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Décisions

Cass. 1re civ., 16 mars 2016, n° 15-10.577

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Versailles, 11 déc. 2014

11 décembre 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 décembre 2014), que Mme X... et Mme Y... se sont mariées le 10 juin 2013 ; que le 16 juin suivant, cette dernière a donné naissance à l'enfant A... Y... ; que le 11 octobre 2013, Mme X... a déposé une requête aux fins d'adoption plénière de l'enfant de sa conjointe puis a interjeté appel du jugement qui a rejeté cette demande ; que l'association Juristes pour l'enfance est intervenue volontairement devant la cour d'appel ;

Attendu que l'association Juristes pour l'enfance fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son intervention volontaire alors, selon le moyen :

1°/ que l'intervention volontaire est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme ; qu'en l'espèce l'association JPE dont l'objet est notamment « de conduire et développer une action d'intérêt général à caractère familial et social centrée autour de la défense de l'intérêt des enfants nés, à naître ou à venir, et pour la protection de l'enfance sous quelque forme que ce soit » et en particulier « d'être à l'initiative de toute actions (...) pour la défense des enfants (...) », invoquait un droit propre consistant à ce que ne soit pas prononcée « une adoption qui constituerait un détournement de cette institution » et par suite la confirmation du jugement ayant débouté la demande d'adoption de Mme X... ; qu'en retenant que la demande de l'association « tend (ait uniquement) à s'opposer à l'adoption sollicitée et à la confirmation du jugement ; qu'elle n'élève donc aucune prétention à son profit » au motif que le « Ministère public était resté partie jointe », la cour d'appel a violé les articles 66 et 329 du code de procédure civile ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

2°/ que, subsidiairement, à considérer que l'action soit accessoire dès lors que le ministère public était dans la cause, l'intervention est admise quand bien même l'intervenant ne justifierait pas d'un intérêt direct inséparable de celui de l'une des parties ; qu'en disant irrecevable la demande de l'association JPE aux motifs inopérant que « étant tiers au jugement qui ne lui a pas été notifié, elle ne justifie d'aucun lien avec l'enfant, la demanderesse à l'adoption ou sa conjointe qui lui permettrait de s'immiscer dans la procédure d'adoption » soit en exigeant qu'elle ait un intérêt direct et inséparable de celui de l'une des autres parties, la cour d'appel a violé les articles 66, 330 du code de procédure civile ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°/ qu'en toute hypothèse, l'intervention volontaire est recevable lorsqu'elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant ; qu'en l'espèce, pour dire l'action de l'association JPE irrecevable la cour d'appel a considéré que l'association JPE ne justifiait d'aucun lien avec l'enfant, la demanderesse à l'adoption ou sa conjointe ; qu'en exigeant un lien de connexité, non entre la demande d'adoption plénière et la demande en intervention, mais entre l'association JPE et la demanderesse ou sa conjointe ou encore l'enfant en cause, la cour d'appel a violé l'article 325 du code de procédure civile ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

4°/ que justifie d'un intérêt direct l'association qui agit dans la défense des intérêts collectifs dont elle a la charge au regard de son objet social ; que l'intervention peut se produire au cours d'une procédure gracieuse aussi bien qu'au cours d'une procédure contentieuse ; qu'en l'espèce il est constant que l'association JPE a pour objet « de conduire et développer une action d'intérêt général à caractère familial et social centrée autour de la défense de l'intérêt des enfants nés, à naître ou à venir, et pour la protection de l'enfance sous quelque forme que ce soit » ; qu'en disant l'association irrecevable aux motifs inopérants que l'intérêt collectif défendu « n'est pas légitime au regard de la nature de l'affaire relative à l'état d'un enfant, instruite et débattue en chambre du conseil, après avis du ministère public », la cour d'appel a violé les articles 66, 325, 328 et 554 du code de procédure civile ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

5°/ que l'intervention d'un tiers est recevable même en matière d'adoption du moment que ce tiers justifie d'un intérêt à intervenir et qu'elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant ; qu'en disant irrecevable dans une procédure d'adoption l'intervention d'une association dont l'objet est « de conduire et développer une action d'intérêt général à caractère familial et social centrée autour de la défense de l'intérêt des enfants nés, à naître ou à venir, et pour la protection de l'enfance sous quelque forme que ce soit » aux motifs que l'intérêt collectif défendu « n'est pas légitime au regard de la nature de l'affaire relative à l'état d'un enfant, instruite et débattue en chambre du conseil, après avis du ministère public » soit en ajoutant une condition à la recevabilité de l'intervention que la loi ne contient pas, la cour d'appel a violé les articles 325, 328, 554 et 1170 du code de procédure civile ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'association Juristes pour l'enfance se bornait à s'opposer à la demande d'adoption et à la confirmation du jugement, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle n'élevait aucune prétention à son profit ;

Et attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé que cette association, qui n'invoquait aucun autre intérêt que la défense des intérêts collectifs dont elle se prévalait, ne justifiait pas d'un intérêt légitime à intervenir dans une procédure d'adoption ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Juristes pour l'enfance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X... et à Mme Y... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille seize.