La cour constate l'intervention volontaire de la société SNCF Gares & Connexions comme venant aux droits de l'établissement public SNCF Mobilités et lui donne acte de son intervention à la procédure.
Sur la qualité d'auteur de M. G.
M. G. critique le jugement en ce qu'il a refusé de le reconnaître auteur de la fresque qu'il qualifie d'oeuvre collective et affirme notamment qu'il était impossible pour un homme seul de réaliser la fresque d'une longueur de 55 mètres sur une hauteur de 3 mètres.
L'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle définit l'oeuvre collective comme étant l'oeuvre «créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé».
L'article L. 113-2 du même code énonce que :
«L'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l'auteur».
La cour constate que les parties sont d'accord pour appréhender la fresque réceptionnée en 1981 comme une oeuvre unique et non comme autant d'oeuvres que de tableaux et de lui reconnaître l'originalité qui la rend éligible à sa protection au titre du droit d'auteur.
La SNCF soutient que cette fresque est le fait d'un auteur unique en la personne de M. L. dont elle produit trois attestations et s'oppose à ce que l'oeuvre soit qualifié d'oeuvre collective et attribuée à M. G..
Le jugement n'a pas retenu la qualification d'oeuvre collective au motif que M. G. ne rapporterait pas la preuve que la fresque aurait été créée sous son autorité.
M. L. expose dans son attestation établie le 19 janvier 2019 qu'il a été embauché par M. G. qui était le directeur de l'ancien Atelier M. qui employait à l'époque une petite trentaine de personnes. Il indique qu'aucun contrat n'a été régularisé avec M. G. et qu'il travaillait en indépendant et à titre amical. Il précise avoir réalisé seul une première maquette pour emporter le marché puis une seconde. Il affirme que la réalisation de la fresque a duré 9 mois et qu'il a travaillé le premier mois avec deux collègues puis seul.
Dans une seconde attestation datée du 15 septembre 2019, M. L. réaffirme qu'hormis le premier mois durant lequel il était aidé par deux salariés de l'Atelier M. il a réalisé seul la fresque et qu'il est l'unique auteur des deux maquettes préparatoires et que M. G. n'a jamais participé ni à la conception, ni à la réalisation de l'oeuvre.
Il reprend plus en détail ces allégations dans une troisième attestation datée du 17 février 2021 et précise avoir apposé sa signature et laissé des indices justifiant de son rôle au fur et à mesure de la réalisation de la fresque.
En réponse à un courrier de mise en demeure de cesser de se prétendre l'auteur de la fresque adressé le 31 octobre 2014 par l'avocat de M. G. à M. L., le conseil de ce dernier écrivait, le 13 novembre 2014, que son client était bien l'unique auteur de l'oeuvre, tant dans sa conception que dans sa réalisation, qu'il possède plusieurs maquettes afin d'établir sa paternité, que MM Patrick L. et Patrick M. n'ont travaillé à la réalisation de la fresque que trois semaines et sous ses instructions et que MM Patrick H., Roland G. et Franck T. ne sont aucunement intervenus.
M. G. ne conteste pas la participation de M. L. à la réalisation de la fresque mais nie fermement qu'il puisse être qualifié d'auteur unique et apporte au débat des attestations, dont certaines nouvellement en cause d'appel, tendant à démontrer l'existence d'une oeuvre devant être qualifiée de collective.
Ainsi, M. Patrick H. atteste le 14 septembre 2020 :
«J'atteste avoir participé en 1980/1981 à l'exécution de la fresque (') créée par M. G. mon patron alors que j'étais son employé avec MM Patrick M., Patrick L., Patrick H., Roland G. son frère cadet et Jean paul L.. Nous ne faisions que nous soumettre aux indications très précises de M. G.. Nous étions de simples exécutants, M. G. distribuait à chacun, de ses employés des tâches qui constituaient à reproduire fidèlement et très exactement les maquettes qu'il avait conçu et crées pour les 11 paysages (').
Notre patron avait également apporté les photographies des maquettes à échelles réduites pour les placer sur le rétroprojecteur.
J'ai vu plusieurs fois Mme Dominique M., Chevalier des arts et des lettres venir sur le chantier pour nous encourager (...)
Par ailleurs, j'ai souvent été témoin de la jalousie maladive de M. Jean Paul L. qui dénigrait le Patron, lui reprochant son habileté et sa dextérité. Nous étions tous étonnés de son esprit mal tourné qu'il cachait en présence du patron».
M. Gérard B. par une attestation en date du 14 septembre 2020 indique être venu à plusieurs reprises sur le chantier de M. G. et avoir constaté la présence de nombreuses personnes peignant sous ses ordres et écrit que celui-ci «donnait des précisions et des recommandations à chacun pour que les fresques soient représentées le plus fidèlement possible aux maquettes. Je me souviens l'avoir vu faire la mise au point du grand paysage de Fontainebleau avec la précision et la pertinence qu'on lui connaît ('). Il se représentait sur la fresque en habit de moine car ce sujet revenait souvent dans sa vie ».
M. Roland G. atteste quant à lui le 20 février 2019 qu'il a «exécuté, au même titre que les autres participants à la réalisation des fresques avec M. L. sous les directives de mon frère qui était mon employeur à l'époque. Mon frère venait régulièrement donner les directives du travail à faire et rectifiait souvent les faux pas de M. L. qui parlait à la presse sans l'autorisation de mon frère!».
Madame Dominique M., veuve de Jean M. atteste aussi :
«Je me souviens très bien lorsque M. G. a reçu la commande de la SNCF en 1980 pour les fresques de la Gare de Lyon. Nous en avions beaucoup parlé mon mari défunt et moi. M. G. a distribué le travail à ses employés qui participaient à l'exécution de la fresque. C'est bien lui qui dirigeait les travaux, attentif à chaque phase du travail. Les maquettes qu'il avait créées ont servi à l'exécution des peintures dans lesquelles il était aussi très impliqué tout au long de la réalisation de ces fresques».
Quant aux huit attestations produites par la SNCF (pièces 69 à 76), si elles justifient de la présence de M. L. lors de la réalisation de l'oeuvre et de la qualité de son travail, une seule évoque qu'il était seul alors que les sept autres ne donnent aucune indication relative à la présence ou à l'absence d'autres peintres.
Les articles de presse cités par les parties ne permettent pas non plus de conclure que M. L. aurait créé et réalisé seul la fresque.
Ainsi, la cour constate que l'intervention de plusieurs auteurs dans la conception et la réalisation de la fresque, dont notamment MM G. et L., est démontrée à suffisance et que la contribution des divers auteurs ne peut être distinguée et se fond dans un ensemble.
Enfin, il n'est pas contesté que la commande de l'oeuvre a bien été faite par la SNCF à M. G. suite à un devis établi par celui-ci et à des échanges de correspondances. Le procès-verbal de réception des travaux du 22 mai 1981 est signé par le chef de la section de Paris SNCF Sud Est et par M. G.. Il est également produit un planning de travaux relatif à la fresque établi par la SNCF qui fait apparaître le nom «G. » à l'endroit de la colonne des travaux à exécuter. Les travaux ont ainsi bien été commandés et payés à M. G..
M. L. en revanche n'apparaît à aucun moment de la phase précontractuelle ou contractuelle, pas plus qu'il n'intervient lors de la réception de l'oeuvre. La cour note encore que seul M. G. est contacté par la SNCF et présent aux réunions préparatoires à compter du mois de décembre 2009 pour envisager la réfection nécessaire de l'oeuvre.
La cour constate en conséquence, au vu de l'ensemble des éléments produits au débat, que la fresque litigieuse doit être qualifiée d'oeuvre collective et que M. G. est la personne physique sous le nom de laquelle elle a été divulguée.
Il doit en conséquence être déclaré investi des droits de l'auteur, et notamment des prérogatives liées au droit moral, sur la fresque en vertu de la présomption édictée par l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle, la preuve contraire n'ayant pas été apportée à suffisance par la SNCF ou par M. L. dont il convient de noter qu'il n'a pas été attrait à la procédure et n'a pas cru devoir faire le choix d'y intervenir volontairement pour faire valoir sa qualité d'auteur.
Le jugement est dès lors infirmé en ce qu'il a jugé M. G. irrecevable en ses demandes faute de justifier de sa qualité d'auteur.
M. G. sera en revanche débouté de sa demande injustifiée de voir ordonner la publication du jugement à intervenir qu'il semble lié à la contestation de sa paternité sur l'oeuvre. Il ne peut en effet être reproché à la SNCF d'avoir en défense à la revendication de M. G. opposé une contestation quant à la titularité du droit d'auteur. La SNCF a pu légitimement se méprendre sur la situation juridique de l'oeuvre au vu des éléments fournis par M. L..
Sur les demandes de M. G. fondées sur le droit moral de l'auteur
L'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
«L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.
Ce droit est attaché à sa personne.
Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur.
L'exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires».
Si le droit moral de l'auteur est imprescriptible, l'action fondée sur une atteinte à ce droit moral se prescrit selon les règles du droit commun de l'article 2224 du code civil qui énonce que «les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer».
M. G. reproche à la SNCF d'avoir fait preuve de négligences dans l'entretien de l'oeuvre et d'avoir ainsi porté atteinte à l'intégrité physique de celle-ci.
La SNCF fait valoir que dès le mois de décembre 2009, M. G. avait été informé de la volonté de la SNCF de faire procéder à la réfection des fresques dont il prenait acte par son courrier du 9 décembre 2009. Elle en conclut que la prescription de l'action a dès lors été acquise dès le 9 décembre 2014 pour les faits antérieurs au 9 décembre 2009 et plus généralement pour tous ceux antérieurs au 3 octobre 2013, soit cinq années avant l'introduction de la procédure le 3 octobre 2018.
M. G. ne répond pas à la prescription soulevée par la SNCF.
La cour constate que le courrier adressé par recommandé avec accusé de réception par M. G. à la SNCF le 9 décembre 2009 faisait état des prélèvement effectués la veille qui avaient démontré que les peintures avaient subi des agressions telles d'importantes poussières, d'importante quantité de CO2 et des acides qui ont pénétré la couche picturale. Le conseil de M. G. rappelait d'ailleurs ces constatations lors de son courrier de mise en demeure daté du 30 septembre 2014.
Dès lors, la cour retient que l'action de M. G. est bien prescrite pour tous les faits antérieurs au 3 octobre 2013 dès lors que celui-ci connaissait la supposée atteinte au droit moral reprochée.
En revanche, les reproches formulés par M. G. à l'encontre de la SNCF de n'avoir pas fait appel à ses compétences pour évaluer exactement les travaux à faire, d'avoir refusé de l'associer à l'exécution des travaux menés par des conservateurs ignorant l'état d'origine des fresques et de ne pas l'avoir invité à la réception travaux afin qu'il puisse constater que le remise en état a bien été conforme à l'état de 1981 ne sont pas prescrits comme étant postérieurs à 2013.
Pour autant, la cour observe que la SNCF n'avait aucune obligation, ni légale, ni contractuelle, de recourir à M. G., même reconnu investi des droits d'auteur sur l'oeuvre collective litigieuse, de recourir à ses services ni pour avis, ni pour exécuter les travaux de réfection nécessaires sur l'oeuvre.
Le droit moral de l'auteur sur lequel se fonde les demandes de M. G. ne porte que sur le respect dû à l'oeuvre dont M. G. tire l'obligation de l'acquéreur d'une oeuvre d'art de l'entretenir dans son état initial, obligation qui serait selon lui renforcée s'agissant des acteurs publics.
Cette obligation d'entretien de l'oeuvre ne peut être étendue à une obligation de la faire entretenir par l'auteur lui-même, ni même sous son nécessaire contrôle.
Si M. G. est en droit de demander réparation en cas d'atteinte à l'intégrité de l'oeuvre par une rénovation inappropriée, il lui appartient de prouver en sa qualité de demandeur à l'action l'existence d'une telle atteinte.
Or, il ne produit au débat aucun élément justifiant d'une atteinte à l'intégrité de l'oeuvre du fait de la réfection réalisée par la SNCF et confiée à une autre entreprise que la sienne.
M. G. sera dès lors débouté de l'intégralité de ses demandes.
Sur les frais et les dépens de la procédure
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer la condamnation aux dépens de première instance et d'y ajouter ceux de l'appel.
En revanche, au vu de l'équité, la condamnation à 10.000 euros prononcée par les premiers juges sur le fondement de l'article 700 sera infirmée et il sera jugé que chacune des parties conservera à sa charge les frais engagés par elle tant en première instance qu'en appel.
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné M. G. aux dépens,
Y substituant et y ajoutant,
Reçoit l'intervention de la société SNCF Gares & Connexions venant aux droits de l'établissement public SNCF Mobilités et la mise hors de cause subséquente de ce dernier,
Dit M. G. investi des droits d'auteur sur la fresque constituée de 11 tableaux, oeuvre collective, réalisée en 1980/1981 Gare de Lyon,
Dit M. G. recevable en son action mais le déboute de l'intégralité de ses demandes,
Déboute M. G. et la SNCF Gares & Connexions de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. G. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'application de l'article 699 du code de procédure civile.