Livv
Décisions

Cass. com., 22 mai 1973, n° 71-12.731

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monguilan

Rapporteur :

M. Noel

Avocat général :

M. Robin

Avocat :

Me Martin-Martinière

Rennes, ch. 1, du 28 avr. 1971

28 avril 1971

SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES :

ATTENDU QUE SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE (RENNES, 28 AVRIL 1971), X APPARTENAIT AU GROUPE DE PERSONNES QUI, APRES LA LIBERATION, A RECU L'AUTORISATION DE FAIRE PARAITRE LE JOURNAL " OUEST-FRANCE ", QUE POUR ASSURER CETTE PUBLICATION UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE DU MEME NOM A ETE CREEE PEU APRES, QUE X FIGURAIT PARMI LES GERANTS STATULAIRES ; QU'IL A DEMISSIONNE LE 19 MARS 1957 DE CE POSTE AUQUEL IL FUT DE NOUVEAU NOMME LE 15 NOVEMBRE 1962, QU'A DIVERSES REPRISES DES MODIFICATIONS FURENT APPORTEES AUX STATUTS, NOTAMMENT LE 24 SEPTEMBRE 1968, QUE LE 11 SEPTEMBRE 1970 UNE ASSEMBLEE GENERALE FUT CONVOQUEE EN VUE DE TRANSFORMER LA SOCIETE EN SOCIETE ANONYME, QU'IL ETAIT INDIQUE QUE CETTE TRANSFORMATION POUVAIT ETRE DECIDEE A LA MAJORITE SIMPLE TANT EN RAISON DE L'ARTICLE 36 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966, LA SOCIETE COMPTANT PLUS DE CINQUANTE ASSOCIES, QUE DE L'ARTICLE 69 DE LA MEME LOI DU FAIT QUE L'ACTIF NET DEPASSAIT CINQ MILLIONS DE FRANCS ; QUE PAR CENT SOIXANTE-SIX VOIX SUR DEUX CENT VINGT-QUATRE LA TRANSFORMATION A ETE VOTEE ET DE NOUVEAUX STATUTS ADOPTES ; QUE X A ETE NOMME ADMINISTRATEUR, QU'AMAURY ET X ONT DEMANDE, QUE SOIT PRONONCEE AVEC SES CONSEQUENCES DE DROIT, L'ANNULATION DE LA CONVOCATION ET QUE DEVANT LA COUR D'APPEL ILS ONT FAIT VALOIR QUE CERTAINES DES MODIFICATIONS APPORTEES AUX STATUTS EN 1968, TOUCHANT L'ORGANISATION D'UNE GESTION COLLEGIALE ET L'AGREMENT A DONNER AUX TRANSMISSIONS DE PARTS A TITRE HEREDITAIRE AVAIENT ETE IRREGULIEREMENT PRISES ;

ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR DIT QUE LA DEMANDE TENDANT A VOIR DECLARER LA NULLITE OU RECONNAITRE L'INEXISTENCE DES MODIFICATIONS STATUTAIRES DE 1968 ETAIT IRRECEVABLE COMME NOUVELLE, AMAURY ET X N'EN DEDUISANT AUCUN MOYEN TOUCHANT L'IRREGULARITE DE LA CONVOCATION LITIGIEUSE, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE, D'UNE PART, IL RESULTE DE L'ASSIGNATION ET DES CONCLUSIONS ECHANGEES EN PREMIERE INSTANCE ENTRE LES PARTIES, QUE LE DEBAT A EFFECTIVEMENT PORTE DEVANT LES PREMIERS JUGES SUR LA PRETENDUE HARMONISATION, AVEC LA NOUVELLE LEGISLATION DU 24 JUILLET 1966, DES STATUTS DE LA SOCIETE ADOPTES PAR L'ASSEMBLEE DU 24 SEPTEMBRE 1968, ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE LES DEMANDEURS AU POURVOI N'ONT PAS CONCLU A CE QUE SOIT PRONONCEE LA NULLITE DE CETTE DERNIERE ASSEMBLEE, QU'ILS ONT SEULEMENT, A L'APPUI DE LEUR DEMANDE, DEMONTRE L'INEXISTENCE DE CERTAINES DES RESOLUTIONS PRISES PAR CELLE-CI, NOTAMMENT DE L'ARTICLE 15 DES NOUVEAUX STATUTS, CONCERNANT LA TRANSMISSION DES PARTS PAR DECES, ET DE L'ARTICLE 26, MODIFIANT L'ORGANISATION DE LA GERANCE ET LES POUVOIRS DES GERANTS, ET QUE LA SOLUTION DE CES QUESTIONS EST EN RELATION ETROITE AVEC LE LITIGE PORTANT EN PARTICULIER SUR LE NOMBRE DES ASSOCIES APRES DECES ET LA MODIFICATION APPORTEE A LA SITUATION DU GERANT PAR LA TRANSFORMATION EN SOCIETE ANONYME ;

MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QU'IL NE RESULTE NI DE L'ASSIGNATION, NI DES CONCLUSIONS PRISES EN PREMIERE INSTANCE, NI DU JUGEMENT DEFERE QU'AMAURY ET X AIENT DEMANDE AUX PREMIERS JUGES DE PRONONCER LA NULLITE OU DE CONSTATER L'INEXISTENCE DES MODIFICATIONS STATUTAIRES INTERVENUES AVANT LA CONVOCATION LITIGIEUSE ;

ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE LA DEMANDE INITIALE FORMEE PAR AMAURY ET X TENDAIT EXCLUSIVEMENT A VOIR PRONONCER LA NULLITE DE LA CONVOCATION A L'ASSEMBLEE GENERALE DE 1970, QU'ELLE PRETENDAIT QUE LA TRANSFORMATION PROJETEE EN SOCIETE ANONYME, QUI N'ETAIT PAS IMPOSEE PAR L'ARTICLE 36 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966, LA SOCIETE COMPTANT MOINS DE CINQUANTE ASSOCIES, PORTAIT ATTEINTE AUX DROITS QUE X, QUI AVAIT CONCOURU A LA LIBERATION A LA CREATION DU JOURNAL, TENAIT DE L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 28 FEVRIER 1947, ET, QU'EN OUTRE, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 491 DE LA LOI PRECITEE DE 1966, LA TRANSFORMATION DE LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE METTANT FIN AUX FONCTIONS DES GERANTS, NE POUVAIT INTERVENIR QU'A LA MAJORITE DES TROIS QUARTS ; QUE DANS LEURS CONCLUSIONS D'APPEL, QUI SONT PRODUITES, LES DEMANDEURS AU POURVOI NE FAISAIENT APPARAITRE AUCUN LIEN, AINSI QUE LA COUR D'APPEL L'A EXACTEMENT RELEVE, ENTRE CES MOYENS ET LES CRITIQUES QU'ILS ADRESSAIENT A CERTAINES MODIFICATIONS ANTERIEURES DES STATUTS ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;

SUR LE DEUXIEME MOYEN, PRIS EN SES QUATRE BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR DIT QUE DU FAIT DE LA DEMISSION QU'IL AVAIT DONNEE EN 1957 DE SES FONCTIONS DE GERANT, X NE BENEFICIAIT PAS DE LA LOI DU 28 FEVRIER 1947 ET QUE DE PLUS, IL N'ETAIT PAS ETABLI QU'UNE ATTEINTE AIT, EN FAIT, ETE PORTEE A SES DROITS OU A SA SITUATION DANS L'ENTREPRISE ALORS, SELON LE POURVOI, QUE, D'UNE PART, LA SITUATION D'ADMINISTRATEUR DANS UNE SOCIETE ANONYME NE SAURAIT ETRE ASSIMILEE A CELLE D'UN GERANT STATUTAIRE DANS UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE, MEME FAISANT PARTIE D'UN CONSEIL DE GERANCE STATUANT A LA MAJORITE DES VOIX, L'ADMINISTRATEUR ETANT REVOCABLE " AD NUTUM ", A LA MAJORITE SIMPLE, TANDIS QUE LE GERANT NE L'EST PAS, ET QU'EN MATIERE DE PRESSE TOUT PARTICULIEREMENT ; IL EST PROTEGE PAR UNE MAJORITE QUALIFIEE, QUE, D'AUTRE PART, LE MAINTIEN DU CONSEIL DE GERANCE COMPOSE DE CINQ MEMBRES ET PRENANT SES DECISIONS A LA MAJORITE, NE POUVAIT ETRE L'OEUVRE DE L'ASSEMBLEE GENERALE DU 24 SEPTEMBRE 1968 QUI, STATUANT A LA SIMPLE MAJORITE NE POUVAIT PRENDRE UNE TELLE RESOLUTION, QUE CETTE MESURE NE CONSTITUE PAS UNE MISE EN HARMONIE AVEC LA NOUVELLE LEGISLATION, QUE, DE TOUTE FACON, IL RESULTE DE L'ARTICLE 6 DE LA LOI DU 20 DECEMBRE 1969, QUE LE GERANT D'UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE DISPOSE, MEME EN CAS DE PLURALITE DE GERANTS, DES POUVOIRS LES PLUS ETENDUS, QUE, D'AILLEURS, LA LOI NE FAISAIT PAS DE DISTINCTION ENTRE LES FONDATEURS, QUI ONT INTERROMPU LEURS FONCTIONS D'ADMINISTRATION, DE DIRECTION, OU DE REDACTION, ET CEUX QUI ONT CONTINUE SANS INTERRUPTION D'EN ASSUMER LES CHARGES, CE QUI EST, AU SURPLUS, LE CAS DE X QUI A CONSERVE SON POSTE DE DIRECTEUR ADJOINT ET A ETE DESIGNE COMME SUCCESSEUR DU GERANT EN EXERCICE, ET DONT LE DROIT A SE PREVALOIR DE L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 28 FEVRIER 1947 EST EXPRESSEMENT RECONNU PAR L'ARRET LUI-MEME, QU'ENFIN, L'EVICTION DU GERANT STATUTAIRE FONDATEUR, SEUL REPRESENTANT ACTUEL DE L'EQUIPE ORIGINELLE BENEFICIAIRE DE L'AUTORISATION DE PARAITRE, PARMI LES DIRIGEANTS DE LA SOCIETE, D'UN POSTE PREPONDERANT ET STABLE, POUR N'AVOIR PLUS QU'UNE VOIX ISOLEE DANS UN CORPS DE DOUZE MEMBRES, IMPLIQUE NECESSAIREMENT LA TRANSFORMATION DE L'ESPRIT DE L'ENTREPRISE DE PRESSE ET EN TOUT CAS, LA POSSIBILITE D'UN RENIEMENT COMPLET DE L'ESPRIT QUI AVAIT PRESIDE A LA FONDATION D'OUEST-FRANCE LORS DE LA LIBERATION ;

MAIS ATTENDU, EN PREMIER LIEU, QU'AUX CONCLUSIONS DE LA SOCIETE " OUEST-FRANCE " FAISANT VALOIR QUE X S'ETAIT EN 1957 VOLONTAIREMENT DEMIS DE LA GERANCE, QU'IL N'AVAIT ETE, PAR LA SUITE, NOMME A CES FONCTIONS QU'EN 1962 ET QU'IL NE POUVAIT, EN CONSEQUENCE, INVOQUER LA LOI DE 1947 POUR CONSERVER INCHANGEE UNE SITUATION QU'IL TENAIT NON PLUS DE SA QUALITE DE FONDATEUR DU JOURNAL, MAIS DU LIBRE CHOIX DES ASSOCIES, CELUI-CI N'A PAS FAIT VALOIR L'ARGUMENTATION QU'ENONCE LE POURVOI ; QU'IL S'EST BORNE A PORTER LA DISCUSSION AINSI QUE LE RELEVE LA COUR D'APPEL, SUR UNE NOUVELLE DEMISSION QU'IL AVAIT OFFERTE EN 1965 ET SUR LAQUELLE IL ETAIT VALABLEMENT REVENU ; QUE LES PRETENTIONS DEVELOPPEES DANS LA TROISIEME BRANCHE DU MOYEN SONT DONC NOUVELLES ET, QU'ETANT MELANGEES DE FAIT ET DE DROIT, ELLES SONT IRRECEVABLES ;

ATTENDU, EN SECOND LIEU, QUE LA COUR D'APPEL AYANT DECIDE QUE X NE BENEFICIAIT PAS DE LA LOI DE 1947, LES AUTRES MOTIFS CRITIQUES PAR LES AUTRES BRANCHES DU MOYEN PEUVENT ETRE TENUS POUR SURABONDANTS ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;

SUR LE TROISIEME MOYEN : ATTENDU QUE LE POURVOI SOUTIENT, DE PLUS, QUE LA COUR D'APPEL N'A PAS REPONDU AUX CONCLUSIONS DES DEMANDEURS AU POURVOI FAISANT VALOIR QUE LES RAPPORTS SUCCINCTS DU COMMISSAIRE AUX COMPTES SE BORNANT A REPRODUIRE CERTAINS POSTES DU BILAN DU DERNIER EXERCICE, NE PERMETTENT PAS D'ARRIVER A LA DETERMINATION DE L'ACTIF NET ET NE METTENT PAS LES ASSOCIES A MEME DE PRENDRE PARTI EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL ENONCE QUE LES RAPPORTS DU COMMISSAIRE AUX COMPTES DES 11 ET 25 SEPTEMBRE 1970 INDIQUENT LA SITUATION DE LA SOCIETE AINSI QUE L'EXIGE L'ARTICLE 69 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966 ET QU'IL EN RESULTE QUE L'ACTIF NET ETAIT DE 38654208,27 FRANCS ; QU'ELLE A AINSI REPONDU AUX CONCLUSIONS INVOQUEES ;

QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;

SUR LE QUATRIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST, ENFIN, FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR DIT QUE LA TRANSFORMATION DONT IL S'AGIT AVAIT PU ETRE VOTEE A LA MAJORITE SIMPLE, L'ARTICLE 491 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966 SUR LA REVOCATION DES GERANTS DES SOCIETES DE PRESSE ETANT SANS APPLICATION EN LA CAUSE, ALORS SELON LE POURVOI, QUE LA REVOCATION DU GERANT D'UNE ENTREPRISE DE PRESSE REQUIERT LA MAJORITE DES TROIS QUARTS DU CAPITAL SOCIAL, QUE LA TRANSFORMATION DE LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE EN SOCIETE ANONYME OPEREE A LA MAJORITE DU CAPITAL SOCIAL A NECESSAIREMENT POUR EFFET LA CESSATION DES FONCTIONS DU GERANT ET QUE, POUR LES ENTREPRISES DE PRESSE, LA REGLE SPECIALE A LA REVOCATION DU GERANT NE SAURAIT ETRE TOURNEE PAR LE BIAIS DE LA TRANSFORMATION DE LA SOCIETE ET FONT AINSI ECHEC A LA FACULTE D'OPERER CETTE TRANSFORMATION A LA MAJORITE DU CAPITAL SOCIAL ;

MAIS ATTENDU QUE, REJETANT L'ALLEGATION SELON LAQUELLE LA TRANSFORMATION D'OUEST-FRANCE EN SOCIETE ANONYME N'AVAIT EU D'AUTRE BUT QUE DE PRIVER X DE SON POSTE DE GERANT DE LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE, LA COUR D'APPEL CONSTATE AU CONTRAIRE QUE LA DECISION DE TRANSFORMATION QUI A ETE PRISE POUR EVITER UN RISQUE DE DISSOLUTION ET DONNER A L'ENTREPRISE UN CADRE JURIDIQUE EN RAPPORT AVEC SON DEVELOPPEMENT, REVELE SEULEMENT LE SOUCI D'ASSURER LA SURVIE ET L'EXTENSION DE L'ENTREPRISE DE PRESSE ET QUE L'OFFRE A X D'UN POSTE D'ADMINISTRATEUR DENOTE UN SOUCI DE CONTINUITE ; QUE, DANS CES CIRCONSTANCES, LA COUR D'APPEL, APRES AVOIR EXACTEMENT OBSERVE QUE LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 491 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966 CONCERNENT SEULEMENT LA REVOCATION DES GERANTS, A PU CONSIDERER QU'EN L'ESPECE LA SOCIETE " OUEST-FRANCE " N'AVAIT PAS ABUSE DU DROIT QU'ELLE TENAIT DE L'ARTICLE 69 DE LADITE LOI D'ADOPTER LA FORME DE SOCIETE ANONYME A LA MAJORITE SIMPLE ;

QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 28 AVRIL 1971 PAR LA COUR D'APPEL DE RENNES.